1 Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtreb par vocation, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu,
a Selon un formulaire accoutumé de son temps, Paul commence ses épîtres par une adresse (noms de l’expéditeur et des destinataires, salutation sous forme de souhait) suivie d’une action de grâces et d’une prière. Mais il donne à ces formules un tour chrétien qui lui est propre, et surtout il les dilate en y coulant une pensée théologique qui annonce d’ordinaire les thèmes majeurs de chaque épître. — Ici ces thèmes sont : la gratuité de l’élection divine, le rôle de la foi dans la justification, le salut par la mort et la résurrection du Christ, l’harmonie des deux testaments.
b Ce titre d’origine juive qui signifie « envoyé », cf. Jn 13.16 ; 2 Co 8.23 ; Ph 2.25, est appliqué dans le NT, tantôt aux Douze disciples choisis par le Christ, Mt 10.2 ; Ac 1.26 ; 2.37, etc. ; 1 Co 15.7 ; Ap 21.14, pour être ses témoins, Ac 1.8, tantôt, d’une façon plus large, aux missionnaires de l’Évangile, 16.7 ; 1 Co 12.28 ; Ep 2.20 ; 3.5 ; 4.11. Bien que ne faisant pas partie du groupe des Douze, Paul est néanmoins apôtre à part entière parce que le Christ ressuscité l’a envoyé auprès des païens, Ac 26.17 ; 11.13 ; 1 Co 9.2 ; Ga 2.8 ; 1 Tm 2.7 ; 1.1 ; 1 Co 1.1, etc., qui ne le cède en rien aux Douze. Comme eux, Ac 10.40-41, il a vu le Christ ressuscité, 1 Co 9.1, et reçu de lui, 1.5 ; Ga 1.16, la mission d’être son témoin, Ac 26.16. Tout en se reconnaissant le dernier des apôtres, 1 Co 15.9, il marque clairement qu’il est leur égal, 1 Co 9.5 ; Ga 2.6-9, et ne leur doit pas son évangile, Ga 1.1, 17, 19.
2 que d’avance il avait promis par ses prophètes dans les saintes Écritures,
3 concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair,
4 établic Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts,d
Jésus Christ notre Seigneur,
c Vulg. : « prédestiné ».
d Paul attribue toujours la résurrection du Christ à l’action de Dieu, 1 Th 1.10 ; 1 Co 6.14 ; 15.15 ; 2 Co 4.14 ; Ga 1.1 ; 4.24 ; 10.9 ; Ac 2.24 ; 1 P 1.21, qui y a manifesté sa « puissance », 2 Co 13.4 ; 6.4 ; Ph 3.10 ; Col 2.12 ; Ep 1.19s ; He 7.16. C’est par l’Esprit Saint qu’il a été ramené à la vie, 8.11, et placé dans son état glorieux de « Kyrios », Ph 2.9-11 ; Ac 2.36 ; 14.9, où il mérite à un titre nouveau, messianique, son nom éternel de « Fils de Dieu » Ac 13.33 ; He 1.1-5 ; 5.5. Cf. 8.11 ; 9.5.
5 par qui nous avons reçu grâce et apostolat
pour prêcher, à l’honneur de son nom, l’obéissance de la foie
parmi toutes les nations,f
e Moins sans doute l’obéissance due au message évangélique que celle qui est adhésion de foi. Cf. Ac 6.7 ; 6.16-17 ; 10.16 ; 15.18 ; 16.19, 26 ; 2 Co 10.5-6 ; 2 Th 1.8 ; 1 P 1.22 ; He 5.9 ; 11.8.
f Le terme grec « ethnè » peut avoir une connotation négative (païens, ceux qui adorent les idoles) ou une connotation neutre ; il désigne alors les peuples autres que le peuple juif, autrement dit les non-juifs. En Rm, il faut traduire par « nations », et non par « païens » dans la mesure où Paul applique le terme aux croyants, certes venus du paganisme, mais qui ne sont plus païens, adorateurs des divinités païennes ; les seuls passages où le terme a été rendu par « païens » sont 2.14-24.
6 dont vous faites partie, vous aussi, appelés de Jésus Christ,
7 à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome,
aux saints par vocation,
à vous grâce et paix
de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ.
8 Et d’abord je remercie mon Dieu par Jésus Christ à votre sujet à tous, de ce qu’on publie votre foi dans le monde entier.
g Littéralement « je rends un culte en mon esprit ». Le ministère apostolique est un acte de culte rendu à Dieu, cf. 15.16, comme aussi toute vie chrétienne animée par la charité, 12.1 ; Ph 2.17 ; 3.3 ; 4.18 ; Ac 13.2 ; 2 Tm 1.3 ; 4.6 ; He 9.14 ; 12.28 ; 13.15 ; 1 P 2.5.
h L’esprit (pneuma) désigne parfois chez Paul la partie supérieure de l’homme, 1.9 ; 8.16 ; 1 Co 2.11 ; 16.18 ; 2 Co 2.13 ; 7.13 ; Ga 6.18 ; Ph 4.23 ; Phm 25 ; 2 Tm 4.22 ; cf. Mt 5.3 ; 27.50 ; Mc 2.8 ; 8.12 ; Lc 1.47, 80 ; 8.55 ; 23.46 ; Jn 4.23s ; 11.33 ; 13.21 ; 19.30 ; Ac 7.59 ; 17.16 ; Ac 18.25 ; 19.21, qui se distingue de sa partie inférieure, la chair (1 Co 5.5 ; 2 Co 7.1 ; Col 2.5 ; cf. Mt 26.41 ; 1 P 4.6 ; 7.5), le corps (1 Co 5.3s ; 7.34 ; cf. Jc 2.26 ; 7.24), voire la psychè (1 Th 5.23 ; cf. He 4.12 ; Jude 19), et qui correspond d’une certaine manière au noûs (7.25 ; Ep 4.23). Comparer le sens analogue de « disposition d’esprit », 1 Co 4.21 ; 2 Co 12.18 ; Ga 6.1 ; Ph 1.27. En adoptant ce terme de préférence au noûs de la philosophie grecque, la tradition biblique, cf. Gn 6.17 ; Isa 11.2, laisse entendre la correspondance profonde entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu qui le suscite et le dirige, 5.5 ; Ac 1.8. Cette correspondance est telle qu’en plusieurs des textes cités et en d’autres encore, cf. 12.11 ; 2 Co 6.6 ; Ep 4.3, 23 ; 6.18 ; Ph 3.3 var. ; Col 1.8 ; Jude 19, etc., il est malaisé de dire de quel esprit il s’agit, naturel ou surnaturel, personnel ou participé.
14 Je me dois aux Grecsi comme aux barbares, aux savants comme aux ignorants :
i Les « Grecs », opposés aux « barbares », désignent tous les hommes « cultivés », y compris les Romains (qui avaient adopté la culture grecque) : opposés aux « Juifs », ils désignent tous les païens, 1.16 ; 2.9-10 ; 3.9 ; 10.12 ; 1 Co 1.22-24, etc.
j On peut aussi traduire : « Aussi, autant qu’il est en moi, suis-je prêt ».
16 Car je ne rougis pas de l’Évangile : il est force de Dieu pour le salut de tout croyant,k du Juif d’abord,l puis du Grec.
k La foi est un acte par lequel l’homme s’en remet à Dieu, à la fois vérité et bonté, comme en la source unique du salut. Elle s’appuie sur sa véracité et sa fidélité dans ses promesses (3.3s ; 1 Th 5.24 ; 2 Tm 2.13 ; He 10.23 ; 11.11), et sur sa puissance à les exécuter (4.17-21 ; He 11.19). Après la longue préparation de l’AT (He 11), Dieu ayant parlé par son Fils (He 1.1), c’est lui désormais qu’il faut croire (cf. Mt 8.10 ; Jn 3.11) et après lui le « kérygme » (10.8-17 ; 1 Co 1.21 ; 15.11, 14 ; cf. Ac 2.22) de l’Évangile (1.16 ; 1 Co 15.1-2 ; Ph 1.27 ; Ep 1.13) annoncé par les apôtres (1.5 ; 1 Co 3.5 ; cf. Jn 17.20), à savoir que Dieu a ressuscité Jésus des morts et l’a fait Kyrios (4.24s ; 10.9 ; Ac 17.31 ; 1 P 1.21 ; cf. 1 Co 15.14, 17), offrant par lui la vie à tous ceux qui croiront en lui (6.8-11 ; 2 Co 4.13s ; Ep 1.19s ; Col 2.12 ; 1 Th 4.14). La foi au Nom de Jésus (3.26 ; 10.13 ; cf. Jn 1.12 ; Ac 3.16 ; 1 Jn 3.23), Christ (Ga 2.16 ; cf. Ac 24.24 ; 1 Jn 5.1), Seigneur (10.9 ; 1 Co 12.3 ; Ph 2.11 ; cf. Ac 16.31) et Fils de Dieu (Ga 2.20 ; cf. Jn 20.31 ; 1 Jn 5.5 ; Ac 8.37 ; 9.20), est ainsi la condition indispensable du salut (10.9-13 ; 1 Co 1.21 ; Ga 3.22 ; cf. Isa 7.9 ; Ac 4.12 ; 16.31 ; He 11.6 ; Jn 3.15-18). La foi n’est pas pure adhésion intellectuelle, mais confiance, obéissance (1.5 ; 6.17 ; 10.16 ; 16.26 ; cf. Ac 6.7) à une vérité de vie (2 Th 2.12s) qui engage tout l’être dans l’union au Christ (2 Co 13.5 ; Ga 2.16, 20 ; Ep 3.17) et lui donne l’Esprit (Ga 3.2, 5, 14 ; cf. Jn 7.38s ; Ac 11.16-17) des fils de Dieu (Ga 3.26 ; cf. Jn 1.12). Parce qu’elle ne compte que sur Dieu, la foi exclut toute suffisance (3.27 ; Ep 2.9) et s’oppose au régime de la Loi (7.7) et à sa vaine recherche (10.3 ; Ph 3.9) d’une justice méritée par des œuvres (3.20, 28 ; 9.31s ; Ga 2.16 ; 3.11s) : la vraie justice que seule elle procure est la Justice salvifique de Dieu (ici ; 3.21-26) reçue comme un don gratuit (3.24 ; 4.16 ; 5.17 ; Ep 2.8 ; cf. Ac 15.11). Aussi rejoint-elle la promesse faite à Abraham (4 ; Ga 3.6-18) et ouvre-t-elle le salut à tous, même aux païens (1.5, 16 ; 3.29s ; 9.30 ; 10.11s ; 16.26 ; Ga 3.8). Elle s’accompagne du baptême (6.4), s’exprime par une profession ouverte (10.10 ; 1 Tm 6.12) et fructifie par la charité (Ga 5.6 ; cf. Jc 2.14). Encore obscure (2 Co 5.7 ; He 11.1 ; cf. Jn 20.29) et accompagnée d’espérance (5.2), elle doit croître (2 Co 10.15 ; 1 Th 3.10 ; 2 Th 1.3) dans la lutte et les souffrances (Ph 1.29 ; Ep 6.16 ; 1 Th 3.2-8 ; 2 Th 1.4 ; He 12.2 ; 1 P 5.9), la fermeté (1 Co 16.13 ; Col 1.23 ; 2.5, 7) et la fidélité (2 Tm 4.7 ; cf. 1.14 ; 1 Tm 6.20) jusqu’au jour de la vision et de la possession (1 Co 13.12 ; cf. 1 Jn 3.2).
l Les Juifs sont les premiers dans l’économie historique du salut. Cf. 2.9-10 ; Mt 10.5s ; 15.24 ; Mc 7.27 ; Ac 13.5, Jn 4.22.
m En Rm, Paul ne définit pas ce qu’il entend par « justice de Dieu », mais les onze premiers chapitres présentent progressivement les composantes : de rétributive (punition et récompense selon les œuvres, impartialité, etc.), elle va ensuite se manifester comme justifiante, c’est-à-dire rendant juste, transformant quiconque accepte de croire.
n L’expression obscure sera précisée à partir de 3.21.
o Les vv. 16-17 forment ce que la rhétorique d’alors nommait une prothesis, c’est-à-dire une thèse que l’argumentation subséquente doit prouver et expliquer. Dans un premier temps, Paul montrera que la justice de Dieu opère par la foi seule pour tous, sans exception ni privilège, juifs et non-juifs (1.18 — 4.25). Il va ensuite insister sur la grâce surabondante accordée à tous ceux qui sont en Christ (5-8), ce qui va soulever une nouvelle difficulté : si personne (le juif comme le non-juif) n’est exclu de l’élection et de la filiation divine, pourquoi Dieu a-t-il élu le peuple d’Israël et pourquoi ce dernier semble-t-il être exclu des grâces accordées en Christ (9-11) ?
18 En effet, la colère de Dieuq se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui tiennent la vérité captive dans l’injustice ;
p On peut s’étonner qu’après avoir présenté l’Évangile comme force salvifique de Dieu et manifestation ultime de sa justice, Paul, sans transition, parle de la colère divine. En réalité, cette section de l’épître est essentielle à la démonstration, car elle permet à Paul de commencer avec les catégories et espérances des juifs pieux, qui attendaient la manifestation finale de la justice divine — châtiment des impies et délivrance d’Israël. Mais, en 2, l’Apôtre va progressivement s’éloigner des positions acquises, pour montrer que les différences entre circoncis et incirconcis, juif et non-juif, ne sont pas là où on le pensait. Toute son argumentation vise à niveler les statuts, pour insister sur la situation égale, sans privilège aucun, dans laquelle tous se trouvent, incapables de justice et donc objets de la colère divine.
q Déjà dans l’AT, il est dit que Dieu réagit par la colère contre l’injustice humaine. Même si cette colère n’est jamais explicitement qualifiée de juste, elle n’est pourtant pas opposée à la justice divine, et certains textes semblent indiquer qu’elle en est une composante nécessaire ; cf. Ps 7.7-12. Par « colère divine », les écrivains sacrés désignent la punition infligée pour l’injustice grave. Une telle réaction ne reflète pas une nature divine irascible, mais une incompatibilité totale entre Dieu et l’injustice, qui ne peut finir que par la destruction du mal.
r Connaissance d’un Dieu unique et personnel, impliquant la conscience d’une obligation de prière et d’adoration.
s Ce verset, qui reprend la critique biblique et juive de l’idolâtrie, fait aussi allusion à l’épisode du veau d’or et à l’idolâtrie passée d’Israël (Ps 106.20 ; cf. Ex 32) ; Paul indique ainsi implicitement que ses réflexions ne touchent pas que les païens, mais une tendance constante de l’humanité.
24 Aussi Dieu les a-t-il livrést selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps ;
t Jusqu’à la fin du chap. 1, Paul ne fait que reprendre les critiques que le judaïsme d’alors faisait des païens et de leurs mœurs. Cf. Sg 11-12.
u Le mot hébreu Amen, hérité de l’AT, cf. Ps 41.14, passe dans l’usage de l’Église chrétienne, 9.5 ; 11.36 ; 1 Co 14.16 ; Ap 1.6-7 ; 22.20-21, etc. Déjà employé par Jésus, Mt 5.18, il lui est ensuite donné comme un nom propre, à titre de témoin véritable des promesses de Dieu, 2 Co 1.20 ; Ap 1.2, 5 ; 3.14.
26 Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ;
28 Et comme ils n’ont pas jugé bon de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur esprit sans jugement,v pour faire ce qui ne convient pas :
v Jeu d’expression : pour ne s’être pas exercé comme il le devait (« ils n’ont pas jugé bon »), le jugement moral, inclus dans la connaissance de Dieu (v. 21), se trouve aboli ou faussé, v. 32.
29 remplis dew toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice ;x ne respirant qu’envie, meurtre, dispute, fourberie, malignité ; diffamateurs,
w Paul s’inspire, ici et souvent ailleurs, de listes de vices qui circulaient dans la littérature contemporaine, païenne et surtout juive : 13.13 ; 1 Co 5.10-11 ; 6.9-10 ; 2 Co 12.20 ; Ga 5.19-21 ; Ep 4.31 ; 5.3-5 ; Col 3.5-8 ; 1 Tm 1.9-10 ; 6.4 ; 2 Tm 3.2-5 ; Tt 3.3. Cf. encore Mt 15.19 ; 1 P 4.3 ; Ap 21.8 ; 22.15.
x Add. : « de fornication ».
y Autre traduction : « haïs de Dieu », mais cf. 5.10 ; 8.7.
z Add. (Vulg.) : « implacables », cf. 2 Tm 3.3.
a La tradition latine a lu : « Connaissant bien que Dieu est juste, ils ne comprirent pas que les auteurs de pareilles actions sont dignes de mort ; et non seulement leurs auteurs, mais encore ceux qui les approuvent. »