retour

Bible de Jérusalem

1 Samuel 8-15

II. Samuel et Saül

1. INSTITUTION DE LA ROYAUTÉn

Le peuple demande un roi.o

8 Lorsque Samuel fut devenu vieux, il établit ses fils comme juges pour Israël.

n C’est un tournant important dans l’histoire politique et religieuse d’Israël. Le sanctuaire de l’arche à Silo a été détruit et l’unité est menacée, en face du péril philistin qui grandit. Renouvelant l’offre faite à Gédéon, Jg 8.22s, et la tentative d’Abimélek, Jg 9.1s, une partie du peuple demande un roi, « comme les autres nations », mais un autre courant d’opinion s’y oppose, laissant à Yahvé, seul maître d’Israël, le soin de susciter les chefs que les circonstances exigent, comme il faisait au temps des Juges. Ces deux courants trouvent leur expression dans les récits juxtaposés de l’institution monarchique. Mais il est abusif de parler d’une « version antimonarchiste », 8 ; 10.17-24 ; 12, et d’une « version monarchiste », 9.1—10.16 ; 11. Ces traditions diverses, provenant de différents sanctuaires, s’accordent sur le rôle historique et religieux de Samuel. Son importance est d’avoir fait prévaloir une royauté qui respectait les droits de Dieu sur le peuple. Après l’échec du règne de Saül, cela se réalisera sous David. Sa grande personnalité conciliera l’aspect religieux et l’aspect profane de la monarchie en Israël et, en lui, le chef politique ne manquera pas aux devoirs de l’Oint de Yahvé. Mais cet idéal ne sera plus atteint par ses successeurs, et David restera la figure du Roi de l’avenir, par qui Dieu opérera le salut de son peuple, l’Oint du Seigneur, le Messie.

o Ce récit est originaire du sanctuaire de Rama. Samuel s’oppose au mouvement du peuple qui veut un roi « comme les autres nations », cf. v. 5, mais il n’est pas contre une monarchie qui reconnaîtrait les prérogatives de Yahvé.

2 Son fils aîné s’appelait Yoël et son cadet Abiyya ; ils étaient juges à Bersabée. 3 Mais ses fils ne marchèrent pas sur ses traces : ils furent attirés par le gain, acceptèrent des cadeaux et firent dévier le droit. 4 Tous les anciens d’Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. 5 Ils lui dirent : « Tu es devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis-nous un roi pour qu’il nous juge, comme toutes les nations. »p

p Israël oublie qu’il n’est pas un peuple comme les autres, il se profane en suivant leur exemple, et en rejetant son véritable roi, Yahvé, cf. v. 7 et 12.12.

6 Cela déplut à Samuel qu’ils aient dit : « Donne-nous un roi, pour qu’il nous juge », et il pria Yahvé. 7 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront, car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, mais c’est moi qu’ils rejettent, ne voulant plus que je règne sur eux. 8 Conformément à tout ce qu’ils ont fait depuis le jour où je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à maintenant — ils m’ont abandonné et ont servi d’autres dieux, ainsi ils agissent également envers toi. 9 Et maintenant, écoute leur voix, mais tu les avertiras solennellement et tu leur apprendras le droit du roi qui va régner sur eux. »

Les inconvénients de la royauté.

10 Samuel répéta toutes les paroles de Yahvé au peuple qui lui demandait un roi. 11 Il dit : « Tel sera le droit du roi qui va régner sur vous.q Il prendra vos fils et les affectera à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char.

q Ce « droit du roi » a longtemps été considéré comme reflétant les abus du pouvoir royal sous Salomon et ses successeurs. Mais les textes récemment découverts indiquent qu’il représente la pratique des royaumes cananéens antérieurs à Israël.

12 Il les établira chefs de mille et chefs de cinquante ; il leur fera labourer son labour, moissonner sa moisson, fabriquer ses armes de guerre et les harnais de ses chars. 13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. 14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs et les donnera à ses serviteurs.r

r En hébreu le mot « serviteur » désigne quelqu’un qui est soumis à un autre. Ici le terme désigne, comme au v. 15, les fonctionnaires royaux, mais suggère un autre statut au v. 16 à cause du parallélisme avec le mot « servantes » ; au v. 17 il désigne les sujets d’un roi.

15 Sur vos semences et vos vignes, il prélèvera la dîme et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. 16 Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. 17 Il prélèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes deviendrez ses serviteurs. 18 Ce jour-là, vous crierez à cause du roi que vous vous serez choisi, mais Yahvé ne vous répondra pas, ce jour-là ! »

19 Le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel et dit : « Non ! Nous aurons un roi 20 et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations : notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats. » 21 Samuel entendit toutes les paroles du peuple et les redit à l’oreille de Yahvé. 22 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute leur voix et fais régner sur eux un roi. » Alors Samuel dit aux hommes d’Israël : « Partez chacun dans sa ville. »s

s La fin du v., rédactionnelle, permet d’insérer 9.1—10.16, le récit de l’onction de Saül.

Saül et les ânesses de son père.t

9 Il y avait un homme de Benjamin qui s’appelait Qish, fils d’Abiel, fils de Çeror, fils de Bekorat, fils d’Aphiah, fils d’un Benjaminite, un homme vaillant.

t Le récit 9.1—10.16 est sans lien avec ce qui précède. Il provient de Rama, et suppose que Saül a été oint encore jeune et que cette onction est restée secrète, comme pour David, 16. Mais l’onction est associée à la prise de pouvoir. Il est sûr que Saül a été oint, 24.7, 11 ; 26.9, 11, 16, 23 ; 2 S 1.14-15, il est vraisemblable qu’il l’a été par Samuel, mais nous ne savons pas dans quelles circonstances. L’histoire est centrée sur Saül, et Samuel est présenté non comme un juge mais comme un prophète que Saül rencontre par hasard. La royauté est voulue par Yahvé, le premier roi est son élu.

2 Il avait un fils nommé Saül,u homme jeune et beau. Nul parmi les Israélites n’était plus beau que lui : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple.

u Nom qui signifie « demandé » (à Dieu). La précision sur la haute taille de Saül en fin de v. vient de 10.23.

3 Les ânesses appartenant à Qish, père de Saül, s’étant égarées, Qish dit à son fils Saül : « Prends avec toi l’un des jeunes gens. Lève-toi, pars à la recherche des ânesses. » 4 Il traversa la montagne d’Éphraïm, il traversa le pays de Shalisha sans rien trouver ; il traversa le pays de Shaalim et elles n’y étaient pas ; il traversa le pays de Benjamin sans rien trouver. 5 Lorsqu’ils furent arrivés au pays de Çuph, Saül dit au jeune homme qui était avec lui : « Allons ! Retournons, de peur que mon père cesse de penser aux ânesses et qu’il ne s’inquiète pour nous. » 6 Mais celui-ci lui répondit : « Voici qu’un homme de Dieu se trouve dans cette ville.v C’est un homme réputé : tout ce qu’il dit arrive sûrement. Allons-y donc, peut-être nous renseignera-t-il sur le voyage que nous avons entrepris. »

v Sans doute Rama, la ville de Samuel, 7.17.

7 Saül dit au jeune homme : « Si nous y allons, qu’apporterons-nous à l’homme de Dieu ? Le pain a disparu de nos sacs et nous n’avons pas de présent à apporter à l’homme de Dieu. Qu’avons-nous ? »w

w On ne consultait pas un prophète sans lui faire un présent, Nb 22.7 ; 1 R 14.3 ; 2 R 4.42 ; 5.15 ; 8.8. Cf. Am 7.12 ; Mi 3.11 ; Ez 13.19.

8 Le jeune homme répondit à Saül et lui dit : « Voici j’ai en ma possession un quart de sicle d’argent, je le donnerai à l’homme de Dieux et il nous renseignera sur notre voyage. »

x Terme rare pour désigner un prophète. Le v. 9, glose mal insérée dans le texte, explique l’équivalence entre « voyant » et « prophète » afin de préparer le v. 11.

9 Autrefois en Israël, on parlait ainsi lorsqu’on allait consulter Dieu : « Allons donc chez le voyant », car le prophète d’aujourd’hui on l’appelait autrefois « le voyant ». 10 Saül dit au jeune homme : « Tu as bien parlé, allons donc ! » Et ils allèrent à la ville où se trouvait l’homme de Dieu.

Saül rencontre Samuel.

11 Comme ils gravissaient la montée de la ville, ils rencontrèrent des jeunes filles qui sortaient pour puiser l’eau et ils leur demandèrent : « Le voyant est-il ici ? » 12 Elles leur répondirent en disant : « Il y est ; le voici devant toi. Hâte-toi maintenant : il est venu aujourd’hui en ville, car il y a aujourd’hui un sacrifice pour le peuple sur le haut lieu.y

y Les hauts lieux étaient des sanctuaires établis sur une hauteur au voisinage des villes. Ils existaient dans la tradition cananéenne, Yahvé y remplaça Baal, Jg 6.25s, et le culte légitime les toléra longtemps, 1 R 3.4s, jusqu’à ce qu’ils soient interdits par la loi sur l’unité du sanctuaire, Dt 12.2.

13 Dès que vous entrerez en ville, vous le trouverez avant qu’il ne monte au haut lieu pour le repas. Le peuple ne mangera pas avant son arrivée, car c’est lui qui doit bénir le sacrifice ; après quoi, les invités mangeront.z

Maintenant, montez, car lui, vous le trouverez sur-le-champ. »

z Le repas est un élément essentiel du sacrifice de communion, cf. Lv 3.1.

14 Ils montèrent donc à la ville. Comme ils entraient dans la ville, Samuel sortait à leur rencontre pour monter au haut lieu. 15 Or, un jour avant que Saül ne vînt, Yahvé avait avertia Samuel :

a Littéralement « avait découvert l’oreille ». Image assez fréquente qui traduit l’idée d’un message ou avertissement d’une personne à une autre, cf. 20.2 12-13 ; 22.8 17.

16 « Demain à pareille heure, avait-il dit, je t’enverrai un homme du pays de Benjamin, tu lui donneras l’onction comme chef de mon peuple Israël, et il sauvera mon peuple de la main des Philistins, car j’ai vu mon peupleb et son cri est venu jusqu’à moi. »

b La fin du v. s’inspire d’Ex 3.7, 9, ce que le grec a bien vu en parlant de « la misère de mon peuple ».

17 Et quand Samuel aperçut Saül, Yahvé lui confirma : « Voilà l’homme dont je t’ai dit : C’est lui qui tiendra mon peuple en main. » 18 Saül aborda Samuel au milieu de la porte et dit : « Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant. » 19 Samuel répondit à Saül : « C’est moi le voyant. Monte devant moi au haut lieu. Vous mangerez aujourd’hui avec moi. Je te laisserai partir au matin et je t’indiquerai tout ce qui te préoccupe. 20 Quant à tes ânesses égarées il y a aujourd’hui trois jours, ne t’en inquiète pas, car elles sont retrouvées. Et à qui appartient tout ce qui est précieux en Israël ? N’est-ce pas à toi et à toute la maison de ton père ? »c

c Première annonce de l’élévation de Saül.

21 Saül répondit et dit : « Ne suis-je pas un Benjaminite, une des plus petites tribus d’Israël, et ma famille n’est-elle pas la moindre de toutes celles de la tribu de Benjamin ? Pourquoi me dire une telle parole ? »

22 Samuel prit Saül et le jeune homme. Il les introduisit dans la salle et leur donna une place en tête des invités, qui étaient une trentaine. 23 Puis Samuel dit au cuisinier : « Donne la part que je t’ai donnée, celle dont je t’ai dit : Mets-la de côté. » 24 Le cuisinier préleva le gigot et ce qui est au-dessus, il les plaça devant Saül et lui dit : « Voici le reste placé devant toi. Mange, car c’est pour cette réunion que cela a été gardé pour toi en disant : « J’ai invité le peuple. » » Ce jour-là, Saül mangea avec Samuel.d

d Texte difficile. Il semble qu’une part de choix a été prélevée pour faire de Saül le président du repas, lui attribuant ainsi le droit de se dire le convocateur des invités. L’action et la parole mettent en relief le futur rôle de Saül et anticipent sur ce que fera et dira Samuel le lendemain.

25 Ils descendirent du haut lieu à la ville. Il parla avec Saül sur la terrasse.e

e La terrasse est à la fois le lieu de l’entretien entre Samuel et Saül et celui où Saül a dormi et où il est interpellé par Samuel. La narration est ici très habile.

26 Ils se levèrent tôt.

Le sacre de Saül.f

Or, dès que monta l’aurore, Samuel appela Saül sur la terrasse en lui disant : « Lève-toi, je vais te laisser partir. » Saül se leva, et tous les deux, lui et Samuel sortirent au-dehors.

f Les rois d’Israël étaient oints par un homme de Dieu (prêtre ou prophète), cf. 16.13 ; 1 R 1.39 ; 2 R 9.6 ; 11.12. Ce rite donnait au roi un caractère sacré et faisait de lui le vassal de Yahvé : il était « l’oint de Yahvé », cf. 2.35 ; 24.7, 11 ; 26.9, 16, et voir Ex 30.22.

27 Ils étaient descendus à la limite de la ville quand Samuel dit à Saül : « Ordonne au jeune homme de passer devant nous. » Celui-ci passa devant. « Quant à toi tiens-toi là maintenant, que je te fasse entendre la parole de Dieu. »

10 Samuel prit la fiole d’huile, la versa sur la tête de Saül, puis il l’embrassa et dit : « N’est-ce pas Yahvé qui t’a oint comme chef sur son héritage ? C’est toi qui jugeras le peuple de Yahvé et le délivreras de la main de ses ennemis d’alentour. Et voici pour toi le signe que Yahvé t’a oint comme chef sur son héritage. 2 Quand tu m’auras quitté aujourd’hui, tu rencontreras deux hommes près du tombeau de Rachel, sur la frontière de Benjamin, à Çelçahg et ils te diront : « Les ânesses que tu étais parti chercher sont retrouvées. Voici que ton père a oublié l’affaire des ânesses et s’inquiète de vous, se disant : Que puis-je faire pour mon fils ? »

g Nom de lieu de localisation incertaine.

3 De là, passant outre, tu arriveras au Chêne de Tabor et tu y rencontreras trois hommes montant vers Dieu à Béthel, l’un portant trois chevreaux, l’autre portant trois miches de pain, le dernier portant une outre de vin. 4 Ils te salueront et te donneront deux offrandesh de pains, que tu prendras de leur main.

h « deux pains » hébr. ; le grec précise « deux offrandes de pain ». Le mot « offrandes » a été supprimé parce qu’à une époque tardive il désignait ce qui était destiné aux prêtres alors que Saül était laïc, cf. Lv 23.17 20.

5 Après cela, tu arriveras à Gibéa de Dieui où se trouvent des préfetsj des Philistins et, à l’entrée de la ville, tu te heurteras à une troupe de prophètes descendant du haut lieu, précédés de la harpe, du tambourin, de la flûte et de la cithare, et ils seront en état de transe prophétique.k

i Autre nom de Gibéa, la patrie de Saül, vv. 10s ; 11.4 ; 15.34.

j Ce pluriel est curieux et les versions ont lu le sing. Cette précision prépare 13.3.

k Ces « prophètes », vivant en groupes, demandaient à la musique et à la gesticulation une extase qui devenait contagieuse, 19.20-24 ; 1 R 22.10s. On leur a comparé les confréries de derviches modernes. Les voisins d’Israël connaissaient (ainsi les prophètes de Baal, 1 R 18.25-29) cette forme inférieure de vie religieuse que le culte de Yahvé toléra longtemps, 1 R 18.4. On les retrouve, assagis, dans l’entourage d’Élisée, 2 R 2.3. Les grands prophètes d’Israël seront d’une autre classe, voir l’Introduction aux Prophètes.

6 Alors l’esprit de Yahvé fondra sur toi, tu entreras en transe avec eux et tu seras changé en un autre homme. 7 Lorsque ces signes se produiront pour toi, agis comme l’occasion se présentera, car Dieu est avec toi. 8 Tu descendras avant moi à Gilgall et je t’y rejoindrai pour offrir des holocaustes et des sacrifices de communion. Tu attendras sept jours jusqu’à ce que je vienne vers toi et je te ferai savoir ce que tu dois faire. »

l Près de Jéricho, cf. Jos 4.19. Le v. 8 est une insertion préparant 13.8-15, qui vient d’une source différente.

Retour de Saül.

9 Dès qu’il eut tourné le dos pour quitter Samuel, Dieu lui changea le cœur et tous ces signes s’accomplirent le jour même. 10 Quandm ils arrivèrent là, à Gibéa, voici qu’une troupe de prophètes venait à sa rencontre ; l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra en transe avec eux.

m Le récit ne s’attarde pas sur l’accomplissement des deux premiers signes. Le troisième est d’ailleurs de nature différente et s’appuie sur un proverbe que l’on retrouve en 19.18-24.

11 Tous ceux qui le connaissaient de longue date le virent : il faisait le prophète avec des prophètes. Les gens se dirent l’un à l’autre : « Qu’est-il arrivé au fils de Qish ? Saül est-il aussi parmi les prophètes ? » 12 Un homme originaire de l’endroit reprit : « Qui donc est leur père ? »n C’est pourquoi il est passé en proverbe de dire : « Saül est-il aussi parmi les prophètes ? »

n La question laisse entendre que ce groupe ne peut se réclamer d’un fondateur ou d’un ancêtre prestigieux. Ce jugement négatif rejaillit sur Saül dont la présence étonne.

13 Lorsqu’il fut sorti de transe, Saül arriva en haut lieu. 14 L’oncle de Saül leur dit, à lui et au jeune homme : « Où êtes-vous allés ? » « À la recherche des ânesses, répondit-il. Nous n’avons rien vu et nous sommes allés chez Samuel. »

15 L’oncle de Saül lui dit : « Raconte-moi donc ce que Samuel vous a dit. »

16 Saül dit à son oncle : « Il nous a bien raconté que les ânesses étaient retrouvées », mais il ne lui raconta pas l’affaire de la royauté, que Samuel avait dite.

Saül est désigné comme roi par le sort.o

17 Samuel convoqua le peuple auprès de Yahvé à Miçpa

o Tradition du sanctuaire de Miçpa, cf. 7.5, parallèle à celle de l’onction, 9.26—10.16. Pour ce tirage au sort, cf. Jos 7.14-18.

18 et il dit aux Israélites : « Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël : Moi, j’ai fait monter Israël d’Égypte et vous ai délivrés de la main de l’Égypte et de tous les royaumes qui vous opprimaient. 19 Mais vous, aujourd’hui, vous avez rejeté votre Dieu, celui qui vous sauvait de tous vos maux et de toutes vos angoisses, et vous lui avez dit : « Tu établiras un roi sur nous. » Maintenant, présentez-vous devant Yahvé par tribus et par clans. »

20 Samuel fit approcher toutes les tribus d’Israël et la tribu de Benjamin fut désignée par le sort. 21 Il fit approcher la tribu de Benjamin par clans, et le clan de Matri fut désigné.p Puis Saül, fils de Qish, fut désigné ; on le chercha, mais on ne le trouva pas.

p Le processus de tirage au sort est ici très simplifié.

22 On consulta encore Yahvé : « Est-il venu ici quelqu’un d’autre ? » Et Yahvé dit : « Le voici caché parmi les bagages. » 23 On courut l’y prendre et il se présenta au milieu du peuple : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple. 24 Samuel dit à tout le peuple : « Avez-vous vu celui qu’a choisi Yahvé ? Il n’a pas son pareil dans tout le peuple. » Tout le peuple s’écria : « Vive le roi ! »

25 Samuel exposa au peuple le droit de la royautéq et il l’écrivit dans le livre qu’il déposa devant Yahvé. Samuel renvoya tout le peuple, chacun chez soi.

q Ce « droit de la royauté », cf. 8.11-13, est ici un texte écrit, une « constitution », un traité qui lie le roi et le peuple, cf. 2 R 11.17.

26 Saül aussi s’en alla chez lui à Gibéa, et partirent avec lui les vaillants dont Dieu avait touché le cœur. 27 Mais des vauriens dirent : « Comment celui-là nous sauverait-il ? » Ils le méprisèrent et ne lui offrirent pas de présent, mais lui il garda le silence.r

r Littéralement « il fut comme silencieux ».

Victoire contre les Ammonites.s

11 Nahash l’Ammonite monta assiéger Yabesh de Galaad. Tous les gens de Yabesh dirent à Nahash : « Conclus avec nous un traité et nous te servirons. »

s Tradition de Gilgal indépendante des précédentes rien n’indique que Saül ait déjà été oint, ni acclamé roi par le peuple. Le récit rappelle ceux des « grands » Juges. Mais la différence est qu’après la victoire, Saül n’est pas reconnu comme juge, il est proclamé roi ; et la différence est considérable.

2 Mais Nahash l’Ammonite leur dit : « Je le conclurai avec vous de cette manière : en vous crevant à chacun l’œil droit, et j’infligerai cette honte sur tout Israël. » 3 Les anciens de Yabesh lui dirent : « Laisse-nous un répit de sept jours. Nous enverrons des messagers dans tout le territoire d’Israël et, si personne ne vient nous sauver, nous nous rendrons à toi. » 4 Les messagers arrivèrent à Gibéa de Saül et exposèrent les choses aux oreilles du peuple. Tout le peuple éleva la voix et pleura.

5 Or, voici que Saül revenait des champs derrière ses bœufs. Saül dit : « Qu’a donc le peuple à pleurer ainsi ? » On lui raconta les propos des hommes de Yabesh, 6 et quand Saül entendit ces paroles, l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra dans une grande colère. 7 Il prit une paire de bœufs et la dépeça en morceaux qu’il envoya par messagers dans tout le territoire d’Israël en disant : « Celui qui ne sortira pas pour le combat derrière Saül et Samuel,t ainsi sera-t-il fait de ses bœufs. » Une terreur de Yahvé s’abattit sur le peuple et ils marchèrent comme un seul homme.

t L’action de Saül est ici placée sous l’autorité de Samuel le juge, cf. 7.2.

8 Il les passa en revue à Bézeq : les Israélites étaient trois cent mille et les hommes de Juda trente mille.u

u L’énormité des chiffres et la distinction entre Israël et Juda trahissent une main tardive.

9 On dit aux messagers qui étaient venus : « Vous parlerez ainsi aux hommes de Yabesh de Galaad : Demain, quand le soleil sera ardent, un salut vous arrivera. » Les messagers vinrent en informer les hommes de Yabesh, et ceux-ci se réjouirent. 10 Les hommes de Yabesh dirent :v « Demain, nous sortirons vers vousw et vous nous traiterez comme il vous semblera bon. »

v On ne sait à quoi s’adresse la réponse. À Nahash ? C’est ce que l’on peut comprendre à la suite du v. 3. Elle peut aussi s’adresser aux envoyés de Saül.

w Les gens de Yabesh jouent sur le mot qui peut signifier « attaquer » ou « se rendre » (comme au v. 3).

11 Le lendemain, Saül disposa le peuple en trois corps. Ils pénétrèrent au milieu du camp à la veille du matin, et ils battirent les Ammonites jusqu’au plus chaud du jour. Les survivants se dispersèrent, il n’en resta pas deux ensemble.

Saül est proclamé roi.x

12 Le peuple dit à Samuel : « Qui donc disait : « Saül régnera-t-il sur nous ? » Livrez ces gens, que nous les mettions à mort. »

x La suite originelle du v. 11 est au v. 15 ; au lendemain de la victoire, le peuple acclame Saül comme roi. Mais, d’après le récit parallèle, Saül a déjà été proclamé roi à Miçpa, 10.24. Les vv. 12-14 accordent les deux récits Saül n’a pas été reconnu par tous, cf. 10.27, il faut « renouveler » son intronisation.

13 Mais Saül dit : « Personne ne sera mis à mort en ce jour, car aujourd’hui Yahvé a opéré un salut en Israël. »

14 Puis Samuel dit au peuple : « Venez et allons à Gilgal et nous y renouvellerons la royauté. »

15 Tout le peuple alla à Gilgal et là on fit Saül roi devant Yahvé. Là on offrit des sacrifices de communion devant Yahvé. Là Saül et tous les hommes d’Israël se livrèrent à de grandes réjouissances.

Samuel se retire devant Saül.y

12 Samuel dit à tout Israël : « Voici que je vous ai écouté en tout ce que vous m’avez dit et j’ai fait régner un roi sur vous.

y À ce « discours d’adieux » de Samuel, comparer ceux de Moïse, Dt 29.30, et de Josué, Jos 23. Au début de chaque nouvelle étape de l’histoire — la conquête, les juges, la monarchie, — le grand personnage de l’époque qui s’achève rappelle les grandes actions de Dieu dans le passé et promet son assistance pour l’avenir, à condition que le peuple reste fidèle. Pour Moïse et pour Josué, ces « adieux » sont liés à un renouvellement de l’alliance, Dt 31 ; Jos 24, qui est implicite ici, vv. 7-15. Le lieu est probablement Gilgal, comme en 11.15.

2 Et maintenant, voici le roi qui marche devant vous. Pour moi, je suis devenu vieux, j’ai blanchi et mes fils sont là avec vous. J’ai marché devant vous depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour. 3 Me voici ! Déposez contre moi devant Yahvé et devant son oint : de qui ai-je pris le bœuf et de qui ai-je pris l’âne ? Qui ai-je exploité ? Qui ai-je écrasé ? De la main de qui ai-je reçu une compensation pour que je ferme les yeux sur son cas ? Je vous restituerai. » 4 Ils répondirent : « Tu ne nous as ni exploités ni écrasés, tu n’as rien reçu de personne. » 5 Il leur dit : « Yahvé est témoin contre vous, et son oint est témoin aujourd’hui, que vous n’avez rien trouvé entre mes mains. » Et ils répondirent : « Il est témoin. » 6 Samuel dit au peuple :z « C’est Yahvé qui a agi avec Moïse et Aaron et qui a fait monter vos pères du pays d’Égypte.

z Le début de ce discours, v. 6-15, est dans le style deutéronomique.

7 Et maintenant, présentez-vous, je vais discuter avec vous devant Yahvé tous les bienfaits que Yahvé a faits pour vous et vos pères : 8 quand Jacob fut arrivé en Égypte, vos pères ont crié vers Yahvé et Yahvé envoya Moïse et Aaron qui firent sortir vos pères d’Égypte, et qui les installèrent en ce lieu.a

a Ce rappel historique ne reprend pas toutes les étapes de l’histoire d’Israël avec Dieu, mais en offre un raccourci.

9 Mais ils oublièrent Yahvé leur Dieu et celui-ci les a vendus aux mains de Sisera, chef de l’armée de Haçor, aux mains des Philistins et du roi de Moab qui leur firent la guerre. 10 Ils crièrent vers Yahvé : « Nous avons péché, dirent-ils, car nous avons abandonné Yahvé et servi les Baals et les Astartés. Maintenant, délivre-nous de la main de nos ennemis et nous te servirons ! » 11 Alors Yahvé envoya Yerubbaal, Bedân,b Jephté, Samuel, il vous a délivrés de vos ennemis d’alentour et vous avez habité en sécurité.

b Nom d’un juge inconnu par ailleurs.

12 « Cependant, lorsque vous avez vu Nahash, le roi des Ammonites, marcher contre vous, vous m’avez dit : « Non ! Il faut qu’un roi règne sur nous. » Pourtant, Yahvé votre Dieu, c’est lui votre roi ! 13 Maintenant donc, voici le roi que vous avez choisi, que vous avez demandé ; voici que Yahvé vous a donné un roi.

14 Si vous craignez Yahvé et le servez, si vous écoutez sa voix et ne vous révoltez pas contre les ordres de Yahvé, vous ainsi que le roi qui règne sur vous, vous suivrez Yahvé, votre Dieu, c’est bien ! 15 Mais si vous n’écoutez pas la voix de Yahvé, si vous vous révoltez contre les ordres de Yahvé, la main de Yahvé sera sur vous et sur vos pères.c

c Le châtiment à l’égard des pères, à première vue étonnant, peut s’exercer selon la mentalité ancienne par la violation de leur sépulture.

16 « Maintenant encore, présentez-vous et voyez cette grande chose que Yahvé opère sous vos yeux. 17 N’est-ce pas maintenant la moisson des blés ?d Je vais invoquer Yahvé et il fera tonner et pleuvoir. Comprenez et voyez la gravité du mal que vous avez fait envers Yahvé en demandant pour vous un roi. »

d Une époque où il ne pleut jamais en Palestine.

18 Samuel invoqua Yahvé et celui-ci fit tonner et pleuvoir le jour même, et tout le peuple eut une grande crainte de Yahvé et de Samuel. 19 Tout le peuple dit à Samuel : « Prie Yahvé ton Dieu en faveur de tes serviteurs, afin que nous ne mourions pas, car à tous nos péchés nous avons ajouté le malheur de demander pour nous un roi. »

20 Samuel dit au peuple : « Ne craignez pas. Vous avez commis tout ce mal. Seulement, ne vous écartez pas de Yahvé et servez-le de tout votre cœur. 21 Ne vous en écartez pas, car ce serait suivre le vide, ce qui ne sert de rien et ne peut délivrer, car les idoles sont du vide.e

e Le mot « idoles » n’est pas prononcé, mais le pronom pluriel (hemmah en hébr.) suffit à les évoquer pour les condamner.

22 En effet, Yahvé n’abandonne pas son peuple à cause de son grand nom, car Yahvé a voulu que vous deveniez son peuple. 23 Pour ma part, malheur à moi si je pèche contre Yahvé en cessant de prier pour vous. Je vous enseignerai le bon et droit chemin. 24 Craignez seulement Yahvé et servez-le sincèrement de tout votre cœur, car voyez ce qu’il a fait de grand avec vous. 25 Mais si vous commettez le mal, vous périrez, vous et votre roi. »

2. DÉBUTS DU RÈGNE DE SAÜLf

Soulèvement contre les Philistins.

13 Saül était âgé de... ans lorsqu’il devint roi, et il régna deux ans sur Israël.g

f Les chap. 13-14 présentent de manière rapide le règne de Saül, avec introduction, 13.1, et conclusion, 14.47-52. Mais ils ne racontent que l’assassinat d’un préfet philistin, la réaction des Philistins et la bataille de Mikmas, qui ne dure qu’un jour. Le chap. 13 est composite. Les vv. 16-18 et 23 appartiennent au récit ancien, qui se continue au chap. 14. Les vv. 7-15 sont une composition plus récente. Aucune allusion ne sera faite ensuite à ce premier rejet de Saül, qui paraît être une anticipation du chap. 15, où ce rejet devient le sujet principal. Après le chap. 15, le roi Saül demeure présent dans les récits regroupés dans les chap. 16-31, mais le héros principal en est David.

g L’âge de Saül à son avènement n’était sans doute pas connu et il est resté en blanc dans les manuscrits. La durée de son règne est réduite à deux ans mais ceci est sans doute dû à une considération théologique, cette durée passant pour être celle de mauvais roi, cf. Ishboshet, 2 S 2.10.

2 Saül se choisit trois mille hommes d’Israël : il y en eut deux mille avec Saül à Mikmas et dans la montagne de Béthel, il y en eut mille avec Jonathan à Gibéah de Benjamin, et Saül renvoya le reste du peuple chacun à sa tente.i

h L’hébr. alterne les noms de Gibéa et de Géba, mais l’exacte transmission de ces noms est une difficulté des chap. 13-14. — Jonathan est le fils aîné de Saül ; lorsqu’il est fait mention de lui, c’est déjà un guerrier, apte à d’heureux coups de main.

i Débris d’une tradition indépendante.

3 Jonathan frappa le préfet des Philistins qui se trouvait à Géba et les Philistins l’apprirent. Saül fit sonner du cor dans tout le pays en disant : « Que les Hébreuxj l’apprennent ! »

j Le mot « Hébreux » semble désigner une population plus large que les seuls Israélites, population qui hésite à se ranger du côté de Saül, tantôt fuyant le pays (13.7), tantôt se mettant du côté des Philistins (14.21). Ce sont souvent des étrangers qui appellent les Israélites Hébreux (14.11 ; cf. 4.6, 9).

4 Tout Israël l’apprit disant : « Saül a frappé le préfet des Philistins et même, Israël s’est rendu odieux aux Philistins ! » Et le peuple se groupa derrière Saül à Gilgal. 5 Les Philistins se rassemblèrent pour combattre Israël, trente mille chars, six mille cavaliers et une troupe aussi nombreuse que le sable du bord de la mer, et ils vinrent camper à Mikmas, à l’orient de Bet-Avèn.k

k Interprété « maison de vanité » est devenu un sobriquet de Béthel, cf. Am 5.5. Mais ici et dans d’autres passages, ce nom doit désigner une ville différente, non localisée.

6 Les hommes d’Israël se virent en péril, car le peuple était serré de près. Le peuple se cacha dans les grottes, les trous, les failles de rocher, les souterrains et les citernes. 7 Des Hébreux passèrent même le Jourdain pour aller vers le pays de Gad et de Galaad.

Rupture entre Samuel et Saüll

Saül était encore à Gilgal et derrière lui le peuple tremblait.

l C’est le drame du règne de Saül choisi par Yahvé, il a sauvé son peuple, 11 et 14 ; cependant il est rejeté par Yahvé, 13 et 15. Depuis la préférence accordée à Jacob sur Ésaü, Gn 25.23, cf. Rm 9.13, et l’élection d’Israël, Dt 7.6 ; Am 3.2, jusqu’à la vocation des Apôtres, celle de saint Paul, celle de tout chrétien, toute l’Histoire Sainte proclame la gratuité des choix divins. Mais elle proclame aussi que le maintien de la grâce dépend de la fidélité de l’élu. Saül a été infidèle à sa vocation.

8 Il attendit sept jours le rendez-vous fixé par Samuel, mais Samuel ne vint pas à Gilgal. Le peuple quittant Saül, se dispersa. 9 Saül dit : « Amenez-moi l’holocauste et les sacrifices de communion », et il offrit l’holocauste.

10 Comme il achevait d’offrir l’holocauste, voici que Samuel arriva. Saül sortit à sa rencontre pour le saluer. 11 Samuel dit : « Qu’as-tu fait ? » Saül dit : « Quand j’ai vu que le peuple me quittait et se dispersait, que toi-même tu ne venais pas au rendez-vous fixé et que les Philistins étaient rassemblés à Mikmas, 12 je me suis dit : Maintenant les Philistins vont descendre sur moi à Gilgal et je n’aurai pas apaisé la face de Yahvé ! Alors je me suis contraint et j’ai offert l’holocauste. » 13 Samuel dit à Saül : « Tu as agi en insensé ! Tu n’as pas gardé le commandement que Yahvé ton Dieu t’avait prescrit. Autrement Yahvé aurait affermi pour toujours ta royauté sur Israël,m

m On voit mal quelle fut la faute de Saül. Il a attendu sept jours, selon l’ordre donné. Il a lui-même offert un sacrifice, mais cela ne choquait pas la conception ancienne, cf. 14.32-35. La raison du rejet sera plus clairement donnée au chap. 15.

14 mais maintenant, ta royauté ne tiendra pas : Yahvé s’est cherché un homme selon son cœur et il l’a institué chef de son peuple,n parce que tu n’as pas gardé ce que Yahvé t’avait prescrit. »

n Il s’agit de David.

15 Samuel se leva et monta de Gilgal pour suivre son chemin. Le reste du peuple monta derrière Saül à la rencontre des hommes de guerre et vint de Gilgal à Géba de Benjamin. Saül passa en revue le peuple qui se trouvait avec lui : environ six cents hommes.o

o On suit le grec ; hébr. a sauté du premier au deuxième « Gilgal ».

Préparatifs de combat.p

16 Saül, son fils Jonathan et le peuple qui était avec eux demeuraient à Géba de Benjamin et les Philistins campaient à Mikmas.q

p Au v. 16 commence le récit ancien de la bataille de Mikmas. Les vv. 19-22 sont une parenthèse.

q Séparés par le profond Wadi Suweinit, que traversa Jonathan, 14.4s.

17 Le corps de destruction sortit du camp philistin en trois bandes : une bande prit la direction d’Ophra, au pays de Shual, 18 la deuxième prit la direction de Bet-Horôn et la troisième prit la direction de la hauteur qui surplombe la Vallée des Hyènes, vers le désert.r

r Ces trois bandes vont ravager tout le pays occupé par la tribu de Benjamin.

19 On ne trouvait plus de forgeron dans tout le pays d’Israël, car les Philistins s’étaient dit : « Il ne faut pas que les Hébreux fabriquent des épées ou des lances. » 20 Tout Israël descendait chez les Philistins pour faire affûter chacun son soc, sa houe, sa hache ou son pic. 21 Le prix était de deux tiers de sicle pour les socs, les houes, les fourches à trois dents, les haches et pour mettre en état les aiguillons.s

s L’abondance des termes techniques pour désigner des outils rend la traduction incertaine.

22 Or, le jour du combat, il n’y avait ni épée ni lance parmi tout le peuple qui était avec Saül et Jonathan. On n’en trouva que pour Saül et Jonathan, son fils.

23 Un poste de Philistins sortit vers la passe de Mikmas.

Jonathan attaque le poste.

14 Un jour le fils de Saül, Jonathan, dit à son écuyer :t « Viens, traversons jusqu’au poste des Philistins qui est de l’autre côté », mais il n’avertit pas son père.

t Littéralement « le jeune homme qui portait ses armes », cf. 14.6, 7, 12.

2 Saül était assis à la limite de Gibéa, sous le grenadier qui est à Migrôn,u et le peuple qui était avec lui était d’environ six cents hommes.

u Localité benjaminite, cf. Isa 10.28.

3 Ahiyya, fils d’Ahitub, frère d’Ikabod, fils de Pinhas, fils d’Éli, le prêtre de Yahvé à Silo, portait l’éphod. Le peuple ne savait pas que Jonathan était parti.

4 Parmi les passages que Jonathan cherchait à traverser pour attaquer le poste des Philistins, l’un d’eux avait une dent de rocher d’un côté et une dent de rocher de l’autre ; l’une s’appelait Boçèç, et l’autre Senné. 5 L’une des dents se dresse au nord, face à Mikmas, l’autre au sud, face à Géba. 6 Jonathan dit à son écuyer : « Viens, traversons jusqu’au poste de ces incirconcis. Peut-être Yahvé agira-t-il pour nous, car rien n’empêche Yahvé de donner la victoire, qu’on soit beaucoup ou peu. » 7 Son écuyer lui dit : « Fais tout ce que tu veux. Suis ton penchant. Je t’accompagne. Comme tu veux ! » 8 Jonathan dit : « Voici que nous allons nous diriger vers ces hommes et nous laisser découvrir par eux. 9 S’ils nous disent : « Restez immobiles jusqu’à ce que nous vous rejoignions », nous resterons sur place et nous ne monterons pas vers eux. 10 Mais s’ils nous disent : « Montez vers nous », nous monterons, car Yahvé les aura livrés entre nos mains : cela nous servira de signe. »v

v Jonathan procède à une sorte de consultation divine, car il demande un présage pour connaître la volonté de Dieu qui seul donne la victoire, cf. Jg 7.9-15. D’ailleurs le récit montre la disproportion entre l’action humaine et son résultat.

11 Ils se laissèrent donc découvrir tous les deux par le poste des Philistins. Les Philistins dirent : « Voici des Hébreux qui sortent des trous où ils se cachaient. »

12 Les hommes du poste, s’adressant à Jonathan et à son écuyer, dirent : « Montez vers nous, que nous vous apprenions quelque chose. » Alors Jonathan dit à son écuyer : « Monte derrière moi, car Yahvé les a livrés aux mains d’Israël. » 13 Jonathan monta en s’aidant des mains et des pieds, et son écuyer le suivit ; ils tombaient devant Jonathan et son écuyer les achevait derrière lui.

14 Ce premier coup porté par Jonathan et son écuyer frappa une vingtaine d’hommes sur environ la moitié d’un champ de labour, un arpent de terre.w

w La fin du v. est de traduction difficile.

Bataille générale.

15 Ce fut la terreur dans le camp, dans la campagne et dans tout le peuple ; le poste et le corps de destruction furent terrifiés eux aussi, la terre trembla et ce fut une terreur de Dieu. 16 Les guetteurs de Saül, qui étaient à Gibéa de Benjamin regardaient : voici que le tumulte se répandait ça et là, 17 et Saül dit au peuple qui était avec lui : « Faites l’appel et voyez qui d’entre nous est parti. » On fit l’appel et voilà que Jonathan et son écuyer étaient absents !

18 Alors Saül dit à Ahiyya : « Apporte l’arche de Dieu. » En effet ce jour-là l’arche de Dieu était avec les Israélites.x

x L’arche de Dieu qui est entre les mains du prêtre Ahiyya est ici une boîte qui contient les jetons divinatoires. Un rédacteur tardif l’a confondue avec l’arche prise par les Philistins (5-6), d’où l’incise qui suit l’ordre de Saül.

19 Mais pendant que Saül parlait au prêtre, le tumulte au camp philistin allait croissant et Saül dit au prêtre : « Retire ta main. »y

y Le prêtre va tirer les sorts ; Saül l’arrête et, sans plus consulter, marche au combat.

20 Saül et tout le peuple qui était avec lui se réunirent et arrivèrent au lieu du combat : voilà qu’ils tiraient l’épée les uns contre les autres ; la confusion était très grande. 21 Les Hébreux qui s’étaient mis auparavant au service des Philistins et qui étaient montés avec eux au camp tout autour se mirent, eux aussi, du côté d’Israël qui était avec Saül et Jonathan. 22 Tous les hommes d’Israël qui s’étaient cachés dans la montagne d’Éphraïm, apprenant que les Philistins étaient en fuite, les talonnèrent aussi, en combattant. 23 Ce jour-là Yahvé donna la victoire à Israël.

Une interdiction de Saül violée par Jonathan.z

Le combat s’étendit au-delà de Bet-Avén.a

z Deux traditions sont mêlées. 1° Saül a ordonné un jeûne jusqu’au soir, v. 24, le peuple l’observe puis se jette sur le butin sans observer les prescriptions rituelles, vv. 31-35. 2° Saül a ordonné un jeûne, v. 24 ; Jonathan, ignorant l’interdit, le transgresse, vv. 25-30, il est désigné comme coupable par le sort, vv. 36-46.

a Hébr., cf. 13.5 ; versions « Bet-Horôn ».

24 Comme les hommes d’Israël étaient serrés de près ce jour-là, Saül prononça sur le peuple cette imprécation : « Maudit soit l’homme qui mangera de la nourriture avant le soir, avant que je ne me sois vengé de mes ennemis ! » Dans tout le peuple, personne ne goûta de nourriture.b

b Ce jeûne de circonstance est un moyen d’obtenir la victoire, qui est donnée par Dieu.

25 Tout le peuple était entré dans la forêt. À la surface du sol il y avait du miel.c

c Le v. forme doublet avec le v. suivant, signe probable de la dualité des traditions.

26 Le peuple était entré dans la forêt et voici qu’il y coulait du miel, mais personne ne porta la main à sa bouche, car le peuple redoutait le serment juré.

27 Cependant Jonathan n’avait pas entendu son père imposer le serment au peuple. Il avança le bout du bâton qu’il avait à la main et le plongea dans le rayon de miel, puis il ramena la main à sa bouche ; alors ses yeux s’éclairèrent.d

d Affamé, Jonathan ne voit plus très bien ; en mangeant du miel sa vue redevient normale.

28 Mais quelqu’un du peuple prit la parole et dit : « Ton père a imposé ce serment au peuple : « Maudit soit l’homme, a-t-il dit, qui mangera de la nourriture aujourd’hui. Et le peuple est épuisé. » » 29 Jonathan dit : « Mon père a fait le malheur du pays ! Voyez donc comme mes yeux voient plus clair pour avoir goûté un peu de ce miel. 30 À plus forte raison, si le peuple avait mangé aujourd’hui du butin qu’il a trouvé chez l’ennemi, le coup porté aux Philistins n’aurait-il pas été plus grand ? »

Faute rituelle du peuple.

31 Ce jour-là, on battit les Philistins depuis Mikmas jusqu’à Ayyalône et le peuple était complètement épuisé.

e Les Philistins sont refoulés par leur route ordinaire d’invasion. C’est vraiment une grande victoire la montagne, cœur du royaume, est libérée.

32 Alors le peuple se rua sur le butin, il prit du petit bétail, des bœufs, des veaux, les immola à même la terre et le peuple mangea au-dessus du sang.f

f La pratique de manger au-dessus du sang est un interdit ancien, cf. Lv 19.26 ; elle était liée à la divination et à la communication avec le monde infernal.

33 On informa Saül : « Le peuple est en train de pécher contre Yahvé en mangeant au-dessus du sang ! » Alors il dit : « Vous avez trahi ! Roulez-moi sur le champ une grande pierre ! »g

g Cette pierre va servir d’autel, cf. 6.14 ; Jg 6.20 ; 13.19 pour faire de l’abattage une immolation rituelle, cf. Lv 17.1.

34 Puis Saül dit : « Répandez-vous dans le peuple et dites : « Que chacun m’amène son bœuf ou son mouton ; vous les immolerez ici et vous mangerez, sans pécher contre Yahvé en mangeant auprès du sang. » » Cette nuit-là, dans tout le peuple, chacun amena le bœuf qu’il possédait et on immola à cet endroit. 35 Saül construisit un autel à Yahvé ; ce fut le premier autel qu’il lui construisit.

Jonathan reconnu coupable est sauvé par le peuple.

36 Saül dit : « Descendons de nuit à la poursuite des Philistins et pillons-les jusqu’au lever du jour ; nous ne leur laisserons pas un homme. » On lui répondit : « Fais tout ce qui te semble bon. » Mais le prêtre dit : « Approchons-nous ici de Dieu. »h

h Le prêtre invite à consulter Dieu selon la technique suggérée en 14.18. La réponse semble bien avoir été négative.

37 Saül consulta Dieu : « Descendrai-je à la poursuite des Philistins ? Les livreras-tu entre les mains d’Israël ? » Mais il ne lui répondit pas ce jour-là.

38 Alors, Saül dit : « Approchez ici, vous tous, chefs du peuple ! Comprenez et voyez en quoi a consisté le péché d’aujourd’hui. 39 Par la vie de Yahvé, le sauveur d’Israël, même si ce péché était celui de Jonathan, mon fils, il mourra sûrement ! » Dans tout le peuple personne ne lui répondit. 40 Il dit à tout Israël : « Mettez-vous d’un côté et moi avec mon fils Jonathan nous nous mettrons de l’autre », et le peuple répondit à Saül : « Fais ce qui te semble bon. »

41 Saül dit à Yahvé : « Yahvé, Dieu d’Israël, pourquoi n’as-tu pas répondu à ton serviteur aujourd’hui ? Si la faute est sur moi ou sur Jonathan, mon fils, Yahvé, Dieu d’Israël, donne urim ; si la faute est sur ton peuple Israël, donne tummim. »i Saül et Jonathan furent désignés et le peuple mis hors de cause.

i La parole de Saül à Dieu est presque totalement reconstituée à partir du grec, car l’hébr. a fait un saut du premier « Israël » au 3e. Le texte montre comment on consultait Dieu à partir de deux dés contenus dans une boîte ou éphod ; on les appelait urim et tummim (la valeur des mots est incertaine) et on leur donnait une signification conventionnelle. C’était donc une réponse par oui ou par non, cf. 23.10-12, et la consultation était parfois longue. Le maniement des sorts était réservé aux prêtres lévites, Nb 27.21 ; Dt 33.8. L’usage tomba en désuétude après le règne de David et ne fut pas rétabli, cf. Esd 2.63 = Ne 7.65. Mais le nom resta attaché à un détail du costume du grand prêtre, cf. Ex 28.30 ; Lv 8.8 et Ex 28.6.

42 Saül dit : « Jetez le sort entre moi et mon fils Jonathan », et Jonathan fut désigné.

43 Alors Saül dit à Jonathan : « Raconte-moi ce que tu as fait. » Jonathan le lui raconta. Il lui dit : « Vraiment j’ai goûté avec le bout du bâton que j’avais en main un peu de miel. Je suis prêt à mourir. » 44 Saül dit : « Que Dieu me fasse ceci et encore cela, mais tu mourras, Jonathan ! » 45 Mais le peuple dit à Saül : « Est-ce que Jonathan va mourir, lui qui a opéré cette grande victoire en Israël ? Malheur à nous, par la vie de Yahvé, si tombe à terre un cheveu de sa tête, car il a agi avec Dieu aujourd’hui ! » Le peuple libéra Jonathan et il ne mourut pas.

46 Saül remonta, délaissant les Philistins et les Philistins gagnèrent leur pays.

Résumé du règne de Saül.j

47 Saül avait pris la royauté sur Israël et fit la guerre de tous côtés contre tous ses ennemis, contre Moab, les Ammonites, Édom, le roi de Çoba et les Philistins ; où qu’il se tournât, il agissait en sauveur.k

j Sommaire analogue à 7.13-15 (Samuel) et 2 S 8 (David). Cf. aussi 2 S 3.2-5 ; 5.13-16 ; 20.23-26.

k « agissait en sauveur », en supposant l’hébr. yoshîa`. Le TM (yarshîa` « faisait le mal ») et, dans une moindre mesure, les versions (était « victorieux ») veulent atténuer le fait que Saül était désigné comme « sauveur », ce qui était démenti par le chap. 15.

48 Il montra sa vaillance, en battant Amaleq et délivra Israël de la main de celui qui le pillait.

49 Saül eut pour fils Jonathan, Ishyol et Malki-Shua. Les noms de ses deux filles étaient Mérab pour l’aînée et Mikal pour la cadette.

l C’est-à-dire « l’homme de Yahvé ». C’est le même personnage qui est appelé Ishbaal, « l’homme du Maître » en 1 Ch 8.33, et Ishboshet, « l’homme de honte » dans l’hébr. de 2 S 2.8, etc., où « honte » remplace « Baal », nom du Dieu cananéen. Comparer la liste des fils de Saül en 31.2.

50 La femme de Saül se nommait Ahinoam, fille d’Ahimaaç. Le chef de son armée se nommait Abner, fils de Ner, l’oncle de Saül : 51 Qish, le père de Saül, et Ner, le père d’Abner, étaient les fils d’Abiel.

52 Il y eut une guerre acharnée contre les Philistins tant que vécut Saül. Saül voyait-il quelque homme brave ou vaillant, il se l’attachait.m

m Début d’une armée de métier différente du ban ou levée en masse du peuple.

Guerre contre les Amalécites.n

15 Samuel dit à Saül : « C’est moi que Yahvé a envoyé pour t’oindre comme roi sur son peuple Israël. Et maintenant écoute les paroles que prononce Yahvé :

n Le chap. 15 ignore le premier rejet de Saül, 13.8-15, et il condamne seulement Saül, non pas l’institution royale. Mais il souligne l’opposition, inhérente à la monarchie israélite, entre la politique profane et les exigences de Yahvé, opposition qui se traduit par la lutte entre le Roi et le Prophète, ici Saül et Samuel, plus tard Achab et Élie, Ézéchias et Isaïe, Sédécias et Jérémie.

2 Ainsi parle Yahvé Sabaot : Je vais punir Amaleq pour ce qu’il a fait à Israël, en lui coupant la route quand il montait d’Égypte. 3 Maintenant, va, frappe Amaleq. Vous le vouerez à l’anathème avec tout ce qu’il possède. Tu ne l’épargneras pas. Tu mettras à mort hommes et femmes, enfants et nourrissons, gros bétail et petit bétail, chameaux et ânes. »

4 Saül convoqua le peuple et le passa en revue à Télaïm : fantassins et dix mille hommes de Juda. 5 Saül parvint à la ville d’Amaleq et se mit en embuscade dans le torrent. 6 Saül dit aux Qénites : « Partez, séparez-vous des Amalécites, de peur que je ne vous fasse subir le même traitement qu’à lui, alors que toi tu as agi avec fidélité envers tous les Israélites quand ils montaient d’Égypte. » Et les Qénites se séparèrent des Amalécites.

7 Saül frappa Amaleq depuis Havila jusqu’à l’entrée de Shur, qui est face à l’Égypte. 8 Il prit vivant Agag, roi d’Amaleq, et il voua à l’anathème tout le peuple, le passant au fil de l’épée. 9 Mais Saül et le peuple épargnèrent Agag et le meilleur du petit et du gros bétail, les bêtes de seconde portée et les agneaux, bref tout ce qu’il y avait de bon ; ils ne voulurent pas les vouer à l’anathème. Mais tout produit sans valeur et de mauvaise qualité ils le vouèrent à l’anathème.o

o L’anathème est l’offrande faite à Dieu de tout le butin acquis par la victoire. Or Saül et le peuple ont manqué à l’anathème qui doit frapper tous les êtres vivants. Offrir le meilleur du butin en sacrifice (v. 15) ne répond pas à la prescription. Saül a agi sans prendre au sérieux l’ordre de Dieu, et c’est là le drame sa faute est d’avoir choisi, pour complaire au peuple, une autre manière d’honorer Dieu. Entre Yahvé qui l’a élu et le peuple qui l’a acclamé et reconnu, Saül a cherché un compromis, il ne s’est pas décidé exclusivement pour Yahvé.

Saül est rejeté par Yahvé.

10 La parole de Yahvé fut adressée à Samuel en ces termes : 11 « Je me repens d’avoir fait de Saül un roi, car il s’est détourné de moi et n’a pas exécuté mes paroles. » Samuel s’enflamma et cria vers Yahvé pendant toute la nuit.

12 De bon matin, Samuel se leva pour aller à la rencontre de Saül. On lui donna cette information : « Saül est allé à Karmelp pour s’y dresser un monument, puis il est reparti plus loin et il est descendu à Gilgal. »

p Ville au sud d’Hébron, cf. 25.2s. Le site se trouve sur la route de Saül, du Négeb vers Gilgal.

13 Samuel arriva auprès de Saül et Saül lui dit : « Béni sois-tu de Yahvé ! J’ai exécuté la parole de Yahvé. » 14 Mais Samuel demanda : « Et qu’est-ce que c’est que ces bêlements qui viennent à mes oreilles et ces meuglements que j’entends ? » — 15 « On les a amenés d’Amaleq, répondit Saül, car le peuple a épargné le meilleur du petit et du gros bétail pour le sacrifier à Yahvé ton Dieu. Quant au reste, nous l’avons voué à l’anathème. »

16 Mais Samuel dit à Saül : « Cesse donc, je vais t’annoncer ce que Yahvé m’a déclaré cette nuit. » Il lui dit : « Parle. » 17 Alors Samuel dit : « Si petit que tu sois à tes propres yeux, n’es-tu pas le chef des tribus d’Israël ? Yahvé t’a oint comme roi sur Israël. 18 Yahvé t’a envoyé en expédition et il t’a dit : « Va. Tu voueras à l’anathème ces pécheurs, les Amalécites, et tu leur feras la guerre jusqu’à l’extermination. » 19 Pourquoi n’as-tu pas écouté la voix de Yahvé ? Pourquoi t’es-tu rué sur le butin et as-tu fait ce qui déplaît à Yahvé ? » 20 Saül répondit à Samuel : « J’ai écouté la voix de Yahvé ! J’ai fait l’expédition où il m’envoyait, j’ai ramené Agag, roi d’Amaleq, et j’ai voué Amaleq à l’anathème.

21 Dans le butin, le peuple a pris petit et gros bétail, prémices de l’anathème, pour le sacrifier à Yahvé ton Dieu à Gilgal. » 22 Mais Samuel dit :q

« Yahvé se plaît-il aux holocaustes et aux sacrifices
comme à l’obéissance à la parole de Yahvé ?
Oui, l’obéissance vaut mieux que le sacrifice,
la docilité, plus que la graisse des béliers.

q Samuel ne condamne pas le culte sacrificiel en général. Mais c’est l’obéissance intérieure qui plaît à Dieu, non le seul rite extérieur. Accomplir celui-ci contre le gré de Dieu, c’est apporter son hommage à un autre que Dieu, c’est tomber dans l’idolâtrie, ici évoquée par la sorcellerie et les téraphim, ces idoles auxquelles on confiait la garde des maisons et des biens, Gn 31.19, 30s ; 19.13.

23 Car c’est une rébellion le péché de divination,
le méfait des téraphim,r c’est de la présomption !
Parce que tu as rejeté la parole de Yahvé, il t’a rejeté ; tu n’es plus roi ! »

r La condamnation des téraphim comme moyen de sorcellerie n’apparaît qu’à une époque tardive.

Saül implore en vain son pardon.

24 Saül dit à Samuel : « J’ai péché en transgressant l’ordre de Yahvé et de tes paroles, parce que j’ai eu peur du peuple et je lui ai obéi. 25 Maintenant, je t’en prie, pardonne mon péché et reviens avec moi, que je me prosterne devant Yahvé. » 26 Mais Samuel dit à Saül : « Je ne reviendrai pas avec toi puisque tu as rejeté la parole de Yahvé, Yahvé t’a rejeté ; tu n’es plus roi sur Israël. » 27 Comme Samuel se détournait pour partir, Saül saisit le pan de son manteau, qui fut arraché, 28 et Samuel lui dit : « Aujourd’hui, Yahvé t’a arraché la royauté sur Israël et l’a donnée à ton voisin, qui est meilleur que toi. » 29 D’ailleurs, la Splendeur d’Israël ne ment pas et ne se repent pas, car il n’est pas un homme pour se repentir.s

s Incise théologique reprenant Nb 23.19.

30 Saül dit : « J’ai péché, cependant, je t’en prie, honore-moi devant les anciens de mon peuple et devant Israël, et reviens avec moi pour que je me prosterne devant Yahvé ton Dieu. »t

t Le rejet de Saül par Dieu ne sera pas immédiatement effectif et Saül continue à exercer la charge royale. Samuel accepte de confirmer l’autorité de Saül en paraissant avec lui au sanctuaire.

31 Samuel revint en compagnie de Saül et celui-ci se prosterna devant Yahvé.

Mort d’Agag et départ de Samuel.

32 Puis Samuel dit : « Amenez-moi Agag, le roi d’Amaleq. » Agag vint à lui l’air satisfait et dit : « Vraiment, l’amertume de la mort s’est écartée ! »u

u Puisque l’anathème ne lui a pas été appliqué, Agag croit avoir échappé à la mort.

33 Samuel dit :

« Comme ton épée a privé des femmes de leurs enfants,
de même, parmi les femmes, que ta mère soit privée de son enfant ! »

Et Samuel exécuta Agagv devant Yahvé à Gilgal.

v Samuel accomplit ce qui avait dû être fait par Saül.

34 Samuel partit pour Rama et Saül remonta chez lui à Gibéa de Saül. 35 Samuel ne revit plus Saül jusqu’à sa mort.w En effet Samuel pleurait Saül, mais Yahvé s’était repenti de l’avoir fait roi sur Israël.

w Cf. pourtant 19.22-24, d’une autre tradition.