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Bible de Jérusalem

Genèse 4,23-24

Caïn et Abel.o

4 L’homme connut Ève, sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn et elle dit : « J’ai acquis un homme de par Yahvé. »p

o Dans ce chapitre, le récit, vv. 1-16, aussi bien que les généalogies, vv. 17-26, appartiennent aux traditions yahvistes. Le récit suppose une civilisation un peu évoluée dans le domaine religieux, un culte avec les offrandes des produits (peut-être les prémices) du sol et des premiers-nés du troupeau, vv. 3-4. On suppose aussi l’existence d’hommes qui pourraient tuer Caïn et d’autres pouvant le venger, vv. 14-15. Ce récit a pu se rapporter d’abord, non aux enfants du premier homme, mais à l’ancêtre éponyme des Qénites (Caïnites cf. Nb 24.21). Reporté aux origines de l’humanité, il reçoit une portée générale d’une part, Caïn et Abel sont à l’origine de deux modes de vie, l’agriculteur sédentaire et le pasteur nomade ; d’autre part, ces deux frères personnifient la lutte de l’Homme contre l’Homme. À côté de la révolte de l’homme contre Dieu, il y a aussi la violence du « frère » contre son « frère ». Le double commandement de l’amour, Mt 22.40, viendra montrer les exigences fondamentales de la volonté de Dieu.

p Jubilation de la première femme qui, de servante d’un époux, devient mère d’un homme. Un jeu de mots rapproche le nom de Caïn (Qayn) du verbe qanah « acquérir ».

2 Elle donna aussi le jour à Abel, frère de Caïn. Or Abel devint pasteur de petit bétail et Caïn cultivait le sol.

3 Le temps passa et il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande à Yahvé, 4 et qu’Abel, de son côté, offrit des premiers-nés de son troupeau, et même de leur graisse. Or Yahvé agréa Abel et son offrande. 5 Mais il n’agréa pas Caïn et son offrande,q et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu.

q Première apparition du thème du cadet préféré à l’aîné, par lequel se manifeste le libre choix de Dieu, son mépris pour les grandeurs terrestres et sa prédilection pour les humbles ; ce thème revient souvent à travers la Genèse (Isaac préféré à Ismaël, 21, Jacob à Ésaü, 25.23 ; 27 ; Rachel à Léa, 29.15-30 ; de même les enfants de celles-ci...) et dans toute la Bible, 1 S 16.12 ; 1 R 2.15, etc.

6 Yahvé dit à Caïn : « Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? 7 Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer ? »r

r Traduction approximative d’un texte corrompu. Littéralement « N’est-ce pas que, si tu agis bien, élévation, et si tu n’agis pas bien, à ta porte le péché (fém.) couchant (masc.) et vers toi sa (masc.) convoitise et tu le domineras. » Le texte paraît décrire la tentation qui menace une âme mal disposée.

8 Cependant Caïn dit à son frère Abel :s « Allons dehors », et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.

s « Dire » introduit normalement un discours direct, qui ne se trouve pas dans le texte hébreu. Les versions, probablement en suppléant ce qui semblait manquer plutôt qu’en traduisant deux mots disparus ensuite, lisent « Allons dehors ».

9 Yahvé dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Il répondit : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? » 10 Yahvé reprit : « Qu’as-tu fait ! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! 11 Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. 12 Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit : tu seras un errant parcourant la terre. » 13 Alors Caïn dit à Yahvé : « Ma peine est trop lourde à porter. 14 Vois ! Tu me bannis aujourd’hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre : mais, le premier venu me tuera ! » 15 Yahvé lui répondit : « Aussi bien, si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois » et Yahvé mit un signe sur Caïn,t afin que le premier venu ne le frappât point.

t Le « signe de Caïn » n’est pas un stigmate infamant, mais une marque qui le protège en le désignant comme membre d’un clan où s’exerce durement la vengeance du sang.

16 Caïn se retira de la présence de Yahvé et séjourna au pays de Nod,u à l’orient d’Éden.

u Le pays est inconnu et son nom rappelle l’épithète donnée à Caïn, « errant », nad, au pays de Nôd.

La descendance de Caïn.v

17 Caïn connut sa femme, qui conçut et enfanta Hénok. Il devint un constructeur de ville et il donna à la ville le nom de son fils, Hénok.

v Débris d’une généalogie à caractère anecdotique. Les mêmes noms paraîtront, avec des variantes, dans la généalogie sacerdotale de Seth, entre Qénân et Lamek, 5.12-28. Cette liste n’est rattachée qu’artificiellement à Caïn, fils d’Adam, condamné à la vie errante ; ici Caïn est le constructeur de la première ville, l’ancêtre des éleveurs, des musiciens, des forgerons et peut-être des filles de joie, cf. v. 22, qui subviennent aux commodités et aux plaisirs de la vie urbaine. Ces progrès sont attribués à la lignée de Caïn le maudit ; la même condamnation de la vie urbaine se trouvera dans le récit de la tour de Babel, 11.1-9.

18 À Hénok naquit Irad, et Irad engendra Mehuyaël, et Mehuyaël engendra Metushaël, et Metushaël engendra Lamek. 19 Lamek prit deux femmes : le nom de la première était Ada et le nom de la seconde Çilla. 20 Ada enfanta Yabal : il fut l’ancêtre de ceux qui vivent sous la tente et ont des troupeaux. 21 Le nom de son frère était Yubal : il fut l’ancêtre de tous ceux qui jouent de la lyre et du chalumeau. 22 De son côté, Çilla enfanta Tubal-Caïn : il fut l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer ; la sœur de Tubal-Caïn était Naama.w

w « L’ancêtre de tous les forgerons » Targ., cf. vv. 20 et 21 ; « le forgeron de tous les ouvriers » hébr. — Les trois castes des éleveurs de bétail, des musiciens et des forgerons ambulants sont rattachées à trois ancêtres dont les noms font assonance et rappellent les métiers de leurs descendants Yabal (ybl « conduire ») ; Yubal (yôbel « trompette ») ; Tubal (nom d’un peuple du Nord, 10.2, au pays des métaux) ; Caïn signifie « forgeron » en d’autres langues sémitiques. Naama, « la jolie », « l’aimée », pourrait être l’éponyme d’une autre « profession », cf. note e, sur laquelle le texte se tait.

23 Lamek dit à ses femmes :

« Ada et Çilla, entendez ma voix,
femmes de Lamek, écoutez ma parole :
J’ai tué un homme pour une blessure,
un enfant pour une meurtrissure.
24 C’est que Caïn est vengé sept fois,
mais Lamek, septante-sept fois ! »x

x Ce chant sauvage composé à la gloire de Lamek, un héros du désert, est recueilli ici comme un témoignage de la violence croissante des descendants de Caïn.

Seth et ses descendants.y

25 Adam connut sa femme ; elle enfanta un fils et lui donna le nom de Seth, car, dit-elle, « Dieu m’a accordéz une autre descendance à la place d’Abel, puisque Caïn l’a tué. »

y Débris d’une autre généalogie primitive.

z Le nom de Seth (hébr. Shet) est expliqué par shat « il a accordé ».

26 Un fils naquit à Seth aussi, et il lui donna le nom d’Énosh. Alors on commença à invoquer le nom de Yahvé.a

a Grec et Vulg. précisent « Celui-ci fut le premier à invoquer le nom de Yahvé ». D’autres passages, de tradition élohiste ou sacerdotale, retardent jusqu’à Moïse la révélation du nom de Yahvé, Ex 3.14 (cf. 3.13) ; 6.2s.

Les Patriarches d’avant le déluge.b

5 Voici le livret de la descendance d’Adam : Le jour où Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu.

b Généalogie de tradition sacerdotale qui conduit de la création au déluge, comme la généalogie de Sem, 11.10-32, couvrira le temps qui sépare le déluge d’Abraham. Il ne faut y chercher ni une histoire ni une chronologie ; les noms appartiennent à la tradition. Ils sont en partie les mêmes en 4.17-32. L’expression suit un schéma qui se répète l’âge du patriarche au moment d’engendrer son premier-né, les années vécues ensuite, l’indication générale qu’il engendra encore des fils et des filles et la durée totale de sa vie. Ce n’est qu’au début, vv. 1-2 (introduction), à la fin (le v. 32 ne contient que le premier élément à propos de Noé) et lorsqu’une notice importante doit être introduite, vv. 22, 24 et 29, que le schéma est brisé. Les chiffres sont différents dans le Pentateuque samaritain et dans le grec. On estimait que la vie humaine avait diminué suivant les grands âges du monde elle ne sera que de 200 à 600 ans après le déluge et inférieure à 200 ans pour les patriarches. La diminution de cette longévité extraordinaire, qui reste pourtant bien en deçà de l’âge attribué aux rois sumériens d’avant et d’après le déluge, est en relation avec le progrès du mal dans le monde, 6.3, car une longue vie est une bénédiction de Dieu, Pr 10.27, et sera l’un des privilèges de l’ère messianique, Isa 65.20.

2 Homme et femme il les créa, il les bénit et leur donna le nom d’« Homme », le jour où ils furent créés.

3 Quand Adam eut cent trente ans, il engendra un fils à sa ressemblance, comme son image,c et il lui donna le nom de Seth.

c La similitude divine, exprimée par les termes « image » et « ressemblance », n’est donc pas une caractéristique exclusive du premier homme et de la première femme, 1.26s, puisqu’elle est transmise par le premier couple à leur descendance.

4 Le temps que vécut Adam après la naissance de Seth fut de huit cents ans et il engendra des fils et des filles. 5 Toute la durée de la vie d’Adam fut de neuf cent trente ans, puis il mourut.

6 Quand Seth eut cent cinq ans, il engendra Énosh. 7 Après la naissance d’Énosh, Seth vécut huit cent sept ans et il engendra des fils et des filles. 8 Toute la durée de la vie de Seth fut de neuf cent douze ans, puis il mourut.

9 Quand Énosh eut quatre-vingt-dix ans, il engendra Qénân. 10 Après la naissance de Qénân, Énosh vécut huit cent quinze ans et il engendra des fils et des filles. 11 Toute la durée de la vie d’Énosh fut de neuf cent cinq ans, puis il mourut.

12 Quand Qénân eut soixante-dix ans, il engendra Mahalaléel. 13 Après la naissance de Mahalaléel, Qénân vécut huit cent quarante ans et il engendra des fils et des filles. 14 Toute la durée de la vie de Qénân fut de neuf cent dix ans, puis il mourut.

15 Quand Mahalaléel eut soixante-cinq ans, il engendra Yéred. 16 Après la naissance de Yéred, Mahalaléel vécut huit cent trente ans et il engendra des fils et des filles. 17 Toute la durée de la vie de Mahalaléel fut de huit cent quatre-vingt-quinze ans, puis il mourut.

18 Quand Yéred eut cent soixante-deux ans, il engendra Hénok. 19 Après la naissance d’Hénok, Yéred vécut huit cents ans et il engendra des fils et des filles.

20 Toute la durée de la vie de Yéred fut de neuf cent soixante-deux ans, puis il mourut.

21 Quand Hénok eut soixante-cinq ans, il engendra Mathusalem. 22 Hénok marcha avec Dieu. Après la naissance de Mathusalem, Hénok vécutd trois cents ans et il engendra des fils et des filles.

d « Hénok vécut » grec luc., Vulg. ; omis par hébr.

23 Toute la durée de la vie d’Hénok fut de trois cent soixante-cinq ans. 24 Hénok marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l’enleva.e

e Hénok se distingue des autres Patriarches par plusieurs traits sa vie est plus courte, mais elle atteint un chiffre parfait, le nombre des jours d’une année solaire ; il « marche avec Dieu » comme Noé, 6.9 ; il disparaît mystérieusement, emporté par Dieu comme Élie, 2 R 2.11s. Il devint une grande figure de la tradition juive, qui donna en exemple sa piété, Si 44.16 ; 49.14, et de la tradition apocalyptique. Celle-ci lui attribua des ouvrages apocryphes (cf. Jude 14-15).

25 Quand Mathusalem eut cent quatre-vingt-sept ans, il engendra Lamek. 26 Après la naissance de Lamek, Mathusalem vécut sept cent quatre-vingt-deux ans et il engendra des fils et des filles. 27 Toute la durée de la vie de Mathusalem fut de neuf cent soixante-neuf ans, puis il mourut.

28 Quand Lamek eut cent quatre-vingt-deux ans, il engendra un fils. 29 Il lui donna le nom de Noé, car, dit-il, « celui-ci nous apportera, dans notre travail et le labeur de nos mains, une consolation tirée du sol que Yahvé a maudit. »f

f L’utilisation du nom de Yahvé, contrairement à l’usage des traditions sacerdotales avant Ex 6.2-3 (mais voir 17.1), suggère l’idée que l’explication du nom est un débris de tradition yahviste inséré en contexte sacerdotal, surtout à cause de la référence évidente à 3.17. Par ailleurs, le nom de Noé, Noah, s’explique mal par la racine nhm, « consoler » ; le passage a pu concerner un autre nom, comme Menahem ou Nahum, même si les deux premières consonnes s’y trouvent.

30 Après la naissance de Noé, Lamek vécut cinq cent quatre-vingt-quinze ans et il engendra des fils et des filles. 31 Toute la durée de la vie de Lamek fut de sept cent soixante-dix-sept ans, puis il mourut.

32 Quand Noé eut atteint cinq cents ans,g il engendra Sem, Cham et Japhet.

g L’âge de Noé étonne, car dans tous les cas antérieurs l’âge du patriarche se trouvait entre soixante-cinq, vv. 15 et 21, et cent quatre-vingt-sept ans, v. 25. La raison probable de cette différence est que tous les patriarches antérieurs seraient morts avant le déluge !

Fils de Dieu et filles des hommes.h

6 Lorsque les hommes commencèrent d’être nombreux sur la face de la terre et que des filles leur furent nées,

h Tout n’est pas clair pour nous dans ce bref épisode de tradition yahviste, mais l’auteur reprend sans doute des éléments d’une tradition populaire à caractère mythologique. La difficulté vient d’abord de l’identité des « fils de Dieu » (cf. Dt 32.8), puis de la relation qu’il peut y avoir entre leur union avec les filles des hommes et les nephilîm du v. 4. On pourrait penser que ces derniers (on songe ici à Ez 32.17-32, où l’on parle précisément de ceux qui sont « tombés », signification de nephilîm, et qui ont été placés ou sont couchés, malgré leur vaillance, parmi les victimes de l’épée, de même que dans le mythe grec des Titans) sont le résultat de l’union des « fils de Dieu » avec les filles des hommes, mais le texte dit seulement que les nephilîm habitaient sur la terre à ce moment-là. Ils pourraient être les Géants (ou Titans) sémitiques, mais ailleurs on les nomme « fils d’Anaq » ou Anaqîm (cf. Nb 13.28.33 ; Dt 1.28). Sans se prononcer sur la valeur de cette croyance et en voilant son aspect mythologique, il rappelle seulement ce souvenir d’une race insolente de surhommes, comme un exemple de la perversité croissante qui va motiver le déluge. Le judaïsme postérieur et presque tous les premiers écrivains ecclésiastiques ont vu des anges coupables dans ces « fils de Dieu ». Mais, à partir du IVe siècle, en fonction d’une notion plus spirituelle des anges, les Pères ont communément interprété les « fils de Dieu » comme la lignée de Seth et les « filles des hommes » comme la descendance de Caïn.

2 les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes leur convenaient et ils prirent pour femmes toutes celles qu’il leur plut. 3 Yahvé dit : « Mon esprit ne demeurera pasi dans l’homme, puisqu’il est chair ; sa vie ne sera que de cent vingt ans. »j

i « ...ne soit pas indéfiniment responsable » (texte). La signification du verbe est inconnue c’est seulement d’après le contexte (cf. grec et Vulg.), qu’on lui donne le sens de « demeurer ».

j Durée maximale à laquelle, selon l’auteur sacré, Dieu réduisit alors la vie de l’homme. Il faut y voir un châtiment pour sa faute l’union des filles des hommes aux « fils de Dieu » aurait été pour les hommes le moyen de se procurer l’immortalité.

4 Les Nephilim étaient sur la terre en ces jours-là (et aussi dans la suite) quand les fils de Dieu s’unissaient aux filles des hommes et qu’elles leur donnaient des enfants ; ce sont les héros du temps jadis, ces hommes fameux.

2. LE DÉLUGEk

La corruption de l’humanité.

5 Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée.

k Il y a dans cet ensemble beaucoup de répétitions, à commencer par la motivation du déluge, 6.5-8 et 9-13, et des différences notables (comparer 6.19-20 et 7.15-17 avec 7.2, 3), y compris celle de la chronologie face à 7.12 et 8.13, 14 (avec certaines données intermédiaires, notamment les deux périodes de 150 jours), d’autres passages (7.4, 10, 12 ; 8.6-12) supposent une plus courte durée. En fait, il y a ici deux récits pratiquement complets, le plus ancien de tradition yahviste, le plus récent de tradition sacerdotale. Le récit yahviste est plein de couleur et de vie ; celui de la tradition sacerdotale est plus détaillé, notamment pour la chronologie, et plus réfléchi. Les éléments des deux traditions ont été réunis sans chercher à faire disparaître les différences qui existent entre eux. Ici ou là, surtout en 7.3, les rédacteurs ont cependant tenté de faire disparaître une différence trop accentuée. Les rédacteurs sont aussi les responsables du plus grand morcèlement de la narration yahviste, peut-être même de l’absence des données concernant les préparatifs et la sortie de l’arche. La narration sacerdotale semble complète ; elle a été même conservée en grands blocs homogènes au début, 6.9-22, et à la fin, 9.1-17. À titre d’indication de lecture on peut signaler les passages de tradition yahviste (6.5-8 ; 7.1-2, 3-5, 7 ,10, 12, 16, 17, 22-23 ; 8.2-3 ,6-12, 20-22) et sacerdotale (6.9-22 ; 7.6, 11, 13-16, 17, 18-21, 24 ; 8.1-2, 3-5, 13, 14-19 ; 9.1-17), de même que ceux qui trahissent plus clairement la présence des rédacteurs (7.3, 8-9 et, en partie, 6.7 ; 7.7, 23 ; 8.20). Le thème d’un déluge est présent dans toutes les cultures, mais les récits de l’ancienne Mésopotamie ont un intérêt particulier à cause des ressemblances avec le récit biblique. Celui-ci n’en dépend pas directement (mais tel passage peut trahir ce type d’influence ; ainsi 8.6-12 et la tablette XI de l’Épopée de Gilgamesh). L’auteur sacré a chargé ces traditions d’un enseignement éternel sur la justice et la miséricorde de Dieu, sur la malice de l’homme et le salut accordé au juste (cf. He 11.7). C’est un jugement de Dieu, qui préfigure celui des derniers temps, Lc 17.26s ; Mt 24.37s, comme le salut accordé à Noé figure le salut par les eaux du baptême, 1 P 3.20-21.

6 Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur.l

l Ce repentir de Dieu exprime sous un mode humain l’exigence de sa sainteté, qui ne peut pas supporter le péché. 1 S 15.29 écartera une interprétation trop littérale. Beaucoup plus fréquemment, le « repentir » de Dieu signifie l’apaisement de sa colère et le retrait de sa menace, voir Ex 32.11-14 et Jr 26.3.

7 Et Yahvé dit : « Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés — depuis l’homme jusqu’aux bestiaux, aux bestioles et aux oiseaux du ciel —, car je me repens de les avoir faits. » 8 Mais Noé avait trouvé grâce aux yeux de Yahvé.

9 Voici l’histoire de Noé :

Noé était un homme juste, intègre parmi ses contemporains, et il marchait avec Dieu. 10 Noé engendra trois fils, Sem, Cham et Japhet. 11 La terre se pervertit au regard de Dieu et elle se remplit de violence. 12 Dieu vit la terre : elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre.

Préparatifs du déluge.

13 Dieu dit à Noé : « La fin de toute chair est arrivée, je l’ai décidé, car la terre est pleine de violence à cause des hommes et je vais les faire disparaître de la terre. 14 Fais-toi une archem en bois résineux, tu la feras en roseaux et tu l’enduiras de bitume en dedans et en dehors.

m La traduction latine porte arca (« coffre »), d’où le français « arche ». — « bois résineux » trad. approximative. — « roseaux » (comme la nacelle de Ex 2.3) conj. ; « nids » (cabines ?) hébr.

15 Voici comment tu la feras : trois cents coudées pour la longueur de l’arche, cinquante coudées pour sa largeur, trente coudées pour sa hauteur. 16 Tu feras à l’arche un toit et tu l’achèveras une coudée plus haut,n tu placeras l’entrée de l’arche sur le côté et tu feras un premier, un second et un troisième étages.

n Sens incertain. D’après la traduction adoptée, le toit aurait une pente d’une coudée pour l’écoulement des eaux du ciel, 7.11.

17 « Pour moi, je vais amener le déluge, les eaux, sur la terre, pour exterminer de dessous le ciel toute chair ayant souffle de vie :o tout ce qui est sur la terre doit périr.

o Le mot ruah désigne l’air en mouvement, soit le souffle du vent, Ex 10.13 ; Jb 21.18 ; soit celui qui sort des narines, 7.15, 22, etc. Il désigne donc la force vitale et les pensées, sentiments ou passions où elle s’exprime, 41.8 ; 45.27 ; 1 S 1.15 ; 1 R 21.5, etc. Chez l’homme il est un don de Dieu, 6.3 ; Nb 16.22 ; Jb 27.3 ; Ps 104.29 ; Qo 12.7. Il est aussi la puissance par laquelle Dieu agit, Ex 31.3 ; Jb 33.4 ; Ps 104.29-30, en particulier par l’organe des prophètes, Jg 3.10 ; Ez 36.28, et du Messie, Isa 11.2. Cf. Rm 1.9.

18 Mais j’établirai mon alliancep avec toi et tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi.

p Non pas un pacte bilatéral, mais un engagement gracieux que Dieu prend vis-à-vis de ceux qu’il a discernés. D’autres alliances suivront celle-ci, avec Abraham, 15 ; 17, avec tout le peuple, Ex 19.1 en attendant la « nouvelle alliance » conclue à la plénitude des temps, Mt 26.28 ; He 9.15.

19 De tout ce qui vit, de tout ce qui est chair, tu feras entrer dans l’arche deux de chaque espèce pour les garder en vie avec toi ; qu’il y ait un mâle et une femelle. 20 De chaque espèce d’oiseaux, de chaque espèce de bestiaux, de chaque espèce de toutes les bestioles du sol, un couple viendra avec toi pour que tu les gardes en vie.q

q Les êtres non raisonnables sont associés, pour le châtiment et pour le salut, à la destinée de l’homme dont la méchanceté a corrompu toute la création, 6.13 ; nous sommes déjà proches de saint Paul, Rm 8.19-22.

21 De ton côté, procure-toi de tout ce qui se mange et fais-en provision : cela servira de nourriture pour toi et pour eux. » 22 Noé agit ainsi ; tout ce que Dieu lui avait commandé, il le fit.

7 Yahvé dit à Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta famille, car je t’ai vu seul juste à mes yeux parmi cette génération. 2 De tous les animaux purs, tu prendras sept paires, le mâle et sa femelle ; des animaux qui ne sont pas purs, tu prendras un couple, le mâle et sa femelle 3 (et aussi des oiseaux du ciel, sept paires, le mâle et sa femelle), pour perpétuer la race sur toute la terre.

4 Car encore sept jours et je ferai pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits et j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »

5 Noé fit tout ce que Yahvé lui avait commandé.

6 Noé avait six cents ans quand arriva le déluge, les eaux sur la terre. 7 Noé — avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils — entra dans l’arche pour échapper aux eaux du déluge. 8 (Des animaux purs et des animaux qui ne sont pas purs, des oiseaux et de tout ce qui rampe sur le sol, 9 un couple entra dans l’arche de Noé, un mâle et une femelle, comme Dieu avait ordonné à Noé.)r

r Addition qui combine les deux récits, distinguant animaux purs et impurs avec la tradition yahviste, comptant une paire de chacun avec la tradition sacerdotale.

10 Au bout de sept jours, les eaux du déluge vinrent sur la terre.

11 En l’an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là jaillirent toutes les sources du grand abîme et les écluses du ciel s’ouvrirent.s

s Les eaux d’en bas et les eaux d’en haut rompent les digues que Dieu leur avait posées, 1.7 c’est le retour au chaos. D’après le récit yahviste, le déluge est causé par une pluie torrentielle, 7.4, 12.

12 La pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits.

13 Ce jour même, Noé et ses fils, Sem, Cham et Japhet, avec la femme de Noé et les trois femmes de ses fils, entrèrent dans l’arche, 14 et avec eux les bêtes sauvages de toute espèce, les bestiaux de toute espèce, les bestioles de toute espèce qui rampent sur la terre, les volatiles de toute espèce, tous les oiseaux, tout ce qui a des ailes. 15 Auprès de Noé, entra dans l’arche un couple de tout ce qui est chair, ayant souffle de vie, 16 et ceux qui entrèrent étaient un mâle et une femelle de tout ce qui est chair, comme Dieu le lui avait commandé.

Et Yahvé ferma la porte sur Noé.

L’inondation.

17 Il y eut le déluge pendant quarante jours sur la terre ; les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. 18 Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre et l’arche s’en alla à la surface des eaux. 19 Les eaux montèrent de plus en plus sur la terre et toutes les plus hautes montagnes qui sont sous tout le ciel furent couvertes. 20 Les eaux montèrent quinze coudées plus haut, recouvrant les montagnes. 21 Alors périt toute chair qui se meut sur la terre : oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, tout ce qui grouille sur la terre, et tous les hommes. 22 Tout ce qui avait une haleine de vie dans les narines, c’est-à-dire tout ce qui était sur la terre ferme, mourut.

23 Ainsi disparurent tous les êtres qui étaient à la surface du sol, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, aux bestioles et aux oiseaux du ciel : ils furent effacés de la terre et il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l’arche. 24 La crue des eaux sur la terre dura cent cinquante jours.

La décrue.

8 Alors Dieu se souvint de Noé et de toutes les bêtes sauvages et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; Dieu fit passer un vent sur la terre et les eaux désenflèrent. 2 Les sources de l’abîme et les écluses du ciel furent fermées ; — la pluie fut retenue de tomber du ciel 3 et les eaux se retirèrent petit à petit de la terre ; — les eaux baissèrent au bout de cent cinquante jours 4 et, au septième mois, au dix-septième jour du mois, l’arche s’arrêta sur les monts d’Ararat. 5 Les eaux continuèrent de baisser jusqu’au dixième mois et, au premier du dixième mois, apparurent les sommets des montagnes.

6 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche 7 et il lâcha le corbeau, qui alla et vint en attendant que les eaux aient séché sur la terre. 8 Alors il lâcha d’auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol. 9 La colombe, ne trouvant pas un endroit où poser ses pattes, revint vers lui dans l’arche, car il y avait de l’eau sur toute la surface de la terre ; il étendit la main, la prit et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche. 10 Il attendit encore sept autres jours et lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. 11 La colombe revint vers lui sur le soir et voici qu’elle avait dans le bec un rameau tout frais d’olivier ! Ainsi Noé connut que les eaux avaient diminué à la surface de la terre. 12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe, qui ne revint plus vers lui.

13 C’est en l’an six cent un,t au premier mois, le premier du mois, que les eaux séchèrent sur la terre.

Noé enleva la couverture de l’arche ; il regarda, et voici que la surface du sol était sèche !

t Grec « de la vie de Noé », addition probablement faite en fonction de 7.6-13.

14 Au second mois, le vingt-septième jour du mois, la terre fut sèche.

La sortie de l’arche.

15 Alors Dieu parla ainsi à Noé : 16 « Sors de l’arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. 17 Tous les animaux qui sont avec toi, tout ce qui est chair, oiseaux, bestiaux et tout ce qui rampe sur la terre, fais-les sortir avec toi : qu’ils pullulent sur la terre, qu’ils soient féconds et multiplient sur la terre. » 18 Noé sortit avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils ; 19 et toutes les bêtes sauvages, tous les bestiaux, tous les oiseaux, toutes les bestioles qui rampent sur la terre sortirent de l’arche, une espèce après l’autre.

20 Noé construisit un autel à Yahvé, il prit de tous les animaux purs et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l’autel. 21 Yahvé respira l’agréable odeuru et il se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais la terre à cause de l’homme, parce que les desseins du cœur de l’homme sont mauvais dès son enfance ;v plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme j’ai fait.

u Littéralement « l’odeur apaisante ». Cet anthropomorphisme passera dans le langage technique du rituel, cf. Ex 29.18, 25 ; Lv 1.9, 13 ; Nb 28.1, etc.

v Le cœur est l’intérieur de l’homme distingué de ce qui se voit et surtout de la « chair », 2.21. Il est le siège des facultés et de la personnalité, d’où naissent pensées et sentiments, paroles, décisions, action. Dieu le connaît à fond, quelles que soient les apparences, 1 S 16.7 ; Ps 17.3 ; 44.22 ; Jr 11.20. Le cœur est le centre de la conscience religieuse et de la vie morale, Ps 51.12, 19 ; Jr 4.4 ; 31.31-33 ; Ez 36.26. C’est dans son cœur que l’homme cherche Dieu, Dt 4.29 ; Ps 105.3 ; 119.2, 10 ; qu’il l’écoute, 1 R 3.9 ; Si 3.29 ; Os 2.16 ; cf. Dt 30.14 ; qu’il le sert, 1 S 12.20, 24, le loue, Ps 111.1, l’aime, Dt 6.5. Le cœur simple, droit, pur, est celui que ne divisent aucune réserve ou arrière-pensée, aucun faux-semblant, à l’égard de Dieu ou des hommes. Cf. Ep 1.18. Ce passage signale un tournant décisif dans la conduite de Dieu envers l’homme Yahvé, qui avait maudit la terre à cause de la désobéissance de l’homme et de la femme, 3.17, s’engage maintenant à ne plus détruire la terre par le déluge. Et, si le péché de l’homme était la raison du châtiment exemplaire, 6.5, maintenant il explique pourquoi Yahvé s’engage à ne plus jamais maudire la terre. Il y a là une transition pour que la malédiction du sol se change en bénédiction pour Abraham et, en lui, pour sa descendance et pour tous les clans de la terre, 12.1-3.

22 Tant que durera la terre, semailles et moisson, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit ne cesseront plus. »w

w Les lois du monde sont rétablies pour toujours. Dieu sait que le cœur de l’homme reste mauvais mais il sauve sa création et, malgré l’homme, la conduira où il veut.

Le nouvel ordre du monde.

9 Dieu bénit Noé et ses fils et il leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. 2 Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains.x

x L’homme est de nouveau béni et consacré roi de la création, comme aux origines, mais ce n’est plus un règne pacifique. Le nouvel âge verra la lutte des animaux avec l’homme et des hommes entre eux. La paix paradisiaque ne refleurira qu’aux derniers temps, Isa 11.6.

3 Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. 4 Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c’est-à-dire le sang. 5 Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J’en demanderai compte à tous les animaux et à l’homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l’âme de l’homme.

6 Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu l’homme a été fait.y

y Tout sang appartient à Dieu, cf. Lv 1.5, mais éminemment le sang de l’homme fait à son image. Dieu le vengera, voir déjà 4.10, et il délègue à cet effet l’homme lui-même la justice d’État, et aussi les « vengeurs du sang », Nb 35.19.

7 Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez. »z

z « dominez » redû conj., cf. 1.28 ; « multipliez » rebû hébr.

8 Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils : 9 « Voici que j’établis mon alliancea avec vous et avec vos descendants après vous,

a L’alliance « noachique », dont le signe est l’arc-en-ciel, s’étend à toute la création ; l’alliance avec Abraham, dont le signe sera la circoncision, n’intéresse plus que les descendants du Patriarche, 17 ; sous Moïse, elle se limitera au seul Israël, avec, en contrepartie, l’obéissance à la loi, Ex 19.5 ; 24.7-8 ; 34.27-28 et, notamment, l’observance du sabbat, Ex 31.16-17.

10 et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre. 11 J’établis mon alliance avec vous : tout ce qui est ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

12 Et Dieu dit : « Voici le signe de l’alliance que j’institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : 13 je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre moi et la terre. 14 Lorsque j’assemblerai les nuées sur la terre et que l’arc apparaîtra dans la nuée, 15 je me souviendrai de l’alliance qu’il y a entre moi et vous et tous les êtres vivants, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. 16 Quand l’arc sera dans la nuée, je le verrai et me souviendrai de l’alliance éternelle qu’il y a entre Dieu et tous les êtres vivants, en somme toute chair qui est sur la terre. »

17 Dieu dit à Noé : « Tel est le signe de l’alliance que j’établis entre moi et toute chair qui est sur la terre. »

3. DU DÉLUGE À ABRAHAM

Noé et ses fils.b

18 Les fils de Noé qui sortirent de l’arche étaient Sem, Cham et Japhet ; Cham est le père de Canaan.

b Ensemble formé par une notice généalogique, vv. 18-19, un récit plus développé, vv. 20-27, et des indications chronologiques sur la durée de la vie de Noé après le déluge, vv. 28-29, qui pourraient être le début de la table des nations, 10. Ces deux derniers versets sont de tradition sacerdotale, le reste de tradition yahviste. Les noms des trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, et l’ordre même semblent une donnée fixe de la tradition ; cf. 5.32 ; 6.10 ; 7.13 ; 10.1. L’incise « Cham, père de Canaan », v. 19 (cf. 22), de la notice initiale prépare le récit de 20-27 et donc finalement sa malédiction, v. 25.

19 Ces trois-là étaient les fils de Noé et à partir d’eux se fit le peuplement de toute la terre.

20 Noé, le cultivateur, commença de planter la vigne. 21 Ayant bu du vin, il fut enivré et se dénuda à l’intérieur de sa tente. 22 Cham, père de Canaan,c vit la nudité de son père et avertit ses deux frères au-dehors.

c Cham ne sera plus nommé et Canaan sera le sujet de la malédiction des vv. 25-27. Probablement son nom figurait seul dans le récit traditionnel. D’après le récit, v. 24, Canaan était le plus jeune des trois fils de Noé, si bien que l’ordre aurait dû être Sem, Japhet et Canaan.

23 Mais Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent tous deux sur leur épaule et, marchant à reculons, couvrirent la nudité de leur père ; leurs visages étaient tournés en arrière et ils ne virent pas la nudité de leur père. 24 Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son fils le plus jeune. 25 Et il dit :d

« Maudit soit Canaan ! Qu’il soit pour ses frères l’esclave des esclaves ! »

d Les bénédictions et les malédictions des Patriarches, cf. 27 et 49, sont des paroles efficaces qui atteignent un chef de lignée et se réalisent en ses descendants la race de Canaan sera soumise à Sem, ancêtre d’Abraham et des Israélites, placés sous la protection spéciale de Yahvé, et à Japhet dont les descendants s’étendront aux dépens de Sem. La situation à partir de laquelle le récit s’est développé a pu être celle du règne de Saül et du début du règne de David, où Israélites et Philistins dominaient sur Canaan, et où les Philistins avaient envahi une partie du territoire d’Israël. Beaucoup de Pères ont vu ici l’annonce de l’entrée des Gentils (Japhet) dans la communauté chrétienne issue des Hébreux (Sem).

26 Il dit aussi :

« Béni soit Yahvé, le Dieu de Sem, et que Canaan soit son esclave !

27 Que Dieu mette Japhet au large,e qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit son esclave ! »

e L’hébreu joue sur les mots Yaphet et yapht « qu’il mette au large ».

28 Après le déluge, Noé vécut trois cent cinquante ans. 29 Toute la durée de la vie de Noé fut de neuf cent cinquante ans, puis il mourut.

La table des nations.f

10 Voici la descendance des fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, auxquels des fils naquirent après le déluge :

f Sous la forme d’un tableau généalogique, ce ch. donne une table des peuples, groupés moins selon leurs affinités ethniques que d’après leurs rapports historiques et géographiques les fils de Japhet peuplent l’Asie Mineure et les îles de la Méditerranée ; les fils de Cham les pays du Sud Égypte, Éthiopie, Arabie, et Canaan leur est rattaché en souvenir de la domination égyptienne sur cette contrée ; entre ces deux groupes sont les fils de Sem Élamites, Assyriens, Araméens, et les ancêtres des Hébreux. Le tableau est de tradition sacerdotale, mais il intègre des éléments de tradition yahviste, vv. 18-19, 21 et 24-30, dont la perspective est un peu différente plutôt qu’un aperçu systématique, nous trouvons là, comme au chap. 4 (vv. 17-26), quelques notices en rapport avec les noms traditionnels. Pour ce qui est de l’ensemble sacerdotal, on y trouve le résumé des connaissances sur le monde habité qu’on pouvait avoir parmi les Judéens exilés à Babylone. Par ailleurs, il y a ici une affirmation importante, celle de l’unité de l’espèce humaine, divisée en groupes à partir d’une souche commune. Cette dispersion apparaît, 10.32, comme accomplissant la bénédiction de 9.1. Le récit yahviste de la Tour de Babel, 11.1-9, rendra un son moins favorable ; mais tels sont les aspects complémentaires d’une histoire du monde à laquelle concourent la puissance de Dieu et la malice des hommes.

2 Fils de Japhet : Gomer, Magog, les Mèdes, Yavân, Tubal, Moshek, Tiras.

3 Fils de Gomer : Ashkenaz, Riphat, Togarma. 4 Fils de Yavân : Élisha, Tarsis, les Kittim, les Dananéens. 5 À partir d’eux se fit la dispersion dans les îles des nations.g

Tels furent les fils de Japhet,h d’après leurs pays et chacun selon sa langue, selon leurs clans et d’après leurs nations.

g Les îles et les côtes de la Méditerranée.

h Ces mots, omis par hébr., sont restitués d’après les vv. 20 et 31.

6 Fils de Cham : Kush, Miçrayim, Put, Canaan. 7 Fils de Kush : Séba, Havila, Sabta, Rama, Sabteka. Fils de Rama : Sheba, Dedân.

8 Kush engendra Nemrod,i qui fut le premier potentat sur la terre.

i Figure populaire (le v. 9 énonce un proverbe) derrière laquelle se cache un héros de Mésopotamie, dont l’identification est incertaine.

9 C’était un vaillant chasseur devant Yahvé, et c’est pourquoi l’on dit : « Comme Nemrod, vaillant chasseur devant Yahvé. » 10 Les soutiens de son empire furent Babel, Érek, Akkadj et Kalneh, au pays de Shinéar.

j Akkad, ville située près du site de Babylone son nom sert à désigner la partie nord de la Basse-Mésopotamie par opposition au pays de Sumer, plus au sud, et plus généralement, toujours par opposition aux Sumériens, la langue et les peuples sémitiques de cette région.

11 De ce pays sortit Ashshur, et il bâtit Ninive, Rehobot-Ir, Kalah, 12 et Rèsèn entre Ninive et Kalah (c’est la grande ville).k

k Explication qui peut se rapporter à Kalah ou à Ninive. Kalah, l’actuelle Nimrud, est devenue la capitale de l’Assyrie au IXe s. av. J.-C. ; Ninive sera capitale avec Sennachérib, environ deux siècles plus tard.

13 Miçrayim engendra les gens de Lud, de Anam, de Lehab, de Naphtuh,

14 de Patros, de Kasluh et de Kaphtor, d’où sont sortis les Philistins.l

l Le texte rejette « et de Kaphtor » après « Philistins », mais c’est de Kaphtor que les Philistins étaient originaires, cf. Jos 13.2.

15 Canaan engendra Sidon, son premier-né, puis Hèt, 16 et le Jébuséen, l’Amorite, le Girgashite, 17 le Hivvite, l’Arqite, le Sinite, 18 l’Arvadite, le Çemarite, le Hamatite ; ensuite se dispersèrent les clans cananéens. 19 La frontière des Cananéens allait de Sidon en direction de Gérar, jusqu’à Gaza, puis en direction de Sodome, Gomorrhe, Adma et Çeboyim, et jusqu’à Lésha.

20 Tels furent les fils de Cham, selon leurs clans et leurs langues, d’après leurs pays et leurs nations.

21 Une descendance naquit également à Sem, l’ancêtre de tous les fils de Éber et le frère aîné de Japhet.

22 Fils de Sem : Élam, Ashshur, Arpakshad, Lud, Aram. 23 Fils d’Aram : Uç, Hul, Géter et Mash.

24 Arpakshad engendra Shélah et Shélah engendra Éber. 25 À Éber naquirent deux fils : le premier s’appelait Péleg, car ce fut en son temps que la terre fut divisée, et son frère s’appelait Yoqtân. 26 Yoqtân engendra Almodad, Shéleph, Haçarmavet, Yérah, 27 Hadoram, Uzal, Diqla, 28 Obal, Abimaël, Sheba, 29 Ophir, Havila, Yobab ; tous ceux-là sont fils de Yoqtân. 30 Ils habitaient à partir de Mesha en direction de Sephar, la montagne de l’Orient.

31 Tels furent les fils de Sem, selon leurs clans et leurs langues, d’après leurs pays et leurs nations.

32 Tels furent les clans des descendants de Noé, selon leurs lignées et d’après leurs nations. Ce fut à partir d’eux que les peuples se dispersèrent sur la terre après le déluge.

La tour de Babel.m

11 Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots.

m Ce récit de tradition yahviste semble être le résultat de l’amalgame de différentes traditions construction d’une tour et d’une ville, dispersion des hommes après le déluge, cf. 9.19 ; 10.32. L’ironie n’y manque pas voici des hommes qui voudraient bâtir une tour dont le sommet pénètre les cieux, v. 4, mais qui sont incapables de se servir de la pierre et du mortier ! La narration donne de la diversité des peuples et des langues une autre explication. C’est le châtiment d’une faute collective qui, comme celle des premiers parents, 3, est encore une faute de démesure, cf. v. 4. L’union ne sera restaurée que dans le Christ sauveur miracle des langues à la Pentecôte, Ac 2.5-12, assemblée des nations au ciel, Ap 7.9-10.

2 Comme les hommes se déplaçaient à l’orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéarn et ils s’y établirent.

n La Babylonie, cf. 10.10 ; Isa 11.11 ; Dn 1.2.

3 Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. 4 Ils dirent : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux !o Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! »

o La tradition s’est attachée aux ruines de l’une de ces hautes tours à étages, d’une ziggurât, que l’on construisait en Mésopotamie comme un symbole de la montagne sacrée et un reposoir de la divinité. Les constructeurs y auraient cherché un moyen de rencontrer leur dieu. Mais l’auteur du récit biblique y voit l’entreprise d’un orgueil insensé. Ce thème de la tour se combine avec celui de la ville c’est une condamnation de la civilisation urbaine, cf. 4.17.

5 Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. 6 Et Yahvé dit : « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. 7 Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » 8 Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. 9 Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confonditp le langage de tous les habitants de la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre.

p « Babel » est expliqué par la racine bll « confondre ». Le nom de Babylone signifie en réalité « porte du dieu ».

Les Patriarches d’après le déluge.q

10 Voici la descendance de Sem :
Quand Sem eut cent ans, il engendra Arpakshad, deux ans après le déluge.

q Les vv. 10-27, 31-32 reprennent la tradition sacerdotale, abandonnée depuis 10.32. C’est la suite de la généalogie du chap. 5. L’horizon se restreint aux ascendants directs d’Abraham.

11 Après la naissance d’Arpakshad, Sem vécut cinq cents ans et il engendra des fils et des filles.

12 Quand Arpakshad eut trente-cinq ans, il engendra Shélah. 13 Après la naissance de Shélah, Arpakshad vécut quatre cent trois ans et il engendra des fils et des filles.

14 Quand Shélah eut trente ans, il engendra Éber. 15 Après la naissance de Éber, Shélah vécut quatre cent trois ans et il engendra des fils et des filles.

16 Quand Éber eut trente-quatre ans, il engendra Péleg. 17 Après la naissance de Péleg, Éber vécut quatre cent trente ans et il engendra des fils et des filles.

18 Quand Péleg eut trente ans, il engendra Réu. 19 Après la naissance de Réu, Péleg vécut deux cent neuf ans et il engendra des fils et des filles.

20 Quand Réu eut trente-deux ans, il engendra Serug. 21 Après la naissance de Serug, Réu vécut deux cent sept ans et il engendra des fils et des filles.

22 Quand Serug eut trente ans, il engendra Nahor. 23 Après la naissance de Nahor, Serug vécut deux cents ans et il engendra des fils et des filles.

24 Quand Nahor eut vingt-neuf ans, il engendra Térah. 25 Après la naissance de Térah, Nahor vécut cent dix-neuf ans et il engendra des fils et des filles.

26 Quand Térah eut soixante-dix ans, il engendra Abram, Nahor et Harân.

La descendance de Térah.r

27 Voici la descendance de Térah :

Térah engendra Abram, Nahor et Harân. Harân engendra Lot.

r L’histoire de la race élue va commencer et le tableau généalogique se détaille pour présenter les parents de toute la race, Abram et Saraï dont les noms seront changés en Abraham et Sara, 17.5, 15, et aussi Nahor, le grand-père de Rébecca, 24.24, et Lot, l’ancêtre des Moabites et des Ammonites, 19.30-38. Les vv. 28-30 sont de tradition yahviste.

28 Harân mourut en présence de son père Térah dans son pays natal, Ur des Chaldéens.

29 Abram et Nahor se marièrent : la femme d’Abram s’appelait Saraï ; la femme de Nahor s’appelait Milka, fille de Harân, qui était le père de Milka et de Yiska. 30 Or Saraï était stérile : elle n’avait pas d’enfant.

31 Térah prit son fils Abram, son petit-fils Lot, fils de Harân, et sa bru Saraï, femme d’Abram. Il les fit sortirs d’Ur des Chaldéens pour aller au pays de Canaan, mais, arrivés à Harân, ils s’y établirent.t

s « Il les fit sortir » versions ; « Ils sortirent avec eux » hébr.

t Première migration sur la route de la Terre promise. Ur est en Basse-Mésopotamie, Harân au nord-ouest de la Mésopotamie. L’historicité de cette première migration est contestée. Elle est cependant attestée par des traditions probablement anciennes en 11.28 ; 15.7, rédigées à une époque où Ur était tombée dans l’oubli. Elle était au contraire un centre important au début du IIe millénaire et avait déjà des liens religieux et commerciaux avec Harân. Il faut au moins reconnaître la possibilité de cette première migration ; seule la mention des Chaldéens serait une précision ajoutée à l’époque néo-babylonienne.

32 La durée de la vie de Térah fut de deux cent cinq ans,u puis il mourut à Harân.

u Seulement cent quarante-cinq d’après le Pentateuque samaritain, ce qui ne fait quitter Harân par Abraham qu’à la mort de son père (d’après 11.26 ; 12.4) ; cf. Ac 7.4.

II. Histoire des patriarchesv

1. CYCLE D’ABRAHAMw

Vocation d’Abraham.x

12 Yahvé dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai.

v Titre à comprendre d’une façon neutre récits au sujet des patriarches.

w Les récits sur Abraham, tels qu’ils se présentent dans la Genèse, sont une « théologie de la promesse » la double promesse divine de descendance et du don du pays sont les deux axes centraux autour desquels s’organise d’une manière ou d’une autre tout ce que les écrivains sacrés ont à dire sur le patriarche.

x Les chap. 12-13 appartiennent pour l’essentiel aux traditions yahvistes, mais tout ne se situe pas au même niveau de la tradition ou de sa fixation écrite. Fort probablement, une courte notice de départ de Harân et d’arrivée en Canaan, sorte d’itinéraire, avec l’ordre divin de quitter Harân, 12.1.4, et un premier point d’attache autour de Béthel, 12.8 ; 13.3, sont le noyau de la tradition. L’itinéraire est continué par le récit de la séparation d’Abraham et de Lot, 13.3s. Des promesses de descendance et de bénédiction, 12.2-3, puis du don du pays, 12.7, ont pu être ajoutées à un stade relativement ancien de la tradition, de même que le récit de la descente en Égypte, 12.10-20, récit qui ne parle pas de Lot, avec 13.1-4. Un développement plus récent peut être la promesse solennelle de 13.14-17. Les auteurs sacerdotaux sont responsables de quelques compléments où l’on insiste sur la richesse d’Abraham et de Lot, raison de leur séparation, 12.4-5 ; 13.2.4-5. Si tel a pu être le développement des deux chapitres, la double promesse de descendance et du don du pays vient occuper une place de plus en plus prépondérante. Rompant toutes ses attaches terrestres, Abraham part pour un pays inconnu, avec sa femme stérile, 11.30, parce que Dieu l’a appelé et lui a promis une postérité. Premier acte de la foi d’Abraham que l’on retrouvera lors du renouvellement de la promesse, 15.5-6, et que Dieu mettra à l’épreuve en redemandant Isaac, fruit de cette promesse, 22. L’existence et l’avenir du peuple élu dépendent de cet acte absolu de foi, He 11.8-9. Il ne s’agit pas seulement de sa descendance charnelle, mais de tous ceux que la même foi rendra fils d’Abraham, comme le montre saint Paul, Rm 4 ; Ga 3.7.

2 Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction !

3 Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront tous les clans de la terre. »y

y La formule revient (avec le mot « clan » ou « nation ») en 18.18 ; 22.18 ; 26.4 ; 28.14. Au sens strict, elle signifie (cf. v. 2 et 48.20 ; Jr 29.22) « les clans se diront l’un à l’autre Béni sois-tu comme Abraham ». Mais Si 44.21, la trad. des LXX et le NT ont compris « en toi seront bénies toutes les nations ».

4 Abram partit, comme lui avait dit Yahvé, et Lot partit avec lui. Abram avait soixante-quinze ans lorsqu’il quitta Harân. 5 Abram prit sa femme Saraï, son neveu Lot, tout l’avoir qu’ils avaient amassé et le personnel qu’ils avaient acquis à Harân ; ils se mirent en route pour le pays de Canaan et ils y arrivèrent.

6 Abram traversa le pays jusqu’au lieu saint de Sichem, au Chêne de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le pays. 7 Yahvé apparut à Abram et dit : « C’est à ta postérité que je donnerai ce pays. »z Et là, Abram bâtit un autel à Yahvé qui lui était apparu.

z Don de la Terre sainte.

8 Il passa de là dans la montagne, à l’orient de Béthel, et il dressa sa tente, ayant Béthel à l’ouest et Aï à l’est. Là, il bâtit un autel à Yahvé et il invoqua son nom. 9 Puis, de campement en campement, Abram alla au Négeb.

Abraham en Égypte.a

10 Il y eut une famineb dans le pays et Abram descendit en Égypte pour y séjourner, car la famine pesait lourdement sur le pays.

a Cette histoire, dont le thème se retrouve en 20 (encore Sara) et 26.1-11, célèbre la beauté de l’aïeule de la race, l’habileté du Patriarche, la protection que Dieu accorde à tous deux. Elle porte la marque d’un âge moral où la conscience ne réprouvait pas toujours le mensonge et où la vie du mari valait plus que l’honneur de la femme. L’humanité, guidée par Dieu, n’a pris de la loi morale qu’une conscience progressive.

b C’est aussi à cause d’une famine que les frères de Joseph iront en Égypte, 42.1-5. Elle conduit à la descente en Égypte de Jacob et tous ses fils, 46.

11 Lorsqu’il fut près d’entrer en Égypte, il dit à sa femme Saraï : « Vois-tu, je sais que tu es une femme de belle apparence. 12 Quand les Égyptiens te verront, ils diront : « C’est sa femme », et ils me tueront et te laisseront en vie. 13 Dis, je te prie, que tu es ma sœur,c pour qu’on me traite bien à cause de toi et qu’on me laisse en vie par égard pour toi. »

c On a rapproché une coutume de Haute-Mésopotamie dans l’aristocratie hurrite, un mari pouvait adopter fictivement son épouse comme « sœur » et celle-ci jouissait alors d’une considération accrue et de privilèges spéciaux. Telle aurait été la condition de Saraï, et Abram s’en serait vanté devant les Égyptiens qui s’y seraient mépris, v. 19, tout comme l’auteur biblique qui ne connaissait plus la coutume. L’explication est incertaine.

14 De fait, quand Abram arriva en Égypte, les Égyptiens virent que la femme était très belle. 15 Les officiers de Pharaon la virent et la vantèrent à Pharaon ; et la femme fut emmenée au palais de Pharaon.

16 Celui-ci traita bien Abram à cause d’elle : il eut du petit et du gros bétail, des ânes, des esclaves, des servantes, des ânesses, des chameaux. 17 Mais Yahvé frappa Pharaon de grandes plaies, et aussi sa maison, à propos de Saraï, la femme d’Abram. 18 Pharaon appela Abram et dit : « Qu’est-ce que tu m’as fait ? Pourquoi ne m’as-tu pas déclaré qu’elle était ta femme ? 19 Pourquoi as-tu dit : « Elle est ma sœur ! » en sorte que je l’ai prise pour femme. Maintenant, voilà ta femme : prends-la et va-t’en ! » 20 Pharaon le confia à des hommes qui le reconduisirent à la frontière, lui, sa femme et tout ce qu’il possédait.

Séparation d’Abraham et de Lot.

13 D’Égypte, Abram avec sa femme et tout ce qu’il possédait, et Lot avec lui, remonta au Négeb. 2 Abram était très riche en troupeaux, en argent et en or. 3 Ses campements le conduisirent du Négeb jusqu’à Béthel, à l’endroit où sa tente s’était dressée d’abord entre Béthel et Aï, 4 à l’endroit de l’autel qu’il avait érigé précédemment, et là, Abram invoqua le nom de Yahvé.

5 Lot, qui accompagnait Abram, avait également du petit et du gros bétail, ainsi que des tentes. 6 Le pays ne suffisait pas à leur installation commune : ils avaient de trop grands biens pour pouvoir habiter ensemble. 7 Il y eut une dispute entre les pâtres des troupeaux d’Abram et ceux des troupeaux de Lot (les Cananéens et les Perizzites habitaient alors le pays). 8 Aussi Abram dit-il à Lot : « Qu’il n’y ait pas discorde entre moi et toi, entre mes pâtres et les tiens, car nous sommes des frères ! 9 Tout le pays n’est-il pas devant toi ? Sépare-toi de moi. Si tu prends la gauche, j’irai à droite, si tu prends la droite, j’irai à gauche. »

10 Lot leva les yeux et vit toute la Plaine du Jourdaind qui était partout irriguée — c’était avant que Yahvé ne détruisît Sodome et Gomorrhe — comme le jardin de Yahvé, comme le pays d’Égypte, jusque vers Çoar.e

d Littéralement le « cercle », employé ici comme nom géographique désignant la basse vallée du Jourdain jusqu’au sud de la mer Morte, laquelle est censée ne pas exister encore, cf. 14.3 ; 19.24s.

e Au sud de la mer Morte, cf. 19.20-22.

11 Lot choisit pour lui toute la Plaine du Jourdain et il émigra à l’orient ; ainsi ils se séparèrent l’un de l’autre : 12 Abram s’établit au pays de Canaan et Lot s’établit dans les villes de la Plaine ; il dressa ses tentes jusqu’à Sodome. 13 Les gens de Sodome étaient de grands scélérats et pécheurs contre Yahvé.f

f Préparation de 18.20-21 ; 19.4-11. C’est l’introduction à une tradition sur Lot, qui était originaire de Transjordanie et centrée sur l’histoire de Sodome et Gomorrhe, 18-19. Elle peut avoir des origines assez lointaines, mais elle fait partie de l’histoire d’Abraham et de Lot, noyau de la tradition sur Abraham. — Lot a préféré la vie facile et un climat de péché ; il en sera cruellement puni, 19. Mais la générosité d’Abraham qui a laissé le choix à son neveu va être récompensée par le renouvellement de la Promesse, 12.7.

14 Yahvé dit à Abram, après que Lot se fut séparé de lui : « Lève les yeux et regarde, de l’endroit où tu es, vers le nord et le midi, vers l’orient et l’occident.

15 Tout le pays que tu vois, je le donnerai à toi et à ta postérité pour toujours.

16 Je rendrai ta postérité comme la poussière de la terre : quand on pourra compter les grains de poussière de la terre, alors on comptera tes descendants !

17 Debout ! Parcours le pays en long et en large, car je te le donnerai. » 18 Avec ses tentes, Abram alla s’établir aux Chênesg de Mambré, à Hébron, et là, il érigea un autel à Yahvé.

g Grec, syr. au singulier, cf. 18.4. Le pluriel se trouve aussi en 14.13 et 18.1.

La campagne des quatre grands rois.h

14 Au temps d’Amraphel roi de Shinéar, d’Aryok roi d’Ellasar, de Kedor-Laomer roi d’Élam et de Tidéal roi des Goyim,

h Ce chap. n’appartient à aucune des trois grandes traditions de la Genèse. Sa valeur est très diversement appréciée. Il semble qu’il soit une composition tardive pastichant l’antique les noms des quatre rois de l’Orient ont des formes anciennes, mais ils ne sont identifiables à aucun personnage connu, et il est historiquement impossible que l’Élam ait jamais dominé sur les villes du sud de la mer Morte, et ait pris la tête d’une coalition qui aurait réuni un roi amorite (Amraphel), un roi hurrite (Aryok) et un roi hittite (Tidéal). Le caractère factice du récit est perceptible dans les noms des rois de Sodome et Gomorrhe Béra et Birsha sont les rois « en malice » et « en méchanceté », nouvelle allusion au péché des deux villes. Le récit a voulu rattacher Abraham à la grande histoire et ajouter à sa figure une auréole de gloire militaire.

2 ceux-ci firent la guerre contre Béra roi de Sodome, Birsha roi de Gomorrhe, Shinéab roi d’Adma, Shémeéber roi de Çeboyim et le roi de Béla (c’est Çoar).i

i Sur Sodome et Gomorrhe, voir chap. 19 ; sur Adma et Çeboyim, Dt 29.22 ; Os 11.8.

3 Ces derniers se liguèrent dans la vallée de Siddim (c’est la mer du Sel).j

j L’auteur se représente la mer Morte comme n’existant pas encore, cf. 13.10 ; ou bien la vallée de Siddim (le nom ne se rencontre qu’ici) n’occupait que la partie méridionale de la mer Morte qui est un affaissement récent.

4 Douze ans ils avaient été soumis à Kedor-Laomer mais, la treizième année,k ils se révoltèrent.

k « la treizième année » versions ; « treize ans » hébr.

5 En la quatorzième année, arrivèrent Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui. Ils battirent les Rephaïm à Ashterot-Qarnayim, les Zuzim à Ham, les Émim dans la plaine de Qiryatayim, 6 les Horites dans les montagnes de Séïr jusqu’à El-Parân, qui est à la limite du désert.l

l Rephaïm, Zuzim (ou Zamzumim), Émim et Horites anciennes populations légendaires de Transjordanie, cf. Dt 2.10 ; 2.12 ; leurs villes jalonnent la grande route qui descend vers la mer Rouge.

7 Ils firent un mouvement tournant et vinrent à la Source du Jugement (c’est Cadès) ; ils battirent tout le territoire des Amalécites et aussi les Amorites qui habitaient Haçaçôn-Tamar. 8 Alors le roi de Sodome, le roi de Gomorrhe, le roi d’Adma, le roi de Çeboyim et le roi de Béla (c’est Çoar) s’ébranlèrent et se rangèrent en bataille contre eux dans la vallée de Siddim, 9 contre Kedor-Laomer roi d’Élam, Tidéal roi des Goyim, Amraphel roi de Shinéar et Aryok roi d’Ellasar : quatre rois contre cinq ! 10 Or la vallée de Siddim était pleine de puits de bitume ; dans leur fuite, le roi de Sodome et le roi de Gomorrhe y tombèrent, et le reste se réfugia dans la montagne. 11 Les vainqueurs prirent tous les biens de Sodome et de Gomorrhe et tous leurs vivres, et s’en allèrent.

12 Ils prirent aussi Lot et ses biens (le neveu d’Abram), et s’en allèrent ; il habitait Sodome. 13 Un rescapé vint informer Abram l’Hébreu, qui demeurait aux Chênes de l’Amorite Mambré, frère d’Eshkol et d’Aner ; ils étaient les alliés d’Abram. 14 Quand Abram apprit que son parent était emmené captif, il leva ses partisans, ses familiers, au nombre de trois cent dix-huit, et mena la poursuite jusqu’à Dan. 15 Il les attaqua de nuit en ordre dispersé, lui et ses gens, il les battit et les poursuivit jusqu’à Hoba, au nord de Damas. 16 Il reprit tous les biens, et aussi son parent Lot et ses biens, ainsi que les femmes et les gens.

Melchisédech.

17 Quand Abram revint après avoir battu Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome alla à sa rencontre dans la vallée de Shavé (c’est la vallée du Roi).m

m Mentionnée en 2 S 18.18, elle se trouvait, d’après Josèphe, à moins de 400 m de Jérusalem.

18 Melchisédech, roi de Shalem,n apporta du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu Très-Haut.

n Après le Ps 76.3, toute la tradition juive et beaucoup de Pères ont identifié Shalem avec Jérusalem. Son roi-prêtre, Melchisédech (nom cananéen, cf. Adonisédech, roi de Jérusalem, Jos 10.1), adore le Dieu Très Haut, El `Elyôn, nom composé dont chaque élément est attesté comme deux divinités distinctes du panthéon phénicien. `Elyôn est employé dans la Bible (surtout Ps) comme un titre divin. Ici, v. 22, El `Elyôn est identifié au vrai Dieu d’Abraham. Ce Melchisédech, qui fait dans le récit sacré une brève et mystérieuse apparition, comme roi de Jérusalem où Yahvé choisira d’habiter, comme prêtre du Très Haut dès avant l’institution lévitique, est présenté par le Ps 110.4 comme une figure de David, qui est lui-même une figure du Messie, roi et prêtre. L’application au sacerdoce du Christ est développée en He 7. La tradition patristique a exploité et enrichi cette exégèse allégorique, voyant dans le pain et le vin apportés à Abraham une figure de l’Eucharistie, et même un véritable sacrifice, figure du sacrifice eucharistique, interprétation reçue dans le Canon de la Messe. Plusieurs Pères avaient même admis qu’en Melchisédech était apparu le Fils de Dieu en personne. Ici les vv. 18-20 pourraient être postérieurs au reste du chapitre. Melchisédech y est l’image du grand prêtre d’après l’Exil, héritier des prérogatives royales et chef du sacerdoce, à qui les descendants d’Abraham payent la dîme.

19 Il prononça cette bénédiction :o

« Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut
qui créa ciel et terre,

o La bénédiction est une parole efficace, 9.25, et irrévocable, 27.33 ; 48.18, qui, même prononcée par un homme, transmet l’effet qui s’y exprime, puisque c’est Dieu qui bénit, 1.27, 28 ; 12.1 ; 28.3-4 ; Ps 67.2 ; 85.2, etc. Mais l’homme aussi, en retour, bénit Dieu, loue sa grandeur et sa bonté en même temps qu’il souhaite les voir s’affirmer et s’étendre, 24.48 ; Ex 18.10 ; Dt 8.10 ; 1 S 25.32, 39, etc. Ici les deux bénédictions sont associées. Le culte israélite comportait les unes et les autres, Nb 6.22 ; Dt 27.14-26 ; Ps 103.1-2 ; 144.1 ; Dn 2.19-23, etc. Cf. Lc 1.68 ; 2 Co 1.3 ; Ep 1.3 ; 1 P 1.3.

20 et béni soit le Dieu Très-Haut
qui a livré tes ennemis entre tes mains. »
Et Abram lui donna la dîme de tout.

21 Le roi de Sodome dit à Abram : « Donne-moi les personnes et prends les biens pour toi. » 22 Mais Abram répondit au roi de Sodome : « Je lève la main devant Yahvép, le Dieu Très-Haut qui créa ciel et terre :

p Omis par grec et syr.

23 ni un fil ni une courroie de sandale, je ne prendrai rien de ce qui est à toi, et tu ne pourras pas dire : « J’ai enrichi Abram. » 24 Rien pour moi. Seulement ce que mes serviteurs ont mangé et la part des hommes qui sont venus avec moi, Aner, Eshkol et Mambré ; eux prendront leur part. »

Les promesses et l’alliance divines.q

15 Après ces événements, la parole de Yahvé fut adressée à Abram, dans une vision :
« Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande. »

q Récit de tradition yahviste, mais avec des indices d’origine récente et des additions très tardives. La foi d’Abraham est mise à l’épreuve, les promesses tardent à se réaliser. Elles sont alors renouvelées et scellées par une alliance. La promesse de la terre est en première place. — C’est à ces promesses faites aux Pères, dans lesquelles Dieu a engagé sa miséricorde et sa fidélité, que le NT rattachera la personne et l’œuvre de Jésus Christ, cf. Ac 2.39 ; Rm 4.13.

2 Abram répondit : « Mon Seigneur Yahvé, que me donnerais-tu ? Je m’en vais sans enfant... »r

r Texte corrompu « et le fils de... (un mot incompréhensible) ma maison, c’est Damas Éliézer ». Le v. 4 semble indiquer qu’il y avait là la mention de quelqu’un. Pour la première fois, Abraham répond à Dieu pour exprimer une inquiétude. Le v. 3 semble être une addition il redit la même plainte.

3 Abram dit : « Voici que tu ne m’as pas donné de descendance et qu’un des gens de ma maison héritera de moi. » 4 Alors cette parole de Yahvé lui fut adressée : « Celui-là ne sera pas ton héritier, mais bien quelqu’un issu de ton sang. » 5 Il le conduisit dehors et dit : « Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer » et il lui dit : « Telle sera ta postérité. » 6 Abram crut en Yahvé, qui le lui compta comme justice.s

s La foi d’Abraham est la confiance en une promesse humainement irréalisable. Dieu lui reconnaît le mérite de cet acte (cf. Dt 24.13 ; Ps 106.31), il le met au compte de sa justice, le « juste » étant l’homme que sa rectitude et sa soumission rendent agréable à Dieu. Saint Paul utilise le texte pour prouver que la justification dépend de la foi et non des œuvres de la Loi ; mais la foi d’Abraham commande sa conduite, elle est principe d’action et saint Jacques peut invoquer le même texte pour condamner la foi « morte », sans les œuvres de la foi.

7 Il lui dit : « Je suis Yahvé qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens, pour te donner ce pays en possession. » 8 Abram répondit : « Mon Seigneur Yahvé, à quoi saurai-je que je le posséderai ? » 9 Il lui dit : « Va me chercher une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeonneau. » 10 Il lui amena tous ces animaux, les partagea par le milieu et plaça chaque moitié vis-à-vis de l’autre ; cependant il ne partagea pas les oiseaux. 11 Les rapaces s’abattirent sur les cadavres, mais Abram les chassa.

12 Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et voici qu’un grand effroit le saisit.

t Le texte ajoute ici « une obscurité », glose peut-être destinée au mot rare « ténèbres », v. 17.

13 Yahvé dit à Abram : « Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera pendant quatre cents ans. 14 Mais je jugerai aussi la nation à laquelle ils auront été asservis et ils sortiront ensuite avec de grands biens. 15 Pour toi, tu t’en iras en paix avec tes pères, tu seras enseveli dans une vieillesse heureuse. 16 C’est à la quatrième génération qu’ils reviendront ici, car jusque-là l’iniquité des Amorites n’aura pas atteint son comble. »u

u Les vv. 13-16 sont une addition au récit de base, mais tout n’est pas homogène le v. 13 parle de quatre cents ans et le v. 16 de quatre générations.

17 Quand le soleil fut couché et que les ténèbres s’étendirent, voici qu’un four fumant et un brandon de feu passèrent entre les animaux partagés.v

v Vieux rite d’alliance (Jr 34.18) les contractants passaient entre les chairs sanglantes et appelaient sur eux le sort fait à ces victimes, s’ils transgressaient leur engagement. Sous le symbole du feu (cf. le buisson ardent, Ex 3.2 ; la colonne de feu, Ex 13.21 ; le Sinaï fumant, Ex 19.18), c’est Yahvé qui passe, et il passe seul car son alliance est un pacte unilatéral, voir 9.9. C’est un engagement solennel, scellé par un serment imprécatoire (le passage entre les animaux partagés).

18 Ce jour-là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes :

« À ta postérité je donne ce pays,
du Fleuve d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve,

le fleuve d’Euphrate, 19 les Qénites, les Qenizzites, les Qadmonites, 20 les Hittites, les Perizzites, les Rephaïm, 21 les Amorites, les Cananéens, les Girgashites et les Jébuséens. »w

w L’expression idéalisée des limites du pays de la promesse (comparer avec « De Dan à Bersabée ») et la liste des peuples sont une addition au récit de base. Et il n’y a pas d’homogénéité entre les deux éléments ajoutés les peuples sont ceux de Canaan seulement.

Naissance d’Ismaël.x

16 La femme d’Abram, Saraï, ne lui avait pas donné d’enfant. Mais elle avait une servante égyptienne, nommée Agar,

x Récit de tradition yahviste avec des éléments de tradition sacerdotale (vv. 1, 3, 15-16).

2 et Saraï dit à Abram : « Vois, je te prie : Yahvé n’a pas permis que j’enfante. Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants. »y Et Abram écouta la voix de Saraï.

y D’après le droit mésopotamien, une épouse stérile pouvait donner à son mari une servante pour femme et reconnaître comme siens les enfants nés de cette union. Le cas se reproduira pour Rachel, 30.1-6, et pour Léa, 30.9-13.

3 Ainsi, au bout de dix ans qu’Abram résidait au pays de Canaan, sa femme Saraï prit Agar l’Égyptienne, sa servante, et la donna pour femme à son mari, Abram. 4 Celui-ci alla vers Agar, qui devint enceinte. Lorsqu’elle se vit enceinte, sa maîtresse ne compta plus à ses yeux. 5 Alors Saraï dit à Abram : « Tu es responsable de l’injure qui m’est faite ! J’ai mis ma servante entre tes bras et, depuis qu’elle s’est vue enceinte, je ne compte plus à ses yeux. Que Yahvé juge entre moi et toi ! » 6 Abram dit à Saraï : « Eh bien, ta servante est entre tes mains, fais-lui comme il te semblera bon. » Saraï la maltraita tellement que l’autre s’enfuit de devant elle.

7 L’Ange de Yahvéz la rencontra près d’une certaine source au désert, la source qui est sur le chemin de Shur.

z Dans les textes anciens, l’Ange de Yahvé, 22.11 ; Ex 3.2 ; Jg 2.1, etc., ou l’Ange de Dieu, 21.17 ; 31.11 ; Ex 14.19, etc., n’est pas encore clairement un ange créé distinct de Dieu, Ex 23.20, mais ce n’est pas non plus, semble-t-il, une façon de parler de Dieu en tant qu’il se manifeste. Si l’identification semble se dégager du texte, ici au v. 13, le propre d’un « envoyé », comme chez les hommes, est de parler au nom de celui qui l’envoie. Dans d’autres textes, l’Ange de Yahvé est l’exécuteur de ses vengeances, Ex 12.23. Cf. également Tb 5.4 ; Mt 1.20 ; Ac 7.38.

8 Il dit : « Agar, servante de Saraï, d’où viens-tu et où vas-tu ? » Elle répondit : « Je fuis devant ma maîtresse Saraï. » 9 L’Ange de Yahvé lui dit : « Retourne chez ta maîtresse et sois-lui soumise. » 10 L’Ange de Yahvé lui dit : « Je multiplierai beaucoup ta descendance, tellement qu’on ne pourra pas la compter. » 11 L’Ange de Yahvé lui dit :

« Tu es enceinte et tu enfanteras un fils,
et tu lui donneras le nom d’Ismaël,
car Yahvé a entendua ta détresse.

a Le nom d’Ishma`el signifie « Que Dieu entende » ou « Dieu entend ».

12 Celui-là sera un onagre d’homme,
sa main contre tous, la main de tous contre lui,
il s’établira à la face de tous ses frères. »b

b Les descendants d’Ismaël sont les Arabes du désert, indépendants et vagabonds comme l’onagre (Jb 39.5-8).

13 À Yahvé qui lui avait parlé, Agar donna ce nom : « Tu es El-Roï », car, dit-elle, « Ai-je encore vu ici après celui qui me voit ? »c

c El Roï signifie « Dieu de vision » ; le texte des paroles d’Agar doit être corrompu. Lahaï Roï peut s’interpréter le puits « du Vivant qui me voit » ; Isaac y séjournera, 24.62 ; 25.11.

14 C’est pourquoi on a appelé ce puits le puits de Lahaï-Roï ; il se trouve entre Cadès et Bérèd.

15 Agar enfanta un fils à Abram, et Abram donna au fils qu’enfanta Agar le nom d’Ismaël. 16 Abram avait quatre-vingt-six ans quand Agar le fit père d’Ismaël.

L’alliance et la circoncision.d

17 Lorsqu’Abram eut atteint quatre-vingt-dix-neuf ans, Yahvé lui apparut et lui dit :

« Je suis El Shaddaï,e marche en ma présence et sois parfait.

d Nouveau récit de l’alliance, de tradition sacerdotale. L’alliance scelle les mêmes promesses que dans la tradition yahviste du chap. 15, mais impose cette fois à l’homme des obligations de perfection morale, v. 1, un lien religieux avec Dieu, vv. 7, 19, et une prescription positive, la circoncision. Comparer, dans la même tradition, l’alliance avec Noé, 9.9.

e Ancien nom divin de l’époque patriarcale, 28.3 ; 35.11 ; 43.14 ; 48.3 ; 49.25, spécialement retenu par la tradition sacerdotale, cf. Ex 6.3, rare en dehors du Pentateuque, sauf dans Job. La traduction commune, « Dieu Tout-Puissant », est inexacte. Le sens est incertain ; on a proposé « Dieu de la montagne », d’après l’akkadien shadû ; il serait préférable de comprendre « Dieu de la steppe », d’après l’hébreu sadeh et un autre sens du mot akkadien. C’est une appellation divine qui correspond au mode de vie des nomades.

2 J’institue mon alliance entre moi et toi, et je t’accroîtrai extrêmement. » 3 Et Abram tomba la face contre terre.

Dieu lui parla ainsi :

4 « Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d’une multitude de nations. 5 Et l’on ne t’appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham,f car je te fais père d’une multitude de nations.

f D’après la conception antique, le nom d’un être ne le désigne pas seulement, il détermine sa nature. Un changement de nom marque donc un changement de destinée, cf. v. 15 et 35.10. En fait, Abram et Abraham semblent être deux formes dialectales du même nom et signifier également « Il est grand quant à son père, il est de noble lignée. » Mais Abraham est expliqué ici par l’assonance avec ’ab hamôn « père de multitude ».

6 Je te rendrai extrêmement fécond, de toi je ferai des nations, et des rois sortiront de toi. 7 J’établirai mon alliance entre moi et toi, et ta race après toi, de génération en génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi. 8 À toi et à ta race après toi, je donnerai le pays où tu séjournes, tout le pays de Canaan, en possession à perpétuité, et je serai votre Dieu. »

9 Dieu dit à Abraham : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération. 10 Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c’est-à-dire ta race après toi : que tous vos mâles soient circoncis.g

g La circoncision était primitivement un rite d’initiation au mariage et à la vie du clan, 34.14s ; Ex 4.24-26 ; Lv 19.23. Elle devient ici un « signe », qui rappellera à Dieu (comme l’arc-en-ciel, 9.16-17) son alliance, et à l’homme son appartenance au peuple choisi et les obligations qui en découlent. Cependant, les lois ne font que deux allusions à cette prescription, Ex 12.44 ; Lv 12.3 ; cf. Jos 5.2-8. Elle ne prit toute son importance qu’à partir de l’Exil, cf. 1 M 1.60s ; 2 M 6.10. Saint Paul l’interprète comme le « sceau de la justice de la foi », Rm 4.11. Sur la « circoncision du cœur », voir Jr 4.4.

11 Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous. 12 Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération en génération. Qu’il soit né dans la maison ou acheté à prix d’argent à quelque étranger qui n’est pas de ta race, 13 on devra circoncire celui qui est né dans la maison et celui qui est acheté à prix d’argent. Mon alliance sera marquée dans votre chair comme une alliance perpétuelle. 14 L’incirconcis, le mâle dont on n’aura pas coupé la chair du prépuce, cette vie-là sera retranchée de sa parenté : il a violé mon alliance. »

15 Dieu dit à Abraham : « Ta femme Saraï, tu ne l’appelleras plus Saraï, mais son nom est Sara.h

h Sara et Saraï sont deux formes du même nom, qui signifie « princesse » ; et Sara sera mère de rois, v. 16.

16 Je la bénirai et même je te donnerai d’elle un fils ; je la bénirai, elle deviendra des nations, et des rois de peuples viendront d’elle. » 17 Abraham tomba la face contre terre, et il se mit à rirei car il se disait en lui-même : « Un fils naîtra-t-il à un homme de cent ans, et Sara qui a quatre-vingt-dix ans va-t-elle enfanter ? »

i Au rire d’Abraham feront écho le rire de Sara, 18.12, et celui d’Ismaël, 21.9 (voir encore 21.6), autant d’allusions au nom d’Isaac, forme abrégée de Yçhq-El, qui signifie « Que Dieu sourie, soit favorable » ou « a souri, s’est montré favorable. » Le rire d’Abraham exprime l’incrédulité, d’où la demande pour Ismaël, v. 18, mais aussi l’étonnement devant l’énormité de la promesse. Au moins veut-il une confirmation, qu’il sollicite en rappelant l’existence d’Ismaël, qui pourrait être l’héritier promis.

18 Abraham dit à Dieu : « Oh ! qu’Ismaël vive devant ta face ! » 19 Mais Dieu reprit : « Non, mais ta femme Sara te donnera un fils, tu l’appelleras Isaac,j et j’établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, et avec sa descendance après lui.k

j L’indication du nom que l’enfant devra porter fait partie des annonces de naissance ; cf. 16.11.

k Texte difficile où le dernier « et » est ajouté dans la traduction. Une partie du grec lit « j’établirai mon alliance avec lui, comme alliance perpétuelle, pour être son Dieu et celui de sa descendance après lui ».

20 En faveur d’Ismaël aussi, je t’ai entendu : je le bénis, je le rendrai fécond, je le ferai croître extrêmement, il engendrera douze princes et je ferai de lui une grande nation.

21 Mais mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que va t’enfanter Sara, l’an prochain à cette saison. » 22 Lorsqu’il eut fini de lui parler, Dieu remonta d’auprès d’Abraham.

23 Alors Abraham prit son fils Ismaël, tous ceux qui étaient nés dans sa maison, tous ceux qu’il avait acquis de son argent, bref tous les mâles parmi les gens de la maison d’Abraham, et il circoncit la chair de leur prépuce, ce jour même, comme Dieu le lui avait dit. 24 Abraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans lorsqu’on circoncit la chair de son prépuce 25 et Ismaël, son fils, était âgé de treize ans lorsqu’on circoncit la chair de son prépuce. 26 Ce jour même furent circoncis Abraham et son fils Ismaël, 27 et tous les hommes de sa maison, enfants de la maison ou acquis d’un étranger à prix d’argent, furent circoncis avec lui.

L’apparition de Mambré.l

18 Yahvé lui apparut aux Chênes de Mambré, tandis qu’il était assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour.

l Dans leur forme finale, les chap. 18-19 sont un récit de tradition yahviste qui narre une apparition de Yahvé (vv. 1, 10-11, 13, 22) accompagné de deux « hommes » qui, d’après 19.1, 15, sont deux anges. Mais la forme primitive du récit a pu parler simplement de « trois hommes », ou même « trois anges » représentant Dieu, dont ils seraient les envoyés, 19.14, pour parler et agir en son nom, ce qui expliquerait le « Yahvé dit » aux moments clés du récit. Malgré cette pluralité, il y aurait à la base une conception semblable à celle du chap. 16 (cf. 13) et cela expliquerait le changement entre pluriel et singulier. Si actuellement Yahvé est l’un des trois, cela tient à des additions, 18.17-19 ; 19.1 (noter le « deux »), 27, et surtout 18.22-33, l’intercession d’Abraham. Dans ces trois hommes auxquels Abraham s’adresse au singulier, beaucoup de Pères ont vu l’annonce du mystère de la Trinité, dont la révélation est réservée au NT. Le récit prépare celui du chap. 19. Le Yahviste a recueilli et transformé une vieille légende sur la destruction de Sodome, dans laquelle interviennent trois personnages divins. Cette histoire formait le noyau d’un cycle de Lot qui fut rattaché au cycle d’Abraham.

2 Ayant levé les yeux, voilà qu’il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui ; dès qu’il les vit, il courut de l’entrée de la tente à leur rencontre et se prosterna à terre.m

m Ce n’est pas une « adoration », un acte de culte, mais une simple marque d’hommage. Abraham ne reconnaît d’abord dans les visiteurs que des hôtes humains, et leur témoigne une magnifique hospitalité. Leur caractère divin ne se manifestera que progressivement, vv. 2, 9, 13, 14.

3 Il dit : « Monseigneur, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter. 4 Qu’on apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds et vous vous étendrez sous l’arbre. 5 Que j’aille chercher un morceau de pain et vous vous réconforterez le cœur avant d’aller plus loin ; c’est bien pour cela que vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais donc comme tu as dit. »

6 Abraham se hâta vers la tente auprès de Sara et dit : « Prends vite trois boisseaux de farine, de fleur de farine, pétris et fais des galettes. » 7 Puis Abraham courut au troupeau et prit un veau tendre et bon ; il le donna au serviteur qui se hâta de le préparer. 8 Il prit du caillé, du lait, le veau qu’il avait apprêté et plaça le tout devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, et ils mangèrent.

9 Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit « Elle est dans la tente. » 10 L’hôte dit : « Je reviendrai vers toi l’an prochain ; alors, ta femme Sara aura un fils. » Sara écoutait, à l’entrée de la tente, qui se trouvait derrière lui.

11 Or Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. 12 Donc, Sara rit en elle-même,n se disant : « Maintenant que je suis usée, je connaîtrais le plaisir ! Et mon mari qui est un vieillard ! »

n Allusion au nom d’Isaac, voir 17.17. Ce rire n’est pas un manque de foi Sara ne connaît pas encore l’identité de l’hôte, qu’elle devinera au v. 15, d’où alors sa crainte.

13 Mais Yahvé dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri, se disant : Vraiment, vais-je encore enfanter, alors que je suis devenue vieille ? 14 Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? À la même saison l’an prochain, je reviendrai chez toi et Sara aura un fils. » 15 Sara démentit : « Je n’ai pas ri », dit-elle, car elle avait peur, mais il répliqua : « Si, tu as ri. »

16 Les hommes se levèrent de là et se dirigèrent vers Sodome. Abraham marchait avec eux pour les reconduire.

L’intercession d’Abraham.

17 Yahvé s’était dit : « Vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire, 18 alors qu’Abraham deviendra une nation grande et puissante et que par lui se béniront toutes les nations de la terre ? 19 Car je l’ai distingué, pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de Yahvé en accomplissant la justice et le droit ; de la sorte, Yahvé réalisera pour Abraham ce qu’il lui a promis. » 20 Donc, Yahvé dit : « Le cri contre Sodome et Gomorrhe est bien grand ! Leur péché est bien grave ! 21 Je vais descendre pour voir s’ils ont fait touto ce qu’indique le cri qui est monté vers moi ; sinon, je le saurai. »

o « tout » kullah conj. ; « anéantissement » kalah hébr.

22 Les hommes partirentp de là et allèrent à Sodome. Abraham se tenait encore devant Yahvé.

p Les deux « hommes », distingués de Yahvé qui reste avec Abraham. On dira plus loin, 19.1, qu’ils sont des Anges.

23 Abraham s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le pécheur ? 24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les supprimer et ne pardonneras-tu pas à la cité pour les cinquante justes qui sont dans son sein ?q

q Problème de tous les temps les bons doivent-ils souffrir avec les méchants, et à cause d’eux ? Si fort était, dans l’ancien Israël, le sentiment de la responsabilité collective, qu’on ne se demande pas ici si les justes pourraient être individuellement épargnés. En fait, Dieu sauvera Lot et sa famille, 19.15-16 ; mais le principe de la responsabilité individuelle ne sera dégagé que dans Dt 7.10 ; 24.16 ; Jr 31.29-30 ; Ez 14.12s et 18, voir les notes. Abraham demande seulement, tous devant subir le même sort, si quelques justes n’obtiendront pas le pardon de beaucoup de coupables. Les réponses de Yahvé sanctionnent le rôle sauveur des saints dans le monde. Mais, dans son marchandage de miséricorde, Abraham n’ose pas descendre au-dessous de dix justes. D’après Jr 5.1 et Ez 22.30, Dieu pardonnerait à Jérusalem s’il n’y trouvait qu’un juste. Enfin, en Isa 53, c’est la souffrance du seul Serviteur qui doit sauver tout le peuple, mais cette annonce ne sera comprise que lorsqu’elle sera réalisée par le Christ.

25 Loin de toi de faire cette chose-là ! de faire mourir le juste avec le pécheur, en sorte que le juste soit traité comme le pécheur. Loin de toi ! Est-ce que le juge de toute la terre ne rendra pas justice ? »r

r Cf. Rm 3.6. Il y a plus d’injustice à condamner quelques innocents qu’à épargner une multitude de coupables.

26 Yahvé répondit : « Si je trouve à Sodome cinquante justes dans la ville, je pardonnerai à toute la cité à cause d’eux. »

27 Abraham reprit : « Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. 28 Mais peut-être, des cinquante justes en manquera-t-il cinq : feras-tu, pour cinq, périr toute la ville ? » Il répondit : « Non, si j’y trouve quarante-cinq justes. » 29 Abraham reprit encore la parole et dit : « Peut-être n’y en aura-t-il que quarante », et il répondit : « Je ne le ferai pas, à cause des quarante. »

30 Abraham dit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas et que je puisse parler : peut-être s’en trouvera-t-il trente », et il répondit : « Je ne le ferai pas, si j’en trouve trente. » 31 Il dit : « Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur : peut-être s’en trouvera-t-il vingt », et il répondit : « Je ne détruirai pas, à cause des vingt. » 32 Il dit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas et je parlerai une dernière fois : peut-être s’en trouvera-t-il dix », et il répondit : « Je ne détruirai pas, à cause des dix. »

33 Yahvé, ayant achevé de parler à Abraham, s’en alla, et Abraham retourna chez lui.s

s Il reviendra le lendemain, pour voir, 19.27.

La destruction de Sodome.t

19 Quand les deux Anges arrivèrent à Sodome sur le soir, Lot était assis à la porte de la ville. Dès que Lot les vit, il se leva à leur rencontre et se prosterna, face contre terre.

t Ce récit se relie au chap. 18, où il est préparé, 18.16-32. Le même mystère enveloppe les protagonistes les « deux Anges » de 19.1 sont les « hommes » qui étaient partis d’auprès d’Abraham, 18.22, 33. L’addition de l’intercession d’Abraham réduit leur nombre à deux, v. 1, puisque Yahvé est resté avec Abraham, 18.22b-33a. Le reste du chapitre parle encore d’« hommes », sauf au v. 15. Ils parlent, ou on leur parle, tantôt au pluriel et tantôt au singulier comme représentants de Yahvé, qui n’intervient pas en personne. Dans ce vieux texte s’affirment déjà le caractère moral de la religion d’Israël et le pouvoir universel de Yahvé. La terrible leçon sera souvent évoquée, voir en particulier Dt 29.22 ; Isa 1.9 ; 13.19 ; Jr 49.18 ; 50.40 ; Am 4.11 ; Sg 10.6-7 ; Mt 10.15 ; 11.23-24 ; Lc 17.28s ; 2 P 2.6 ; Jude 7.

2 Il dit : « Je vous en prie, Messeigneurs ! Veuillez descendre chez votre serviteur pour y passer la nuit et vous laver les pieds, puis au matin vous reprendrez votre route », mais ils répondirent : « Non, nous passerons la nuit sur la place. » 3 Il les pressa tant qu’ils allèrent chez lui et entrèrent dans sa maison. Il leur prépara un repas, fit cuire des pains sans levain, et ils mangèrent.

4 Ils n’étaient pas encore couchés que la maison fut cernée par les hommes de la ville, les gens de Sodome, depuis les jeunes jusqu’aux vieux, tout le peuple sans exception. 5 Ils appelèrent Lot et lui dirent : « Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Amène-les-nous pour que nous en abusions. »u

u Le vice contre nature, qui tire son nom de ce récit, était abominable aux Israélites, Lv 18.22, et puni de mort, Lv 20.13, mais il était répandu autour d’eux, Lv 20.23. Cf. Jg 19.22s.

6 Lot sortit vers eux à l’entrée et, ayant fermé la porte derrière lui, 7 il dit : « Je vous en supplie, mes frères, ne commettez pas le mal ! 8 Écoutez : j’ai deux filles qui sont encore vierges, je vais vous les amener : faites-leur ce qui vous semble bon,v mais, pour ces hommes, ne leur faites rien, puisqu’ils sont entrés sous l’ombre de mon toit. »

v L’honneur d’une femme avait alors moins de prix, 12.13, cf. 12.10, que le devoir sacré de l’hospitalité.

9 Mais ils dirent : « Ote-toi de là ! » Et ils ajoutèrent : « En voilà un qui est venu en étranger, et il fait le juge ! Eh bien, nous te ferons plus de mal qu’à eux ! » Ils le pressèrent fort, lui Lot, et s’approchèrent pour briser la porte. 10 Mais les hommes sortirent le bras, firent rentrer Lot auprès d’eux dans la maison et refermèrent la porte. 11 Quant aux hommes qui étaient à l’entrée de la maison, ils les frappèrent de berlue, du plus petit jusqu’au plus grand, et ils n’arrivaient pas à trouver l’ouverture.

12 Les hommes dirent à Lot : « As-tu encore quelqu’un ici ? Un gendre, tes fils, tes filles, tous les tiens qui sont dans la ville, fais-les sortir de ce lieu. 13 Nous allons en effet détruire ce lieu, car grand est le cri qui s’est élevé contre eux à la face de Yahvé, et Yahvé nous a envoyés pour les exterminer. » 14 Lot alla parler à ses futurs gendres, qui devaient épouser ses filles : « Debout, dit-il, quittez ce lieu, car Yahvé va détruire la ville. » Mais ses futurs gendres crurent qu’il plaisantait.

15 Lorsque pointa l’aurore, les Anges insistèrent auprès de Lot, en disant : « Debout ! prends ta femme et tes deux filles qui se trouvent là, de peur d’être emporté par le châtiment de la ville. » 16 Et comme il hésitait, les hommes le prirent par la main, ainsi que sa femme et ses deux filles, pour la pitié que Yahvé avait de lui. Ils le firent sortir et le laissèrent en dehors de la ville.

17 Comme ils le menaient dehors, il dit : « Sauve-toi, sur ta vie ! Ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête nulle part dans la Plaine, sauve-toi à la montagne, pour n’être pas emporté ! » 18 Lot leur répondit : « Non, je t’en prie, Monseigneur !

19 Ton serviteur a trouvé grâce à tes yeux et tu as montré une grande miséricorde à mon égard en m’assurant la vie. Mais moi, je ne puis pas me sauver à la montagne sans que m’atteigne le malheur et que je meure. 20 Voilà cette ville, assez proche pour y fuir, et elle est peu de chose. Permets que je m’y sauve — est-ce qu’elle n’est pas peu de chose ? — et que je vive ! » 21 Il lui répondit : « Je te fais encore cette grâce de ne pas renverser la ville dont tu parles. 22 Vite, sauve-toi là-bas, car je ne puis rien faire avant que tu n’y sois arrivé. » C’est pourquoi on a donné à la ville le nom de Çoar.w

w On rattache ici Çoar à miçe`ar « peu de chose, un rien ». La ville existait au sud-est de la mer Morte, 13.10 ; Dt 34.3 ; Isa 15.5 ; Jr 48.34. À l’époque romaine, un nouveau séisme livra aux eaux la ville, qui fut reconstruite plus haut et habitée jusqu’au Moyen Âge.

23 Au moment où le soleil se levait sur la terre et que Lot entrait à Çoar, 24 Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yahvé, depuis le ciel, 25 et il renversa ces villes et toute la Plaine, tous ses habitants et la végétation du sol.x

x Le texte permet de situer le cataclysme dans la région méridionale de la mer Morte. De fait, l’affaissement de la partie sud de la mer Morte est géologiquement récent, et la région est restée instable jusqu’à l’époque moderne. Outre Sodome et Gomorrhe (Am 4.11 ; Isa 1.9, 10), les villes maudites sont Adma et Çeboyim (14 ; Dt 29.22 ; Os 11.8).

26 Or la femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une colonne de sel.y

y Explication populaire d’un roc de forme capricieuse ou d’un bloc salin.

27 Levé de bon matin, Abraham vint à l’endroit où il s’était tenu devant Yahvé

28 et il jeta son regard sur Sodome, sur Gomorrhe et sur toute la Plaine, et voici qu’il vit la fumée monter du pays comme la fumée d’une fournaise !

29 Ainsi, lorsque Dieu détruisit les villes de la Plaine, il s’est souvenu d’Abraham et il a retiré Lot du milieu de la catastrophe, dans le renversement des villes où habitait Lot.z

z Ce v. est de tradition sacerdotale (voir 8.1 Dieu se souvient) ou rédactionnel.

Origine des Moabites et des Ammonites.a

30 Lot monta de Çoar et s’établit dans la montagne avec ses deux filles, car il n’osa pas rester à Çoar. Il s’installa dans une grotte, lui et ses deux filles.

a Cet appendice reproduit une tradition des Moabites et des Ammonites, cf. Nb 20.23, qui pouvaient tirer gloire d’une telle origine. Comme Tamar, 38, les filles de Lot ne sont pas présentées comme impudiques ; elles veulent avant tout perpétuer la race. Le v. 31 suppose que Lot et ses filles sont les seuls survivants de la catastrophe. L’histoire de Sodome, détruite pour le péché de ses habitants, peut avoir été primitivement un parallèle transjordanien au récit du déluge.

31 L’aînée dit à la cadette : « Notre père est âgé et il n’y a pas d’homme dans le pays pour s’unir à nous à la manière de tout le monde. 32 Viens, faisons boire du vin à notre père et couchons avec lui ; ainsi, de notre père, nous susciterons une descendance. » 33 Elles firent boire, cette nuit-là, du vin à leur père, et l’aînée vint s’étendre près de son père, qui n’eut conscience ni de son coucher ni de son lever. 34 Le lendemain, l’aînée dit à la cadette : « La nuit dernière, j’ai couché avec mon père ; faisons-lui boire du vin encore cette nuit et va coucher avec lui ; ainsi, de notre père nous susciterons une descendance. » 35 Elles firent boire du vin à leur père encore cette nuit-là, et la cadette s’étendit auprès de lui, qui n’eut conscience ni de son coucher ni de son lever. 36 Les deux filles de Lot devinrent enceintes de leur père. 37 L’aînée donna naissance à un fils et elle l’appela Moab ; c’est l’ancêtre des Moabites d’aujourd’hui. 38 La cadette aussi donna naissance à un fils et elle l’appela Ben-Ammi ; c’est l’ancêtre des Bené-Ammon d’aujourd’hui.b

b Étymologies populaires Moab est expliqué me’ab « issu du père » ; ben`ammi « fils de mon parent » est rapproché de Benê `Ammôn « les fils d’Ammon ».

Abraham à Gérar.c

20 Abraham partit de là pour le pays du Négeb et demeura entre Cadès et Shur. Il vint séjourner à Gérar.

c Doublet de tradition élohiste de 12.10-20 (voir aussi 26.1-11), adouci par plusieurs traits d’une morale plus évoluée.

2 Abraham dit de sa femme Sara : « C’est ma sœur » et Abimélek, le roi de Gérar, fit enlever Sara. 3 Mais Dieu visita Abimélek en songe, pendant la nuit, et lui dit : « Tu vas mourir à cause de la femme que tu as prise, car elle est une femme mariée. » 4 Abimélek, qui ne s’était pas approché d’elle, dit : « Mon Seigneur, vas-tu aussi tuer un innocent ?d

d Texte corrigé avant « un innocent », on supprime « nation » introduit par dittographie.

5 N’est-ce pas lui qui m’a dit : « C’est ma sœur », et elle, oui elle-même, a dit : « C’est mon frère » ? C’est avec une bonne conscience et des mains pures que j’ai fait cela ! » 6 Dieu lui répondit dans le songe : « Moi aussi je sais que tu as fait cela en bonne conscience, et c’est encore moi qui t’ai retenu de pécher contre moi ; aussi n’ai-je pas permis que tu la touches. 7 Maintenant, rends la femme de cet homme : il est prophètee et il intercédera pour toi afin que tu vives. Mais si tu ne la rends pas, sache que tu mourras sûrement, avec tous les tiens. »f

e Au sens large d’homme ayant des relations privilégiées avec Dieu, qui font de lui une personne inviolable, Ps 105.15, et un intercesseur puissant, cf. Dt 34.10 ; Nb 11.2 ; 21.7.

f Littéralement « avec tout ce qui t’appartient ».

8 Abimélek se leva tôt et appela tous ses serviteurs. Il leur raconta toute cette affaire et les hommes eurent grand-peur. 9 Puis Abimélek appela Abraham et lui dit : « Que nous as-tu fait ? Quelle offense ai-je commise contre toi pour que tu attires une si grande faute sur moi et sur mon royaume ? Tu as agi à mon égard comme on ne doit pas agir. » 10 Et Abimélek dit à Abraham : « Qu’est-ce qui t’a pris d’agir ainsi ? » 11 Abraham répondit : « Je me suis dit : Pour sûr, il n’y a aucune crainte de Dieu dans cet endroit, et on va me tuer à cause de ma femme.

12 Et puis, elle est vraiment ma sœur, la fille de mon père mais non la fille de ma mère, et elle est devenue ma femme. 13 Alors, quand Dieu m’a fait errer loin de ma famille, je lui ai dit : Voici la faveur que tu me feras : partout où nous arriverons, dis de moi que je suis ton frère. »

14 Abimélek prit du petit et du gros bétail, des serviteurs et des servantes et les donna à Abraham, et il lui rendit sa femme Sara. 15 Abimélek dit aussi : « Vois mon pays qui est ouvert devant toi. Établis-toi où bon te semble. » 16 À Sara il dit : « Voici mille pièces d’argent que je donne à ton frère. Ce sera pour toi comme un voile jeté sur les yeux de tous ceux qui sont avec toi. »g

g Le texte de la fin du v. est corrompu ; en changeant le texte on propose souvent de traduire « et en tout cela tu es justifiée ». La somme d’argent est une réparation.

17 Abraham intercéda auprès de Dieu et Dieu guérit Abimélek, sa femme et ses servantes, pour qu’ils puissent avoir des enfants.h

h Abimélek et son harem avaient été frappés d’impuissance et de stérilité. — Le v. 18 est une glose.

18 Car Yahvé avait rendu stérile tout sein de la maison d’Abimélek, à cause de Sara, femme d’Abraham.

Naissance d’Isaac.i

21 Yahvé visita Sara comme il avait dit et il fit pour elle comme il avait promis.

i Passage complexe où sont probablement unifiés des éléments de tradition yahviste (vv. 1a, 2a et 7, suite de 18.15), élohiste (1 et 6) et sacerdotale (vv. 2 et 3-5, continuation de 17.21).

2 Sara conçut et enfanta un fils à Abraham déjà vieux, au temps que Dieu lui avait dit. 3 Au fils qui lui naquit, enfanté par Sara, Abraham donna le nom d’Isaac. 4 Abraham circoncit son fils Isaac, quand il eut huit jours, comme Dieu lui avait ordonné. 5 Abraham avait cent ans lorsque lui naquit son fils Isaac. 6 Et Sara dit : « Dieu m’a donné de quoi rire, tous ceux qui l’apprendront me souriront. »j

j Toujours le jeu de mots sur le nom d’Isaac, cf. 17.17 ; c’est maintenant un rire de joie.

7 Elle dit aussi :

« Qui aurait dit à Abraham
que Sara allaiterait des enfants !
car j’ai donné un fils à sa vieillesse. »

Renvoi d’Agar et d’Ismaël.k

8 L’enfant grandit et fut sevré, et Abraham fit un grand festin le jour où l’on sevra Isaac.

k Si ce récit continuait celui de 16, on devrait conclure de 16.16 ; 21.5 qu’Ismaël avait plus de quinze ans, alors qu’il paraît ici comme un petit enfant à peine plus âgé qu’Isaac. Ce récit est un parallèle élohiste au récit yahviste de 16. Les deux se rattachent à un puits du désert de Bersabée et expliquent les rapports de parenté entre les Ismaélites et les Israélites descendants d’Isaac. Mais les circonstances du renvoi d’Agar et l’attitude de tous les personnages sont différents.

9 Or Sara aperçut le fils né à Abraham de l’Égyptienne Agar, qui jouait,l

l Encore une allusion au nom d’Isaac, cf. 17.17, le même verbe signifiant « rire » et « jouer ». Grec et Vulg. ajoutent « avec son fils Isaac ».

10 et elle dit à Abraham : « Chasse cette servante et son fils, il ne faut pas que le fils de cette servante hérite avec mon fils Isaac. » 11 Cette parole déplut beaucoup à Abraham, à propos de son fils, 12 mais Dieu lui dit : « Ne te chagrine pas à cause du petit et de ta servante, tout ce que Sara te demande, accorde-le, car c’est par Isaac qu’une descendance perpétuera ton nom, 13 mais du fils de la servante je ferai une nationm car il est de ta race. »

m Sam. et les versions anciennes lisent « une grande nation » ; cf. v. 18.

14 Abraham se leva tôt, il prit du pain et une outre d’eau qu’il donna à Agar, et il mit l’enfant sur son épaule, puis il la renvoya.

Elle s’en fut errer au désert de Bersabée. 15 Quand l’eau de l’outre fut épuisée, elle jeta l’enfant sous un buisson 16 et elle alla s’asseoir vis-à-vis, loin comme une portée d’arc. Elle se disait en effet : « Je ne veux pas voir mourir l’enfant ! » Elle s’assit vis-à-vis et elle se mit à crier et à pleurer.

17 Dieu entendit les cris du petit et l’Ange de Dieu appela du ciel Agar et lui dit : « Qu’as-tu, Agar ? Ne crains pas, car Dieu a entendun les cris du petit, là où il était.

n Allusion au nom d’Ismaël, voir 16.11.

18 Debout ! soulève le petit et tiens-le ferme, car j’en ferai une grande nation. » 19 Dieu dessilla les yeux d’Agar et elle aperçut un puits. Elle alla remplir l’outre et fit boire le petit.

20 Dieu fut avec lui, il grandit et demeura au désert, et il devint un tireur d’arc.

21 Il demeura au désert de Parân et sa mère lui choisit une femme du pays d’Égypte.

Abraham et Abimélek à Bersabée.o

22 En ce temps-là, Abimélek et Pikol, chef de son armée, dirent à Abraham : « Dieu est avec toi en tout ce que tu fais.

o Récit de tradition élohiste sauf peut-être le v. 33 qui combine deux explications du nom de Bersabée Be’er Sheba`, « le Puits du Serment » ou « le Puits des Sept (brebis) » ; cf. encore 26.33. La mention des Philistins, vv. 32 et 34, reflète une époque où ceux-ci habitent le sud de la plaine côtière, cf. Jos 13.2.

23 Maintenant, jure-moi ici par Dieu que tu ne me tromperas pas, ni mon lignage et parentage, et que tu auras pour moi et pour ce pays où tu es venu en hôte la même bienveillance que j’ai eue pour toi. » 24 Abraham répondit : « Oui, je le jure ! »

25 Abraham fit reproche à Abimélek à propos du puits que les serviteurs d’Abimélek avaient usurpé. 26 Et Abimélek répondit : « Je ne sais pas qui a pu faire cela : toi-même ne m’en as jamais informé et moi-même je n’en ai rien appris qu’aujourd’hui. » 27 Abraham prit du petit et du gros bétail et le donna à Abimélek, et tous les deux conclurent une alliance. 28 Abraham mit à part sept brebis du troupeau, 29 et Abimélek lui demanda : « Que font là ces sept brebis que tu as mises à part ? » 30 Il répondit : « C’est pour que tu acceptes de ma main ces sept brebis, afin qu’elles soient un témoignage que j’ai bien creusé ce puits. » 31 C’est ainsi qu’on appela ce lieu Bersabée, parce qu’ils y avaient tous deux prêté serment.

32 Ils conclurent une alliance à Bersabée. Abimélek et Pikol, chef de son armée, se levèrent et ils retournèrent au pays des Philistins. 33 Abraham planta un tamaris à Bersabée et il y invoqua le nom de Yahvé, Dieu d’Éternité.

34 Abraham séjourna longtemps au pays des Philistins.

Le sacrifice d’Abraham.p

22 Après ces événements, il arriva que Dieu éprouva Abraham et lui dit : « Abraham ! »q Il répondit : « Me voici ! »

p Récit probablement de tradition élohiste, vv. 1-14 et 19, où, par respect de la tradition, on garde le nom de Yahvé, vv. 11 et 14. Les vv. 15-18 sont une addition. À l’origine peut se trouver un récit de fondation de sanctuaire israélite où, à la différence des sanctuaires cananéens, on n’offrait pas de victimes humaines. Le récit actuel justifie la prescription rituelle du rachat des premiers-nés d’Israël ceux-ci, comme toutes les prémices, appartiennent à Dieu, toutefois ils ne doivent pas être sacrifiés mais rachetés, Ex 13.11. Le récit implique donc la condamnation, maintes fois prononcée par les Prophètes, des sacrifices d’enfants, voir Lv 18.21. Il y ajoute une leçon spirituelle plus haute l’exemple de la foi d’Abraham qui trouve ici son point culminant. Les Pères ont vu dans le sacrifice d’Isaac la figure de la Passion de Jésus, le Fils unique.

q Sam. et les versions anciennes ont un double appel, assez habituel (cf. v. 11 ; Ex 3.4 ; etc.).

2 Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t’en au pays de Moriyya,r et là tu l’offriras en holocauste sur une montagne que je t’indiquerai. »

r 2 Ch 3.1 identifie Moriyya avec la colline où s’élèvera le Temple de Jérusalem. La tradition postérieure a adopté cette localisation, mais le texte parle d’un pays de Moriyya dont le nom n’apparaît pas ailleurs ; le lieu du sacrifice reste inconnu.

3 Abraham se leva tôt, sella son âne et prit avec lui deux de ses serviteurs et son fils Isaac. Il fendit le bois de l’holocauste et se mit en route pour l’endroit que Dieu lui avait dit. 4 Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l’endroit de loin. 5 Abraham dit à ses serviteurs : « Demeurez ici avec l’âne. Moi et l’enfant nous irons jusque là-bas, nous adorerons et nous reviendrons vers vous. »

6 Abraham prit le bois de l’holocauste et le chargea sur son fils Isaac, lui-même prit en mains le feu et le couteau et ils s’en allèrent tous deux ensemble. 7 Isaac s’adressa à son père Abraham et dit : « Mon père ! » Il lui répondit : « Me voici, mon fils ! » Il reprit : « Voici le feu et le bois, mais où est l’agneau pour l’holocauste ? » 8 Abraham répondit : « C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste, mon fils », et ils s’en allèrent tous deux ensemble.

9 Quand ils furent arrivés à l’endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham y éleva l’autel et disposa le bois, puis il lia son fils Isaac et le mit sur l’autel, par-dessus le bois. 10 Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils.

11 Mais l’Ange de Yahvé l’appela du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » 12 L’Ange dit : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » 13 Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s’était pris par les cornes dans un buisson, et Abraham alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. 14 À ce lieu, Abraham donna le nom de « Yahvé pourvoit », en sorte qu’on dit aujourd’hui : « Sur la montagne, Yahvé apparaît. »s

s On s’attendrait à « Yahvé pourvoit », lecture du grec pour qu’il y ait correspondance avec le nom donné peu avant, lui-même en rapport avec ce que, d’avance, Abraham avait dit, v. 8.

15 L’Ange de Yahvé appela une seconde fois Abraham du ciel 16 et dit : « Je jure par moi-même, parole de Yahvé : parce que tu as fait cela, que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, 17 je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable qui est sur le bord de la mer, et ta postérité conquerra la portet de ses ennemis.

t C’est-à-dire leurs villes, comme interprète le grec ; cf. 24.60.

18 Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m’as obéi. »

19 Abraham revint vers ses serviteurs et ils se mirent en route ensemble pour Bersabée. Abraham résida à Bersabée.

La descendance de Nahor.u

20 Après ces événements, on annonça à Abraham que Milka elle aussi avait enfanté des fils à son frère Nahor :

u Liste, probablement de tradition yahviste, des fils de Nahor, 11.29 ; cf. les douze fils d’Ismaël, 25.13, et de Jacob, 29.32-30.24 ; 35.22s. Ce sont peut-être les ancêtres des Araméens, mais le v. 21 dit seulement que Qemuel, l’un des douze, est le père d’Aram. Une autre tradition, donnée en 10.23, parle de quatre fils d’Aram, fils de Sem, mais Uç est le seul nom commun aux deux listes.

21 son premier-né Uç, Buz, le frère de celui-ci, Qemuel, père d’Aram, 22 Késed, Hazo, Pildash, Yidlaph, Bétuel

23 (et Bétuel engendra Rébecca). Ce sont les huit enfants que Milka donna à Nahor, le frère d’Abraham. 24 Il avait une concubine, nommée Réuma, qui eut aussi des enfants : Tébah, Gaham, Tahash et Maaka.

La tombe des Patriarches.v

23 La vie de Sara fut de cent vingt-sept answ — durée de la vie de Sara —

v Récit de tradition sacerdotale. Si Abraham obtient un titre de propriété et un droit de cité en Canaan, la promesse de la terre, 17.8 ; Ex 6.4, mais aussi 12.7 ; 13.15 ; 15.7s, commence à se réaliser. Sauf pour qualifier Éphrôn, le texte parle systématiquement des « fils de Hèt ». On s’interroge sur leur relation avec les Hittites, peuple qui habitait l’Asie Mineure au IIe millénaire ; les « royaumes néo-Hittites », au début du premier millénaire, s’étendaient à la Syrie du Nord. Mais, ailleurs, l’Ancien Testament mentionne les Hittites avec d’autres peuples de Canaan (cf. 15.20 ; Dt 7.1) que Dieu dépossède pour donner leur pays à la descendance d’Abraham.

w La précision « durée de la vie de Sara » est une surcharge absente du grec et de la Vulgate.

2 et elle mourut à Qiryat-Arba — c’est Hébron — au pays de Canaan. Abraham entra faire le deuil de Sara et la pleurer.

3 Puis Abraham se leva de devant son mort et parla ainsi aux fils de Hèt : 4 « Je suis chez vous un étranger et un résident. Accordez-moi chez vous une possession funéraire pour que j’enlève mon mort et l’enterre. » 5 Les fils de Hèt firent cette réponse à Abraham : 6 « Monseigneur, écoute-nous plutôt ! Tu es un prince de Dieu parmi nous : enterre ton mort dans la meilleure de nos tombes ; personne ne te refusera sa tombe pour que tu puisses enterrer ton mort. »

7 Abraham se leva et s’inclina devant les gens du pays, les fils de Hèt, 8 et il leur parla ainsi : « Si vous consentez que j’enlève mon mort et que je l’enterre, écoutez-moi et intercédez pour moi auprès d’Éphrôn, fils de Çohar, 9 pour qu’il me cède la grotte de Makpéla, qui lui appartient et qui est à l’extrémité de son champ. Qu’il me la cède pour sa pleine valeur, en votre présence, comme possession funéraire. » 10 Or Éphrôn était assis parmi les fils de Hèt, et Éphrôn le Hittite répondit à Abraham au su des fils de Hèt, de tous ceux qui franchissaient la porte de sa ville : 11 « Non, Monseigneur, écoute-moi ! Je te donne le champ et je te donne aussi la grotte qui y est, je te fais ce don au vu des fils de mon peuple. Enterre ton mort. »

12 Abraham s’inclina devant les gens du pays 13 et il parla ainsi à Éphrôn, au su des gens du pays : « Si seulement tu voulais m’écouter ! Je donne le prix du champ, accepte-le de moi, et j’enterrerai là mon mort. » 14 Éphrôn répondit à Abraham : 15 « Monseigneur, écoute-moi plutôt : une terre de quatre cents sicles d’argent, entre moi et toi, qu’est-ce que cela ? Enterre ton mort. » 16 Abraham donna son consentement à Éphrôn et Abraham pesa à Éphrôn l’argent dont il avait parlé au su des fils de Hèt, soit quatre cents sicles d’argent ayant cours chez le marchand.

17 Ainsi le champ d’Éphrôn, qui est à Makpéla, vis-à-vis de Mambré, le champ et la grotte qui y est sise, et tous les arbres qui sont dans le champ, dans sa limite, 18 passèrent en propriété à Abraham au vu des fils de Hèt, de tous ceux qui franchissaient la porte de sa ville. 19 Puis Abraham enterra Sara, sa femme, dans la grotte du champ de Makpéla, vis-à-vis de Mambré — c’est Hébron —, au pays de Canaan. 20 C’est ainsi que le champ et la grotte qui y est sise furent acquis à Abraham des fils de Hèt comme possession funéraire.

Mariage d’Isaac.x

24 Abraham était alors un vieillard avancé en âge, et Yahvé avait béni Abraham en tout.

x Dernier récit sur Abraham, de tradition yahviste, mais quelques incohérences manifestent que le texte a été retravaillé. Les vv. 1-9 permettent de supposer que le patriarche est sur son lit de mort, cf. 47.29-31, et le serviteur, à son retour, vv. 62-67, ne trouve plus qu’Isaac ; il habite à un autre endroit. Rébecca, d’après le v. 48 (cf. 29.5), est la fille de Nahor, mais une autre tradition en fait la fille de Bétuel, 25.20 ; 28.2, 5, fils de Nahor, 22.22-23. C’est pourquoi Bétuel a été introduit dans le récit, vv. 15, 24, 47 et 50. Mais c’est Laban, frère de Rébecca, v. 29, et fils de Nahor, 29.5, qui agit comme chef de famille.

2 Abraham dit au plus vieux serviteur de sa maison, le régisseur de tous ses biens : « Mets ta main sous ma cuisse.y

y Même geste 47.29, pour rendre le serment infrangible par un contact avec les parties vitales. Le serviteur anonyme est identifié par la tradition avec Éliézer, 15.2, mais ce texte est corrompu.

3 Je te fais jurer par Yahvé, le Dieu du ciel et de la terre, que tu ne prendras pas pour mon fils une femme parmi les filles des Cananéens au milieu desquels j’habite.

4 Mais tu iras dans mon pays, dans ma parenté, et tu choisiras une femme pour mon fils Isaac. » 5 Le serviteur lui demanda : « Peut-être la femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays-ci : faudra-t-il que je ramène ton fils dans le pays d’où tu es sorti ? » 6 Abraham lui répondit : « Garde-toi bien de ramener mon fils là-bas. 7 Yahvé, Dieu du ciel, qui m’a pris de ma maison paternelle et du pays de ma parenté, qui m’a dit et qui m’a juré qu’il donnerait ce pays-ci à ma descendance, Yahvé enverra son Ange devant toi, pour que tu prennes une femme de là-bas pour mon fils. 8 Et si la femme ne veut pas te suivre, tu seras quitte du serment que je t’impose. En tout cas, ne ramène pas mon fils là-bas. » 9 Le serviteur mit sa main sous la cuisse de son maître Abraham et il lui prêta serment pour cette affaire.

10 Le serviteur prit dix des chameaux de son maître et, emportant de tout ce que son maître avait de bon, il se mit en route pour l’Aram Naharayim,z pour la ville de Nahor.

z C’est-à-dire « l’Aram des Fleuves » la Haute-Mésopotamie, où se trouvait Harân, résidence des parents d’Abraham, 11.31.

11 Il fit agenouiller les chameaux en dehors de la ville, près du puits, à l’heure du soir, à l’heure où les femmes sortent pour puiser. 12 Et il dit : « Yahvé, Dieu de mon maître Abraham, sois-moi propice aujourd’hui et montre ta bienveillance pour mon maître Abraham ! 13 Je me tiens près de la source et les filles des gens de la ville sortent pour puiser de l’eau.

14 « La jeune fille à qui je dirai : « Incline donc ta cruche, que je boive » et qui répondra : « Bois et j’abreuverai aussi tes chameaux », ce sera celle que tu as destinée à ton serviteur Isaac, et je connaîtrai à cela que tu as montré ta bienveillance pour mon maître. »

15 Il n’avait pas fini de parler que sortait Rébecca, qui était fille de Bétuel, fils de Milka, la femme de Nahor, frère d’Abraham, et elle avait sa cruche sur l’épaule. 16 La jeune fille était très belle, elle était vierge, aucun homme ne l’avait approchée. Elle descendit à la source, emplit sa cruche et remonta. 17 Le serviteur courut au-devant d’elle et dit : « S’il te plaît, laisse-moi boire un peu d’eau de ta cruche. » 18 Elle répondit : « Bois, Monseigneur » et vite elle abaissa sa cruche sur son bras et le fit boire. 19 Quand elle eut fini de lui donner à boire, elle dit : « Je vais puiser aussi pour tes chameaux, jusqu’à ce qu’ils soient désaltérés. » 20 Vite elle vida sa cruche dans l’auge, courut encore au puits pour puiser et puisa pour tous les chameaux. 21 L’homme la considérait en silence, se demandant si Yahvé l’avait ou non mené au but.

22 Lorsque les chameaux eurent fini de boire, l’homme prit un anneau d’ora pesant un demi-sicle et, à ses bras, deux bracelets pesant dix sicles d’or,

a Le sam. ajoute « qu’il mit à ses narines », peut-être d’après le v. 47.

23 et il dit : « De qui es-tu la fille ? Apprends-le-moi, je te prie. Y a-t-il de la place chez ton père pour que nous passions la nuit ? » 24 Elle répondit : « Je suis la fille de Bétuel, le fils que Milka a enfanté à Nahor » 25 et elle continua : « Il y a, chez nous, de la paille et du fourrage en quantité, et de la place pour gîter. » 26 Alors l’homme se prosterna et adora Yahvé, 27 et il dit : « Béni soit Yahvé, Dieu de mon maître Abraham, qui n’a pas ménagé sa bienveillance et sa bontéb à mon maître. Yahvé a guidé mes pas chez le frère de mon maître ! »

b C’est l’expression hesed we’emet, cf. v. 49 ; 32.11 ; 47.29 ; Ex 34.6 ; Jos 2.14 ; 2 S 2.6 ; 15.20, etc., litt. « grâce (ou miséricorde) et fidélité (ou loyauté) », qui exprime l’amour fidèle, la bienveillance sans retour de Dieu pour les hommes, la piété persévérante de l’homme envers Dieu, ou la loyauté dans l’amour de l’homme pour son prochain, cf. Os 2.21.

28 La jeune fille courut annoncer chez sa mère ce qui était arrivé. 29 Or Rébecca avait un frère qui s’appelait Laban, et Laban courut au-dehors vers l’homme, à la source. 30 Dès qu’il eut vu l’anneau et les bracelets que portait sa sœur et qu’il eut entendu sa sœur Rébecca dire : « Voilà comment cet homme m’a parlé », il alla vers l’homme et le trouva encore debout près des chameaux, à la source. 31 Il lui dit : « Viens, béni de Yahvé ! Pourquoi restes-tu dehors, quand j’ai débarrassé la maison et fait de la place pour les chameaux ? » 32 L’homme vint à la maison et Laban débâta les chameaux, il donna de la paille et du fourrage aux chameaux et, pour lui et les hommes qui l’accompagnaient, de l’eau pour se laver les pieds.

33 On lui présenta à manger, mais il dit : « Je ne mangerai pas avant d’avoir dit ce que j’ai à dire », et Laban répondit : « Parle. » 34 Il dit : « Je suis le serviteur d’Abraham. 35 Yahvé a comblé mon maître de bénédictions et celui-ci est devenu très riche : il lui a donné du petit et du gros bétail, de l’argent et de l’or, des serviteurs et des servantes, des chameaux et des ânes. 36 Sara, la femme de mon maître, lui a, quand elle était déjà vieille, enfanté un fils, auquel il a transmis tous ses biens. 37 Mon maître m’a fait prêter ce serment : « Tu ne prendras pas pour mon fils une femme parmi les filles des Cananéens dont j’habite le pays. 38 Malheur à toi si tu ne vas pas dans ma maison paternelle, dans ma famille, choisir une femme pour mon fils » ! 39 J’ai dit à mon maître : « Peut-être cette femme n’acceptera pas de me suivre », 40 et il m’a répondu : « Yahvé, en présence de qui j’ai marché, enverra son Ange avec toi, il te mènera au but et tu prendras pour mon fils une femme de ma famille, de ma maison paternelle. 41 Tu seras alors quitte de ma malédiction : tu seras allé dans ma famille et, s’ils te refusent, tu seras quitte de ma malédiction. » 42 Je suis arrivé aujourd’hui à la source et j’ai dit : « Yahvé, Dieu de mon maître Abraham, montre, je te prie, si tu es disposé à mener au but le chemin par où je vais : 43 je me tiens près de la source ; la jeune fille qui sortira pour puiser, à qui je dirai : S’il te plaît, donne-moi à boire un peu d’eau de ta cruche, 44 et qui répondra : Bois toi-même et je puiserai aussi pour tes chameaux, ce sera la femme que Yahvé a destinée au fils de mon maître. » 45 Je n’avais pas fini de parler en moi-même que Rébecca sortait, sa cruche sur l’épaule. Elle descendit à la source et puisa. Je lui dis : « Donne-moi à boire, s’il te plaît ! » 46 Vite, elle se déchargea de sa cruche et dit : « Bois, et j’abreuverai aussi tes chameaux. » J’ai bu et elle a abreuvé aussi mes chameaux. 47 Je lui ai demandé : « De qui es-tu la fille ? » Et elle a répondu : « Je suis la fille de Bétuel, le fils que Milka a donné à Nahor. » Alors j’ai mis cet anneau à ses narines et ces bracelets à ses bras, 48 et je me suis prosterné et j’ai adoré Yahvé, et j’ai béni Yahvé, Dieu de mon maître Abraham, qui m’avait conduit par un chemin de bonté prendre pour son fils la fille du frère de mon maître. 49 Maintenant, si vous êtes disposés à montrer à mon maître bienveillance et bonté, déclarez-le-moi, si non, déclarez-le-moi, pour que je me tourne à droite ou à gauche. »

50 Laban et Bétuel prirent la parole et dirent : « La chose vient de Yahvé, nous ne pouvons rien dire en bien ou en mal. 51 Rébecca est là devant toi : prends-la et pars, et qu’elle devienne la femme du fils de ton maître, comme a dit Yahvé. » 52 Lorsque le serviteur d’Abraham entendit ces paroles, il se prosterna à terre devant Yahvé. 53 Il sortit des bijoux d’argent et d’or et des vêtements, qu’il donna à Rébecca ; il fit aussi de riches cadeaux à son frère et à sa mère.

54 Ils mangèrent et ils burent, lui et les hommes qui l’accompagnaient, et ils passèrent la nuit. Le matin, quand ils furent levés, il dit : « Laissez-moi aller chez mon maître. » 55 Alors le frère et la mère de Rébecca dirent : « Que la jeune fille reste avec nous une dizaine de jours, ensuite elle partira. » 56 Mais il leur répondit : « Ne me retardez pas, puisque c’est Yahvé qui m’a mené au but : laissez-moi partir, que j’aille chez mon maître. » 57 Ils dirent : « Appelons la jeune fille et demandons-lui son avis. »

58 Ils appelèrent Rébecca et lui dirent : « Veux-tu partir avec cet homme ? » Et elle répondit : « Je veux bien. » 59 Alors ils laissèrent partir leur sœur Rébecca, avec sa nourrice, le serviteur d’Abraham et ses hommes. 60 Ils bénirent Rébecca et lui dirent :

« Notre sœur, ô toi, deviens
des milliers de myriades !
Que ta postérité conquière
la porte de ses ennemis ! »

61 Rébecca et ses servantes se levèrent, montèrent sur les chameaux et suivirent l’homme. Le serviteur prit Rébecca et partit.

62 Isaac était revenu du puits de Lahaï-Roï, et il habitait au pays du Négeb.

63 Or Isaac sortit pour se promenerc dans la campagne, à la tombée du soir, et, levant les yeux, il vit que des chameaux arrivaient.

c Mot unique de sens incertain.

64 Et Rébecca, levant les yeux, vit Isaac. Elle sauta à bas du chameau 65 et dit au serviteur : « Quel est cet homme-là, qui vient dans la campagne à notre rencontre ? » Le serviteur répondit : « C’est mon maître » ; alors elle prit son voile et se couvrit.

66 Le serviteur raconta à Isaac toute l’affaire qu’il avait faite. 67 Et Isaac introduisit Rébecca dans la tente de sa mère Sara : il la prit et elle devint sa femme et il l’aima. Et Isaac se consola de la perte de sa mère.