retour

Bible de Jérusalem

Sagesse 6-9

Que les rois recherchent donc la Sagesse.

6 f Écoutez donc, rois, et comprenez !g
Instruisez-vous, juges des confins de la terre !

f Lat. commence le chap. par une addition qui est sans doute un titre « La sagesse est meilleure que la force et l’homme prudent que le fort ». Cette addition est le v. 1 de la Vulgate.

g À la différence de 1.1, l’attention se fixe sur la condition des souverains et sur leurs responsabilités. L’horizon est nettement universaliste.

2 Prêtez l’oreille, vous qui dominez sur la multitude,
qui vous enorgueillissez de foules de nations !
3 Car c’est le Seigneur qui vous a donné la domination
et le Très-Haut le pouvoir,h
c’est lui qui examinera vos œuvres et scrutera vos desseins.

h Cette doctrine de l’origine divine du pouvoir était affirmée déjà sous différentes formes par l’Écriture, en particulier par Pr 8.15-16 ; Dn 2.37 ; 5.18 ; 1 Ch 29.12 ; Si 10.4. L’auteur lui donne plus grande rigueur (cf. aussi Rm 13.1 ; Jn 19.11) et la prolonge en faisant de tous les princes sans exception des « serviteurs » de la royauté de Dieu (v. 4).

4 Si donc, étant serviteurs de son royaume,i vous n’avez pas jugé droitement,
ni observé la loi,j
ni suivi la volonté de Dieu,

i Ou « de sa royauté ».

j D’abord la loi naturelle, dont la conscience est l’interprète, cf. Rm 2.14, mais sans doute aussi les différentes législations positives qui la précisent et que les rois païens doivent observer pour se différencier des tyrans.

5 il fondra sur vous d’une manière terrifiante et rapide.
Un jugement inexorable s’exerce en effet sur les gens haut placés ;
6 au petit, par pitié, on pardonne,
mais les puissants seront examinés puissamment.
7 Car le Maître de tous ne recule devant personne,
la grandeur ne lui en impose pas ;
petits et grands, c’est lui qui les a faits
et de tous il prend un soin pareil,
8 mais une enquête sévère attend les forts.
9 C’est donc à vous, souverains, que s’adressent mes paroles,
pour que vous appreniez la sagesse et évitiez les fautes ;
10 car ceux qui observent saintement les choses saintes seront reconnus saints,k
et ceux qui s’en laissent instruire trouveront de quoi se justifier.

k C’est-à-dire :ceux qui observent religieusement la volonté divine et qui seront reconnus « saints » lors du jugement (2.20).

11 Désirez donc mes paroles,
aspirez à elles et vous serez instruits.

La Sagesse se laisse trouver.l

12 La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas.
Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment,
elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.

l Le mot « sagesse » désigne maintenant, non seulement une doctrine (v. 9), mais la vérité divine qui brille à travers celle-ci et sollicite l’homme intérieurement, v. 13, cf. Jn 6.44 ; Ph 2.13 ; 1 Jn 4.19.

13 Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première.
14 Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner :
il la trouvera assise à sa porte.
15 La prendre à cœur est en effet la perfection de l’intelligence,
et qui veille à cause d’elle sera vite exempt de soucis.
16 Car ceux qui sont dignes d’elle, elle-même va partout les chercher
et sur les sentiers elle leur apparaît avec bienveillance,
à chaque penséem elle va au-devant d’eux.

m Ou « par toutes sortes d’inventions ».

17 n Car son commencement, c’est le désir très vrai de l’instruction,o
le souci de l’instruction, c’est l’amour,

n Les vv. 17-20 imitent librement le raisonnement grec appelé « sorite », où l’attribut de chaque proposition devient le sujet de la suivante et où la conclusion (v. 20) relie le sujet initial (ici « le désir de la Sagesse ») à l’avant-dernier attribut (ici « être près de Dieu », repris par « royauté »).

o Ou « son commencement très vrai, c’est le désir de l’instruction ».

18 l’amour, c’est l’observation de ses lois,p
l’attention aux lois, c’est la garantieq de l’incorruptibilité,

p L’amour implique l’obéissance, Ex 20.6 ; Dt 5.10 ; 11.1 ; Si 2.15 ; Jn 14.15, etc. Les « lois » de la Sagesse s’identifient avec les grandes obligations religieuses et morales contenues dans la Révélation ; peut-être encore avec des lois non écrites, dictées par la conscience et mises en lumière par la Sagesse divine.

q Le mot est employé ici au sens juridique. L’application à observer les lois de la Sagesse ne suffit pas à rendre incorruptible, mais elle crée un titre réel et incontestable à obtenir de Dieu l’incorruptibilité bienheureuse ou l’immortalité, cf. 2.23 ; 3.4.

19 et l’incorruptibilité fait qu’on est près de Dieu ;
20 ainsi le désir de la Sagesse élève à la royauté.
21 Si donc trônes et sceptres vous plaisent, souverains des peuples,
honorez la Sagesse, afin de régner à jamais.r

r Un bon nombre de mss latins ajoutent ici « aimez la lumière de la sagesse, vous tous qui êtes à la tête des peuples ». Ce v. supplémentaire dans la Vulg. (23) est, soit une glose marginale, soit un doublet.

Salomon va décrire la Sagesse.

22 Ce qu’est la Sagesse et comment elle est née, je vais l’exposer ;
je ne vous cacherai pas les mystères,
mais je suivrai ses traces depuis le début de son origine,
je mettrai sa connaissance en pleine lumière,s
sans m’écarter de la vérité.

s Allusion au secret gardé jalousement dans les religions à mystères et dans les doctrines ésotériques :la révélation était communiquée aux seuls initiés.

23 Oh ! je ne ferai pas route avec l’envie desséchante :
elle n’a rien de commun avec la Sagesse.
24 Une multitude de sages, au contraire, est le salut du monde,
un roi sensé fait la stabilité du peuple.
25 Laissez-vous donc instruire par mes paroles : vous y trouverez profit.

II. Salomon et la quête de la Sagesse

Salomon n’était qu’un homme.

7 Je suis, moi aussi, un hommet mortel, pareil à tous,
un descendant du premier être formé de la terre.
J’ai été ciselé en chair dans le ventre d’une mère,

t « un homme », omis par deux des principaux mss (B et S).

2 où, pendant dix mois,u dans le sang j’ai pris consistance,
à partir d’une semence d’homme et du plaisir, compagnon du sommeil.

u Manière antique d’exprimer que la gestation la meilleure couvre neuf mois (2 M 7.27) et entame le dixième. Sur la façon dont on se représentait la formation de l’embryon, cf. Jb 10.10.

3 À ma naissance, moi aussi j’ai aspiré l’air commun,
je suis tombé sur la terre qui nous reçoit tous pareillement,
et des pleurs, comme pour tous, furent mon premier cri.
4 J’ai été élevé dans les langes et parmi les soucis.
5 Aucun roi ne connut d’autre début d’existence :
6 même façon pour tous d’entrer dans la vie et pareille façon d’en sortir.

Estime de Salomon pour la Sagesse.

7 C’est pourquoi j’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée,
j’ai invoqué, et l’esprit de Sagesse m’est venu.
8 Je l’ai préférée aux sceptres et aux trônesv
et j’ai tenu pour rien la richesse en comparaison d’elle.

v Ce développement prend appui sur la notice de 1 R 3.11 et sur les textes sapientiaux qui exaltent la Sagesse au-dessus des biens les plus précieux, Jb 28.15-19 ; Pr 3.14-15 ; 8.10-11, 19. L’auteur explicite des valeurs appréciées surtout par les Grecs (v. 10) : la santé, cf. cependant Si 1.18 ; 30.14-16, la beauté, cf. Ps 45.3 ; Si 26.16-17 ; 36.27, et la lumière du jour, cf. Qo 11.7. Voir la lumière, c’est vivre.

9 Je ne lui ai pas égalé la pierre la plus précieuse ;
car tout l’or, au regard d’elle, n’est qu’un peu de sable,
à côté d’elle, l’argent compte pour de la boue.
10 Plus que santé et beauté je l’ai aimée
et j’ai préféré l’avoir plutôt que la lumière,
car son éclat ne connaît point de repos.
11 Mais avec elle me sont venus tous les biens
et, par ses mains, une incalculable richesse.
12 De tous ces biens je me suis réjoui, parce que c’est la Sagesse qui les amène ;w
j’ignorais pourtant qu’elle en fût la mère.x

w Ou bien « leur commande en maîtresse », en réglant leur usage.

x « la mère », litt. « la génitrice », mss grecs, lat. ; « l’origine » texte reçu.

13 Ce que j’ai appris sans fraude, je le communiquerai sans jalousie,
je ne cacherai pas sa richesse.
14 Car elle est pour les hommes un trésor inépuisable,
ceux qui l’acquièrent s’attirent l’amitié de Dieu,
recommandés par les dons qui viennent de l’instruction.y

y « l’acquièrent » mss grecs, syr. ; « en usent » texte reçu, lat. L’image sous-jacente est celle de cadeaux offerts à un haut personnage pour solliciter son amitié. Ces cadeaux « proviennent de l’instruction », cf. 3.11 ; 6.17, c’est-à-dire d’un enseignement qui règle la vie entière selon une authentique éducation morale et religieuse.

Appel à l’inspiration divine.

15 Que Dieu me donne de parler comme je l’entends
et de concevoir des pensées dignes des dons reçus,
parce qu’il est lui-même et le guide de la Sagesse
et le directeur des sages ;
16 nous sommes en effet dans sa main, et nous et nos paroles,
et toute intelligence et tout savoir pratique.
17 C’est lui qui m’a donné une connaissance infaillible des êtres,
pour connaître la structure du monde et l’activité des éléments,
18 le commencement, la fin et le milieu des temps,
les alternances des solstices et les changements des saisons,
19 les cycles de l’annéez et les positions des astres,

z « de l’année » mss grecs, lat. ; « des années » texte reçu.

20 la nature des animaux et les instincts des bêtes sauvages,
le pouvoir des esprits et les pensées des hommes,
les variétés de plantes et les vertus des racines.
21 Tout ce qui est caché et visible, je l’ai connu ;a

a Modernisant la notice de 1 R 5.9-14, l’auteur prête à Salomon le savoir que recherchait surtout la culture hellénique de son temps. Dans ce contexte, Dieu apparaît comme la source de toute vérité, et les sciences humaines sont placées sous la dépendance de sa sagesse.

22 car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse !

Éloge de la Sagesse.b

En elle est, en effet, un esprit intelligent, saint,
unique, multiple, subtil,
mobile, pénétrant, sans souillure,
clair, impassible, ami du bien, prompt,

b L’auteur prolonge ici d’une façon originale les personnifications antérieures de la Sagesse, cf. Pr 8.22. Comme il l’a annoncé, 6.22, il précise à la fois la nature et l’origine, d’abord en énumérant les caractéristiques de l’Esprit divin que la Sagesse possède en propre et qui renseignent déjà sur sa nature, vv. 22-24 (on compte 21 attributs et ce chiffre, 3 × 7, paraît intentionnel pour signifier une perfection éminente) ; ensuite en déterminant la relation de la Sagesse à Dieu, vv. 25-26, à l’aide d’images qui indiquent à la fois provenance et participation intime. Faisant de nombreux emprunts de vocabulaire à la philosophie grecque, l’auteur souligne ensuite les activités caractéristiques de la Sagesse, 7.27-8.1 et en vient à l’identifier à la providence divine, 8.1. Cet éloge de la Sagesse qui partage l’intimité de Dieu, 8.3, qui possède sa toute-puissance, 7.23, 25, 27, et collabore à son œuvre créatrice, 7.12, 22 ; 8.4, 6, annonce déjà toute une théologie de l’Esprit, qui l’habite, 7.22, et à qui elle est assimilée, 1.5 ; 9.17, et dont elle reçoit les fonctions traditionnelles, cf. Isa 11.2, mais surtout la christologie, notamment celle de saint Jean, et aussi celle de saint Paul (cf. Ep et Col) et de l’Épître aux Hébreux.

23 irrésistible, bienfaisant, ami des hommes,
ferme, sûr, sans souci,
qui peut tout, surveille tout,
pénètre à travers tous les esprits,
les intelligents, les purs, les plus subtils.
24 Car plus que tout mouvement la Sagesse est mobile ;
elle traverse et pénètre tout à cause de sa pureté.
25 Elle est en effet un effluve de la puissance de Dieu,
une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant ;
aussi rien de souillé ne s’introduit en elle.
26 Car elle est un reflet de la lumière éternelle,c
un miroir sans tache de l’activité de Dieu,
une image de sa bonté.

c La « lumière éternelle » s’identifie avec Dieu, désigné sous cet aspect. Certains textes antérieurs suggéraient déjà l’idée d’une lumière transcendante qui émane de Dieu, Ha 3.4, éclaire ses fidèles ou son peuple, Ps 27.1 ; Isa 2.5, constitue le rayonnement de sa gloire, Isa 60.1, 19-20 ; Ba 5.9, ou réside près de lui, Dn 2.22. Mais seul 1 Jn 1.5 dira explicitement que « Dieu est lumière ».

27 D’autre part étant seule, elle peut tout,
demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers
et, d’âge en âge passant en des âmes saintes,
elle en fait des amis de Dieud et des prophètes ;e

d Comme Abraham, Isa 41.8 ; 2 Ch 20.7 ; Jc 2.23, et Moïse, Ex 33.11.

e Non seulement les grands prophètes ou les scribes inspirés (Si 24.33), mais encore tous ceux qui, par leur vie sainte et leur intimité avec Dieu, pénètrent davantage dans la connaissance de ses exigences ou de ses mystères et deviennent ses « interprètes » autorisés, capables d’éclairer les autres hommes.

28 car Dieu n’aime que celui qui habite avec la Sagesse.
29 Elle est, en effet, plus belle que le soleil,
elle surpasse toutes les constellations,
comparée à la lumière, elle l’emporte ;
30 car celle-ci fait place à la nuit,
mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas.

8 Elle s’étend avec force d’un bout du monde à l’autre
et elle gouverne l’univers avec bonté.

La Sagesse épouse idéale pour Salomon.f

2 C’est elle que j’ai chérie et recherchée dès ma jeunesse ;
j’ai cherché à la prendre pour épouse
et je suis devenu amoureux de sa beauté.

f La Sagesse apparaît à présent au jeune homme comme une épouse idéale qui possède, non seulement la beauté (v. 2), mais une noblesse divine, puis (vv. 4-8) la source même du savoir, de la richesse, de l’efficacité, de la vertu et de l’expérience.

3 Elle fait éclater sa noble origine en vivant dans l’intimité de Dieu,
car le maître de tout l’a aimée.
4 Elle est, de fait, initiée à la science de Dieu
c’est elle qui décide de ce qu’il fait.
5 Si, dans la vie, la richesse est un bien désirable,
quoi de plus riche que la Sagesse, qui opère tout ?
6 Et si c’est l’intelligence qui opère,
qui est plus qu’elle l’ouvrière de ce qui est ?
7 Aime-t-on la justice ?
Ses labeurs, ce sont les vertus,g
elle enseigne, en effet, tempérance et prudence,
justice et force ;
rien de plus utile pour les hommes dans la vie.

g L’auteur reprend peut-être une interprétation allégorique de Pr 31.10-31, appliquée à la Sagesse (cf. Pr 31.30). Il énumère ensuite les quatre grandes vertus des philosophes grecs, qui deviendront plus tard les « vertus cardinales » de la théologie chrétienne.

8 Désire-t-on encore une riche expérience ?
Elle connaît le passé et conjecture l’avenir,
elle sait l’art de tournerh les maximes et de résoudre les énigmes,
les signes et les prodiges, elle les sait d’avance,
ainsi que la successioni des époques et des temps.

h Ou « d’interpréter ». — « maximes » et « énigmes » signifient des sentences morales exprimées en termes volontairement obscurs. Cf. Jg 14.12 ; Pr 1.6 ; Si 39.2-3 ; Ez 17.2. Salomon y excellait, 1 R 5.12 ; 10.1-3 ; Qo 12.9 ; Si 47.15-17. Les termes associés « signes » et « prodiges » renvoient surtout aux miracles de l’Exode, cf. 10.16. D’après l’usage grec, ils désigneraient plutôt des phénomènes naturels extraordinaires ou exceptionnels, considérés comme difficilement prévisibles.

i Ou « les résultats, les issues ». Le texte envisage donc, soit le déroulement de l’histoire, soit les temps favorables aux initiatives ou entreprises humaines, cf. Qo 3.1-8. — Cette description des compétences de la Sagesse complète le tableau de 7.17-21.

La Sagesse indispensable aux souverains.

9 Je décidai donc de la prendre pour compagne de ma vie,
sachant qu’elle me serait une conseillère pour le bien,
et un encouragement dans les soucis et la tristesse :
10 « J’aurai à cause d’elle gloire parmi les foules
et, bien que jeune, honneur auprès des vieillards.
11 On me trouvera pénétrant dans le jugement
et en présence des grands je serai admiré.
12 Si je me tais, ils m’attendront,
si je parle, ils seront attentifs,
si je prolonge mon discours, ils mettront la main sur leur bouche.j

j Attitude du silence, Pr 30.32 ; Si 5.12, sous l’effet, soit de la stupeur ou de la confusion, Mi 7.16 ; Jb 21.5 ; 40.4, soit de l’admiration, Jb 29.9.

13 J’aurai à cause d’elle l’immortalité
et je laisserai un souvenir éternel à ceux qui viendront après moi.
14 Je gouvernerai des peuples, et des nations me seront soumises.
15 En entendant parler de moi, des souverains terribles auront peur ;
je me montrerai bon avec la multitude et vaillant à la guerre.
16 Rentré dans ma maison, je me reposerai auprès d’elle ;
car la fréquenter ne cause pas d’amertume,
ni de peine, vivre en son intimité,
mais du plaisir et de la joie. »

Salomon va demander la Sagesse.

17 Ayant médité cela en moi-même,
et considéré en mon cœur
que l’immortalité se trouve dans la parenték avec la Sagesse,

k Une « parenté » conférée par grâce (cf. v. 21). L’immortalité qui en résulte est d’abord celle du souvenir (cf. v. 13), mais sans doute aussi l’immortalité personnelle (cf. 4.1) car la Sagesse doit communiquer ce qu’elle possède par nature.

18 dans son affection une noble jouissance,
dans les travaux de ses mains une richesse inépuisable,
dans sa fréquentation assidue l’intelligence,
et la renommée à s’entretenir avec elle,
j’allais de tous côtés, cherchant comment l’obtenir pour moi.
19 J’étais un enfant d’un heureux naturel,
et j’avais reçu en partage une âme bonne,
20 qui plus est : étant bon, j’étais venu dans un corps sans souillure ;l

l Ce texte n’enseigne pas la préexistence de l’âme, comme on pourrait le croire si on l’isolait du contexte. Il renchérit sur l’expression du v. 19, qui paraissait donner la priorité au corps comme sujet personnel, et souligne la prééminence de l’âme.

21 mais, comprenant que je ne pourrais devenir possesseur de la Sagesse que si Dieu me la donnait,
— et c’était déjà de l’intelligence que de savoir de qui vient la faveur —
je m’adressai au Seigneur et le priai,
et je dis de tout mon cœur :

Prière pour obtenir la Sagesse.m

9 « Dieu des Pères et Seigneur de miséricorde,n
toi qui, par ta parole, as fait l’univers,

m Cette prière s’inspire librement de celle rapportée par 1 R 3.6-9 et 2 Ch 1.8-10. Salomon y rappelle par divers traits sa condition historique, vv. 5c, 7-8, 12, mais l’horizon est élargi à la condition humaine à laquelle appartient Salomon, vv. 1-3, 5, 6, 13-17. Cette prière comprend trois sections (vv. 1-6 ; 7-12 ; 13-18), avec des correspondances mutuelles et la triple mention (4, 10, 17) de l’envoi de la Sagesse.

n « de miséricorde » mss, versions ; « de ta miséricorde » texte reçu. — Les « Pères » sont tous les ancêtres d’Israël, spécialement les Patriarches, Gn 32.10 ; 2 Ch 20.6, sans omettre David, 1 R 3.6 ; 1 Ch 28.9 ; 2 Ch 1.9.

2 toi qui, par ta Sagesse, as formé l’homme
pour dominer sur les créatures que tu as faites,
3 pour régir le monde en sainteté et justice
et exercer le jugement en droiture d’âme,
4 donne-moi celle qui partage ton trône, la Sagesse,
et ne me rejette pas du nombre de tes enfants.
5 Car je suis ton serviteur et le fils de ta servante,
un homme faible et de vie éphémère,
peu apte à comprendre la justice et les lois.
6 Quelqu’un, en effet, serait-il parfait parmi les fils des hommes,
s’il lui manque la sagesse qui vient de toi, on le comptera pour rien.

7 C’est toi qui m’as choisio pour roi de ton peuple
et pour juge de tes fils et de tes filles.

o De préférence à Adonias et à ses autres frères, 1 R 1 ; 1 Ch 28.5-6.

8 Tu m’as ordonné de bâtir un temple sur ta montagne sainte,
et un autel dans la ville où tu as fixé ta tente,
imitation de la Tente sainte que tu as préparée dès l’origine.p

p Le mot « imitation » concerne à la fois le Temple et l’autel (il s’agit de l’autel des holocaustes, visible par tous, 1 R 8.22, 54, 62-64). On identifie la « Tente sainte », préparée par Dieu lui-même, soit avec le temple céleste de Dieu, Ps 18.7 ; 96.6 ; He 8.2 ; 9.11 ; Ap 3.12, etc. (pour un autel céleste, cf. Ap 6.9 ; 8.3-4 ; 14.18), soit avec l’exemplaire divin du Temple de Jérusalem, Ex 15.17 ; 1 Ch 28.19, soit avec le sanctuaire de l’Exode, Si 24.10, exécuté d’après un modèle donné par Dieu, Ex 25.9, 40, Ac 7.44 ; He 8.5.

9 Avec toi est la Sagesse, qui connaît tes œuvres
et qui était présente quand tu faisais le monde ;
elle sait ce qui est agréable à tes yeux
et ce qui est conforme à tes commandements.
10 Mande-la des cieux saints,
de ton trône de gloire envoie-la,
pour qu’elle me seconde et peine avec moi,
et que je sache ce qui t’est vraiment agréable ;
11 car elle sait et comprend tout.
Elle me guidera prudemment dans mes actions
et me protégera par sa gloire.q

q Par sa puissance, cf. Rm 6.4. Ou « elle me gardera dans sa gloire » en me guidant à sa lumière cf. Isa 60.1-3 ; Ba 5.7, 9, ou en m’enveloppant comme d’une nuée protectrice, cf. Si 14.27.

12 Alors mes œuvres seront agréées,
je jugerai ton peuple avec justice
et je serai digne du trône de mon père.

13 Quel homme en effet peut connaître la volonté de Dieu,
et qui peut concevoir ce que désire le Seigneur ?
14 Car les pensées des mortels sont timides,
et instables nos réflexions ;
15 un corps corruptible, en effet, appesantit l’âme,
et cette tente d’argile alourdit l’esprit aux multiples soucis.r

r Les termes employés dans ce v. rappellent l’opposition établie par la philosophie grecque entre le corps et l’âme ou l’esprit, cf. Rm 7.25, cependant l’auteur estime normale l’union de l’âme et du corps. Dans l’AT, l’image de la « tente » évoque la précarité de l’existence humaine, Jb 4.21 ; Isa 33.20 ; 38.12 ; l’épithète « d’argile », litt. « de terre » peut renvoyer à Jb 4.19 ou Gn 2.7. Dans le NT, on rapprochera 2 Co 4.7 ; 5.1-4 ; 2 P 1.13-14, et aussi l’opposition marquée par Ga 5.17 ; Rm 7.14-15.

16 Aussi avons-nous peine à conjecturer ce qui est sur la terre,
et ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu’avec effort,
mais ce qui est dans les cieux, qui l’a découvert ?
17 Et ta volonté, qui l’a connue, si tu n’avais donné la Sagesse
et envoyé d’en haut ton esprit saint ?s

s Cf. 7.22. Assimilée à l’Esprit divin, Ez 36.25-27 ; Ps 51.8, 10s, la Sagesse est une forme intérieure qui remet le pécheur sur le droit chemin, 10.1, et le soutient dans l’accomplissement de la Loi, Ba 4.4. Ce don de Dieu a déjà trouvé dans l’ancienne Alliance une première réalisation, 10.

18 Ainsi ont été rendus droits les sentiers de ceux qui sont sur la terre,
ainsi les hommes ont été instruits de ce qui t’est agréable
et, par la Sagesse, ont été sauvés. »t

t Des périls temporels et spirituels. Cette action salutaire de la Sagesse est illustrée par le développement suivant qui sert de transition à la troisième partie. — De nombreux mss latins ajoutent ici « tous ceux qui, Seigneur, t’ont plu dès l’origine ».