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Bible de Jérusalem

Romains 7.1-

7 Ou bien ignorez-vous,g frères — je parle à des experts en fait de loi — que la loi ne s’impose à l’homme que durant sa vie ?h

g Paul aborde enfin un thème depuis longtemps présent à sa pensée, 3.20 ; 4.15 ; 5.20 ; 6.14 : l’affranchissement du chrétien par rapport à la Loi, ce qui l’amène à exposer le rôle de la Loi dans le plan de Dieu, cf. 7.7.

h La libération du chrétien, que Paul exprime ailleurs par le thème biblique de la « rédemption », 3.24, ou par le thème grec de l’« affranchissement » des esclaves, 6.15, apparaît aussi souvent chez lui comme une délivrance par la mort. Car la mort libère de la vie ancienne et de ses servitudes, 6.7 ; 7.1-3. Uni par la foi, 1.16, et le baptême, 6.4, au Christ mort et ressuscité, 8: 11, le chrétien est mort au péché, 6.2, 11, cf. 1 P 4.1, à la Loi, 7.6 ; Ga 2.19, aux éléments du monde, Col 2.20, pour vivre sous le régime nouveau de la grâce et de l’Esprit, 8.5-13. De même que l’affranchi appartient à son nouveau maître, 6.15, de même le chrétien ressuscité dans le Christ ne vit plus pour lui-même mais pour le Christ et pour Dieu, 6.11, 13 ; 14.7s ; 2 Co 5.15 ; Ga 2.20.

2 C’est ainsi que la femme mariée est liée par la loi au mari tant qu’il est vivant ; mais si l’homme meurt, elle se trouve dégagée de la loi du mari. 3 C’est donc du vivant de son mari qu’elle portera le nom d’adultère, si elle devient la femme d’un autre ; mais en cas de mort du mari, elle est si bien affranchie de la loi qu’elle n’est pas adultère en devenant la femme d’un autre. 4 Ainsi, mes frères, vous de même vous avez été mis à mort à l’égard de la Loi par le corps du Christi pour appartenir à un autre, à Celui qui est ressuscité d’entre les morts, afin que nous fructifiions pour Dieu.

i Le chrétien est mort à la Loi comme au péché, par « le corps du Christ » mort et ressuscité, cf. 7.1.

5 De fait, quand nous étions dans la chair,j les passions pécheresses qui se servent de la Loi opéraient en nos membres afin que nous fructifiions pour la mort.

j 1° En son sens premier, la « chair » désigne la matière corporelle, 1 Co 15.39 ; cf. Lc 24.39 ; Ap 17.16 ; 19.18, qui s’oppose à l’esprit, 1.9 ; le corps objet de sensation, Col 2.1, 5, particulièrement d’union sexuelle, 1 Co 6.16 ; 7.28 ; Ep 5.29, 31 ; cf. Mt 19.5 ; Jn 1.13 ; Jude 7, d’où résultent la parenté et l’hérédité, 4.1 ; 9.3, 5 ; 11.14 ; cf. He 12.9. La « chair » sert ainsi, selon l’usage biblique de basar, à souligner ce qu’il y a de faiblesse périssable dans la condition humaine, 6.19 ; 2 Co 7.5 ; 12.7 ; Ga 4.13s ; cf. Mt 26.41, et à désigner l’homme dans sa petitesse devant Dieu, 3.20 et Ga 2.16 ; 1 Co 1.29 ; cf. Mt 24.22 ; Lc 3.6 ; Jn 17.2 ; Ac 2.17 ; 1 P 1.24. D’où, pour opposer l’ordre de la nature à celui de la grâce, l’usage des expressions « selon la chair ». 1 Co 1.26 ; 2 Co 1.17 ; Ep 6.5 ; Col 3.22 ; cf. Phm 16 ; Jn 8.15, « la chair et le sang », 1 Co 15.50 ; Ga 1.16 ; Ep 6.12 ; He 2.14 ; cf. Mt 16.17, et « charnel », 15.27 ; 1 Co 3.1, 3 ; 9.11 ; 2 Co 1.12 ; 10.4. — 2° L’Esprit étant le don spécifique de l’ère eschatologique, la « chair » en vient à caractériser l’ère ancienne par opposition à la nouvelle, 9.8 ; Ga 3.3 ; 6.12s ; Ph 3.3s ; Ep 2.11 ; cf. He 9.10, 13 ; Jn 3.6 ; 6.63 ; de même « selon la chair », 1 Co 10.18 ; 2 Co 11.18 ; Ga 4.23, 29 ; cf. 1.3s ; 2 Co 5.16, et « charnel », He 7.16 ; mais cf. 1 Co 10.3s. — 3° Paul insiste particulièrement sur la « chair » comme siège des passions et du péché, 7.5, 14, 18, 25 ; 13.14 ; 2 Co 7.1 ; Ga 5.13, 19 ; Ep 2.3 ; Col 2.13, 18, 23 ; cf. 1 P 2.11 ; 2 P 2.10, 18 ; 1 Jn 2.16 ; Jude 8, 23, vouée à la corruption, 1 Co 15.50 ; Ga 6.8 ; Cf. Jc 5.3 ; Ac 2.26, 31, et à la mort, 8.6, 13 ; 1 Co 5.5 ; 2 Co 4.11 ; cf. 1 P 4.6, au point de la personnifier comme une force du Mal, ennemie de Dieu, 8.7s, et hostile à l’Esprit, 8.4-9, 12s ; Ga 5.16s. Le Christ a brisé cette force en assumant la « chair de péché », 8.3 ; cf. 1 Tm 3.16 ; Jn 1.14 ; 1 Jn 4.2 ; 2 Jn 7, et en la tuant sur la croix, 8.3 ; Ep 2.14-16 ; Col 1.22 ; cf. He 5.7s ; 10.20 ; 1 P 3.18 ; 4.1. Unis à lui, cf. Jn 6.51s, les chrétiens ne sont plus « dans la chair », 7.5 ; 8.9, qu’ils ont crucifiée, Ga 5.24 ; cf. 1 P 4.1, et dépouillée par le baptême, Col 2.11 ; ou plus exactement, s’ils sont encore « dans la chair » tant qu’ils restent dans ce monde ancien, Ph 1.22, 24 ; cf. 1 P 4.2, ils ne lui sont plus asservis, 2 Co 10.3, mais la dominent par leur union au Christ, cf. Ga 2.20 ; Col 1.24.

6 Mais à présent nous avons été dégagés de la Loi, étant morts à ce qui nous tenait prisonniers, de manière à servir dans la nouveauté de l’esprit et non plus dans la vétusté de la lettre.

B. L’HOMME SANS CHRIST SOUS LE PÉCHÉ

Le rôle passé de la Loi.k

7 Qu’est-ce à dire ? Que la Loi est péché ? Certes non ! Seulement je n’ai connu le péché que par la Loi. Et, de fait, j’aurais ignoré la convoitise si la Loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas !

k La loi est en soi bonne et sainte en ce qu’elle exprime la volonté de Dieu, 7.12-25 ; 1 Tm 1.8 ; elle représente un glorieux apanage d’Israël, 9.4 ; mais cf. 2.14s. Et pourtant elle semble un échec : non seulement les Juifs sont pécheurs, comme les autres, malgré leur Loi, 2.21-27 ; Ga 6.13 ; Ep 2.3, mais encore ils y puisent une confiance en leurs œuvres, 2.17-20 ; 3.27 ; 4.2, 4 ; 9.31s ; Ph 3.9 ; Ep 2.8, qui les ferme à la grâce du Christ, Ga 6.12 ; Ph 3.18 ; cf. Ac 15.1 ; 18.13 ; 21.21. Bref, la Loi est incapable de conférer la justice, Ga 3.11, 21s ; 3.20 ; cf. He 7.19. Avec une dialectique qui reçoit de la polémique un tour paradoxal, Paul explique cet échec apparent par la nature même de la Loi et son rôle dans l’histoire du salut. Lumière qui éclaire l’esprit sans donner la force intérieure, la Loi (mosaïque, mais aussi toute loi et déjà le « précepte » donné à Adam, cf. vv. 9-11) est impuissante à faire éviter le péché ; elle le favorise plutôt. Sans en être elle-même la source, elle se fait son instrument en excitant la convoitise, 7.7s ; par l’information de l’esprit elle aggrave la faute en en faisant une « transgression », 4.15 ; 5.13 ; enfin, elle n’y remédie que par un châtiment de colère, 4.15 ; de malédiction, Ga 3.10, de condamnation, 2 Co 3.9, et de mort, 2 Co 3.6s, au point qu’elle peut être appelée la « loi du péché et de la mort », 8.2 ; cf. 1 Co 15.56 ; 7.13. Si Dieu a voulu cependant ce système imparfait, cela a été comme un régime transitoire de pédagogue, Ga 3.24, pour donner à l’homme la conscience de son péché, 3.19s ; 5.20 ; Ga 3.19, et l’amener à n’attendre sa justice que de la grâce de Dieu, Ga 3.22 ; 11.32. Transitoire, ce régime doit disparaître pour faire place à l’accomplissement de la Promesse faite antérieurement à Abraham et à sa descendance, Ga 3.6-22 ; 4. Le Christ a mis fin à la Loi, Ep 2.15 ; cf. 10.4, en « l’accomplissant », cf. Mt 3.15 ; 5.17, en tout ce qu’elle a de positif, 3.31 ; 9.31, notamment par sa mort, expression suprême de son amour, 5.8 ; 8.35, 39 ; Ga 2.20 ; Ph 2.5-8 ; par là il en satisfaisait également les exigences à l’égard des pécheurs dont il a voulu se rendre solidaire, Ga 3.13 ; 8.3 ; Col 2.14. Il affranchit les fils de la tutelle du pédagogue, Ga 3.25s. Avec lui ils sont morts à la Loi, Ga 2.19 ; 7.4-6 ; cf. Col 2.20, dont il les a « rachetés », Ga 3.13, pour en faire des fils adoptifs, Ga 4.5. Par l’Esprit de la Promesse, il donne à l’homme nouveau, Ep 2.15, la force intérieure d’accomplir le bien que commandait la Loi, 8.4s. Ce régime de la grâce qui se substitue à celui de la Loi ancienne peut encore être appelé une loi mais c’est la « loi de foi », 3.27, la « loi du Christ », Ga 6.2, la « loi de l’Esprit », 8.2, qui se réduit tout entière à l’amour, Ga 5.14 ; 13.8-10 ; cf. Jc 2.8 ; Jn 13.34, participation à l’amour du Père et du Fils, Ga 4.6 ; 5.5.

8 Mais, saisissant l’occasion, le péché par le moyen du précepte produisit en moi toute espèce de convoitise : car sans la Loi le péché n’est qu’un mort.

9 Ah ! je vivais jadis sans la Loi ;l mais quand le précepte est survenu, le péché a pris vie

l Se plaçant dans le déroulement de l’histoire du salut, Paul parle ici de l’humanité avant le régime de la Loi, cf. 5.13.

10 tandis que moi je suis mort, et il s’est trouvé que le précepte fait pour la vie me conduisit à la mort. 11 Car le péché saisit l’occasion et, utilisant le précepte, me séduisit et par son moyen me tua.

12 La Loi, elle, est donc sainte, et saint le précepte, et juste et bon. 13 Une chose bonne serait-elle donc devenue mort pour moi ? Certes non ! Mais c’est le péché,m lui, qui, afin de paraître péché, se servit d’une chose bonne pour me procurer la mort, afin que le péché exerçât toute sa puissance de péché par le moyen du précepte.

m Le péché personnifié, cf. 5.12, remplace le serpent de Gn 3.1 et le diable de Sg 2.24.

L’homme livré au péché.n

14 En effet, nous savons que la Loi est spirituelle ; mais moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché.

n Il s’agit ici de l’homme sous l’empire du péché, avant la justification, tandis qu’au chap. 8:il s’agira du chrétien justifié, en possession de l’Esprit. Mais celui-ci, ici-bas, connaît aussi une division intérieure, Ga 5.17s.

15 Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais.o

o Paul reprend ici un lieu commun de la littérature d’alors et qui trouva sa première formulation dans le Médée d’Euripide (1074-1080).

16 Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d’accord avec la Loi, qu’elle est bonne ; 17 en réalité ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi. 18 Car je sais que nul bien n’habite en moi, je veux dire dans ma chair ; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir : 19 puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. 20 Or si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi.p

p Paul ne songe pas plus à nier la responsabilité personnelle de l’homme pour le mal que pour le bien, en Ga 2.20.

21 Je trouve donc une loiq s’imposant à moi, quand je veux faire le bien : le mal seul se présente à moi.

q Une « loi » attestée par l’expérience de l’homme charnel.

22 Car je me complais dans la loi de Dieur du point de vue de l’homme intérieur ;s

r Var. : « loi de la raison » comme au v. 23.

s Cet « homme intérieur » désigne la partie rationnelle de l’homme, par opposition à l’« homme extérieur », 2 Co 4.16, qui est son corps passible et mortel. Ce thème d’origine grecque est distinct du thème de l’homme « vieux » et « nouveau », Col 3.9-10, qui ressortit à l’eschatologie juive. Il arrive cependant que Paul parle de l’homme « intérieur » au sens chrétien de l’homme « nouveau », 2 Co 4.16 ; Ep 3.16.

23 mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres.

24 Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ?t

t Littéralement « du corps de cette mort ». — Le corps, avec les membres qui le composent, 12.4 ; 1 Co 12.12, 14s, c’est-à-dire l’homme dans sa réalité sensible, 1 Co 5.3 ; 2 Co 10.10, et sexuelle, 4.19 ; 1 Co 6.16 ; 7.4 ; Ep 5.28, intéresse Paul comme terrain de la vie morale et religieuse. Pour l’AT, voir Gn 2.21 ; Sg 9.15. Soumis par la tyrannie de la « chair », 7.5, au péché, 1.24 ; 6.12s ; 7.23 ; 8.13 ; 1 Co 6.18, et à la mort, 6.12 ; 8.10, et devenu ainsi « corps de chair », Col 2.11 ; cf. 1.22, « corps de péché », 6.6 ; cf. Sg 1.4 ; 9.15, et « corps de mort », 7.24, il n’est cependant pas voué à l’anéantissement comme le voudrait la pensée grecque, mais au contraire, selon la tradition biblique, Ez 37.10 ; 2 M 7.9, appelé à la vie, 8.13 ; 2 Co 4.10, par la résurrection, 8.11. Le principe de ce renouveau sera l’Esprit, 5.5, se substituant à la psychè, 1 Co 15.44, et transformant le corps du chrétien à l’image du corps ressuscité du Christ, Ph 3.21. En attendant cette délivrance eschatologique, 8.23, le corps du chrétien délivré en principe de la « chair » par son union à la mort du Christ, 6.6 ; 8.3s, est dès maintenant habité par l’Esprit Saint, 1 Co 6.19, qui le forme à une vie nouvelle de justice et de sainteté, 6.13, 19 ; 12.1 ; 1 Co 7.34, méritoire, 2 Co 5.10, et glorifiant Dieu, 1 Co 6.20 ; Ph 1.20.

25 Grâces soient à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur !
C’est donc bien moi qui par la raisonu sers une loi de Dieu et par la chair une loi de péché.v

u Le Noûs, entendement ou pensée de l’homme, est une notion grecque bien distincte du pneuma au sens d’Esprit surnaturel, 5.5, et même de l’esprit au sens biblique de partie supérieure de l’homme, 1.9. C’est le principe de l’intelligence, 1 Co 14.14, 15, 19 ; Ph 4.7 ; 2 Th 2.2 ; cf. Lc 24.45 ; Ap 13.18 ; 17.9, et du jugement moral, 14.5 ; 1 Co 1.10. Normalement rectifié, 7.23, 25, il se trouve cependant perverti, 1.28 ; Ep 4.17 ; 1 Tm 6.5 ; 2 Tm 3.8 ; Tt 1.15, par la « chair », Col 2.18 ; cf. 7.5, et doit être renouvelé, 12.2, dans l’esprit et par l’Esprit, Ep 4.23s ; cf. Col 3.10.

v Cette phrase semble être une addition (peut-être de Paul lui-même) qui serait mieux en place avant le v. 24.