Dialogue avec Tryphon
Dialogue avec Tryphon Justin de Naplouse

Présentation de l’auteur

Justin de Naplouse, Justin Martyr ou Justin le Philosophe, né à Flavia Neapolis (actuelle Naplouse en Cisjordanie) vers le début du IIe siècle et mort à Rome vers 165, est un apologète et philosophe chrétien.

Après s’être essayé à différentes doctrines philosophiques, Justin se convertit au christianisme qu’il considère comme la forme la plus achevée de l’enseignement philosophique et s’engage dans une carrière de philosophe et de prêcheur itinérant.

Il ouvre une école à Rome où il compose une grande partie de son œuvre apologétique qui, rédigée en langue grecque, est en grande partie perdue, à l’exception de deux Apologies adressées à l’empereur Antonin le Pieux et ses fils ainsi que du Dialogue avec Tryphon, considérés comme témoins des premiers jalons dans la séparation entre le christianisme et le judaïsme.

Condamné au terme d’un procès instruit par le préfet et philosophe romain Junius Rusticus, il subit le martyre à une date inconnue de la seconde moitié du IIe siècle.

Il est célébré depuis l’Antiquité comme saint et martyr par l’Église orthodoxe le 1er juin, rejointe par l’Église catholique depuis 1969.


Présentation de l’œuvre

Postérieur à la première des deux Apologies dans la mesure où il y fait allusion, le Dialogue avec Tryphon est une composition élaborée dans la tradition platonicienne. Elle appartient au genre de la littérature dialogique qui connaît plusieurs représentants entre les IIe et Ve siècles et se caractérise par une forme polémique visant toutefois à intégrer plutôt qu’exclure les interlocuteurs que l’on considère à la marge d’un groupe plutôt qu’à l’extérieur. Néanmoins, la destination de ce type d’œuvres est débattue car, pour certains auteurs, elles constituent de la propagande chrétienne dirigée vers les païens, pour d’autres, un instrument à l’usage interne des communautés chrétiennes ou, pour d’autres encore, un outil contre les hérétiques quand d’autres enfin estiment qu’elle a pu être, en tout cas à l’époque de Justin, destinée à chacun de ces publics.

Le dialogue, vraisemblablement fictif et composé dans la tradition d’un dialogue platonicien, développe une argumentation essentiellement fondée sur les Écritures, tantôt de manière littérale, tantôt de manière allégorique. Son récit prend place à une époque peu éloignée de la révolte de Bar Kochba (132-135) et se situe sous le portique d’un gymnase à Éphèse, où un groupe de juifs réfugiés de Palestine où sévit la guerre, mené par un certain Tryphon, va à la rencontre de Justin dans lequel ils ont reconnu un philosophe grâce à son habit, afin de l’interroger sur sa philosophie au cours d’une discussion qui dure deux jours48.

La recherche a depuis longtemps abandonné l’identification de Tryphon au rabbin Tarphon, un des plus célèbres Hébreux de son temps, dont la notoriété a néanmoins pu pousser Justin à l’utiliser comme « prête-nom » afin de créer un adversaire à sa mesure. Le Tryphon de Justin est un Juif tolérant, féru de philosophie hellénique mais éloigné du judaïsme tel qu’on le connaît par la littérature rabbinique du IIe siècle cependant que Justin lui-même — et non Tryphon — rapporte des exégèses juives qui font écho à certains passages de la littérature des rabbins, ce qui peut indiquer qu’il a nourri des contacts directs avec certains d’entre eux ou avec des Juifs érudits informés de ces exégèses. S’il est certain que Tryphon ne reconnaît en rien la messianité de Jésus, Justin et Tryphon semblent néanmoins appartenir, au fil des questions, « à deux tendances idéologiques plus ou moins proches ou plus ou moins éloignées » plutôt qu’à « deux religions indifférentes l’une à l’autre ».

L’œuvre porte essentiellement sur trois thèmes : le premier porte sur la pérennité et signification des préceptes de la Loi dont les commandements ne se réalisent pleinement qu’à travers le Christ, dont l’identité et nature sont au cœur du deuxième thème tandis que la question du Verus Israel (le « Véritable Israël ») occupe le troisième. Justin, en remettant radicalement en cause l’interprétation judaïque de la Loi qu’il réinterprète, entend prouver la continuité entre l’Ancien Testament et le christianisme, tout en excluant le judaïsme contemporain : dans la mesure où les Juifs ne perçoivent pas le sens véritable de l’Écriture, les chrétiens, qui s’en sont approchés par la reconnaissance en Jésus du Messie annoncé par les prophètes, sont devenus — avec les juifs qui voudront embrasser leur foi — le nouveau peuple élu, le véritable Israël. À l’issue de ce dialogue resté cordial, Tryphon ne se convertit pas, ce qui constitue un fait unique dans la littérature Adversus judaeos (« Contre les juifs »)81.

Le dialogue avec Tryphon, dans la mesure où il constitue le plus ancien témoin de la distinction voire de l’opposition entre juifs et chrétiens, occupe une place particulière dans l’histoire commune de ceux-ci, qui donne encore lieu à de nombreuses discussions entre chercheurs, qui ne sont pas toujours exemptes d’enjeux idéologiques ou religieux. Il n’en demeure pas moins que le Dialogue est probablement le plus important des témoignages des relations entre chrétiens et juifs à la fin du IIe siècle, dans une histoire qui est alors encore en grande partie commune. Il y occupe une place singulière dans la mesure où, contrairement à la plupart de ses successeurs dans ce genre, « Justin ne parle pas ici aux chrétiens des juifs, mais aux juifs de la place qu’il souhaite les voir prendre au sein du peuple des chrétiens ».


Table des matières

1.CHAPITRE I
2.CHAPITRE II
3.CHAPITRE III
4.CHAPITRE IV
5.CHAPITRE V
6.CHAPITRE VI
7.CHAPITRE VII
8.CHAPITRE VIII
9.CHAPITRE IX
10.CHAPITRE X
11.CHAPITRE XI
12.CHAPITRE XII
13.CHAPITRE XIII
14.CHAPITRE XIV
15.CHAPITRE XV
16.CHAPITRE XVI
17.CHAPITRE XVII
18.CHAPITRE XVIII
19.CHAPITRE XIX
20.CHAPITRE XX
21.CHAPITRE XXI
22.CHAPITRE XXII
23.CHAPITRE XXIII
24.CHAPITRE XXIV
25.CHAPITRE XXV
26.CHAPITRE XXVI
27.CHAPITRE XXVII
28.CHAPITRE XXVIII
29.CHAPITRE XXIX
30.CHAPITRE XXX
31.CHAPITRE XXXI
32.CHAPITRE XXXII
33.CHAPITRE XXXIII
34.CHAPITRE XXXIV
35.CHAPITRE XXXV
36.CHAPITRE XXXVI
37.CHAPITRE XXXVII
38.CHAPITRE XXXVIII
39.CHAPITRE XXXIX
40.CHAPITRE XL
41.CHAPITRE XLI
42.CHAPITRE XLII
43.CHAPITRE XLIII
44.CHAPITRE XLIV
45.CHAPITRE XLV
46.CHAPITRE XLVI
47.CHAPITRE XLVII
48.CHAPITRE XLVIII
49.CHAPITRE XLIX
50.CHAPITRE L
51.CHAPITRE LI
52.CHAPITRE LII
53.CHAPITRE LIII
54.CHAPITRE LIV
55.CHAPITRE LV
56.CHAPITRE LVI
57.CHAPITRE LVII
58.CHAPITRE LVIII
59.CHAPITRE LIX
60.CHAPITRE LX
61.CHAPITRE LXI
62.CHAPITRE LXII
63.CHAPITRE LXIII
64.CHAPITRE LXIV
65.CHAPITRE LXV
66.CHAPITRE LXVI
67.CHAPITRE LXVII
68.CHAPITRE LXVIII
69.CHAPITRE LXIX
70.CHAPITRE LXX
71.CHAPITRE LXXI
72.CHAPITRE LXXII
73.CHAPITRE LXXIII
74.CHAPITRE LXXIV
75.CHAPITRE LXXV
76.CHAPITRE LXXVI
77.CHAPITRE LXXVII
78.CHAPITRE LXXVIII
79.CHAPITRE LXXIX
80.CHAPITRE LXXX
81.CHAPITRE LXXXI
82.CHAPITRE LXXXII
83.CHAPITRE LXXXIII
84.CHAPITRE LXXXIV
85.CHAPITRE LXXXV
86.CHAPITRE LXXXVI
87.CHAPITRE LXXXVII
88.CHAPITRE LXXXVIII
89.CHAPITRE LXXXIX
90.CHAPITRE XC
91.CHAPITRE XCI
92.CHAPITRE XCII
93.CHAPITRE XCIII
94.CHAPITRE XCIV
95.CHAPITRE XCV
96.CHAPITRE XCVI
97.CHAPITRE XCVII
98.CHAPITRE XCVIII
99.CHAPITRE XCIX
100.CHAPITRE C
101.CHAPITRE CI
102.CHAPITRE CII
103.CHAPITRE CIII
104.CHAPITRE CIV
105.CHAPITRE CV
106.CHAPITRE CVI
107.CHAPITRE CVII
108.CHAPITRE CVIII
109.CHAPITRE CIX
110.CHAPITRE CX
111.CHAPITRE CXI
112.CHAPITRE CXII
113.CHAPITRE CXIII
114.CHAPITRE CXIV
115.CHAPITRE CXV
116.CHAPITRE CXVI
117.CHAPITRE CXVII
118.CHAPITRE CXVIII
119.CHAPITRE CXIX
120.CHAPITRE CXX
121.CHAPITRE CXXI
122.CHAPITRE CXXII
123.CHAPITRE CXXIII
124.CHAPITRE CXXIV
125.CHAPITRE CXXV
126.CHAPITRE CXXVI
127.CHAPITRE CXXVII
128.CHAPITRE CXXVIII
129.CHAPITRE CXXIX
130.CHAPITRE CXXX
131.CHAPITRE CXXXI
132.CHAPITRE CXXXII
133.CHAPITRE CXXXIII
134.CHAPITRE CXXXIV
135.CHAPITRE CXXXV
136.CHAPITRE CXXXVI
137.CHAPITRE CXXXVII
138.CHAPITRE CXXXVIII
139.CHAPITRE CXXXIX
140.CHAPITRE CXL
141.CHAPITRE CXLI
142.CHAPITRE CXLII

retour à la page d'index des textes en ligne