1 Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham :a
a La généalogie de Mt, tout en soulignant des influences étrangères du côté des femmes, vv. 3, 5, 6, se restreint à l’ascendance israélite du Christ. Elle vise à le rattacher aux principaux dépositaires des promesses messianiques, Abraham et David, et aux descendants royaux de ce dernier, 2 S 7.1 ; Isa 7.14. La généalogie de Lc, plus universaliste, remonte à Adam, chef de toute l’humanité. De David à Joseph, les deux listes n’ont en commun que deux noms. Cette divergence peut s’expliquer, soit par le fait que a préféré la succession dynastique à la descendance naturelle, soit par l’équivalence mise entre la descendance légale (loi du lévirat, Dt 25.5) et la descendance naturelle. Le caractère systématique de la généalogie est d’ailleurs souligné, chez Mt, par la répartition des ancêtres du Christ en trois séries de deux fois sept noms, cf. 6.9, ce qui oblige à omettre trois rois entre Joram et Ozias, et à compter Jéchonias, vv. 11-12, pour deux (ce même nom grec pouvant traduire les deux noms hébreux voisins de Joiaqim et Joiakîn). Les deux listes aboutissent à Joseph, qui n’est que le père légal de Jésus c’est qu’aux yeux des anciens la paternité légale (par adoption, lévirat, etc.) suffisait à conférer tous les droits héréditaires, ici ceux de la lignée davidique. Cela n’exclut pas que Marie elle-même ait appartenu à cette lignée, encore que les évangélistes ne le disent pas.
2 Abraham engendra Isaac,
Isaac engendra Jacob,
Jacob engendra Juda et ses frères,
3 Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar,
Pharès engendra Esrom,
Esrom engendra Aram,
4 Aram engendra Aminadab,
Aminadab engendra Naasson,
Naasson engendra Salmon,
5 Salmon engendra Booz, de Rahab,
Booz engendra Jobed, de Ruth,
Jobed engendra Jessé,
6 Jessé engendra le roi David.
David engendra Salomon, de la femme d’Urie,
7 Salomon engendra Roboam,
Roboam engendra Abia,
Abia engendra Asa,b
b Var. « Asaph ».
8 Asa engendra Josaphat,
Josaphat engendra Joram,
Joram engendra Ozias,
9 Ozias engendra Joatham,
Joatham engendra Achaz,
Achaz engendra Ézéchias,
10 Ézéchias engendra Manassé,
Manassé engendra Amon,c
Amon engendra Josias,
c Var. « Amos ».
11 Josias engendra Jéchonias et ses frères ;
ce fut alors la déportation à Babylone.
12 Après la déportation à Babylone,
Jéchonias engendra Salathiel,
Salathiel engendra Zorobabel,
13 Zorobabel engendra Abioud,
Abioud engendra Éliakim,
Éliakim engendra Azor,
14 Azor engendra Sadok,
Sadok engendra Akhim,
Akhim engendra Élioud,
15 Élioud engendra Éléazar,
Éléazar engendra Matthan,
Matthan engendra Jacob,
16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie,
de laquelle naquit Jésus,d que l’on appelle Christ.
d Plusieurs témoins grecs et latins ont précisé « Joseph, auquel fut fiancée la Vierge Marie qui engendra Jésus »; c’est sans doute de cette leçon mal comprise que résulte la syr. sin. « Joseph, auquel était fiancée la Vierge Marie, engendra Jésus. »
17 Le total des générations est donc : d’Abraham à David, quatorze générations ; de David à la déportation de Babylone, quatorze générations ; de la déportation de Babylone au Christ, quatorze générations.
18 Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph :e or, avant qu’ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint.
e Les fiançailles juives étaient un engagement si réel que le fiancé était déjà appelé « mari » et ne pouvait se dégager que par une « répudiation » (v.19).
f La justice de Joseph consiste en ce qu’il ne veut pas couvrir de son nom un enfant dont il ignore le père, mais aussi en ce que, par compassion, il refuse de livrer Marie à la procédure rigoureuse de la Loi, la lapidation, Dt 22.20s. « Sans bruit » en contraste avec l’ordalie prescrite en Nb 5.11-31.
g L’« Ange du Seigneur », dans les textes anciens, Gn 16.7, représentait primitivement Yahvé lui-même. Distingué davantage de Dieu par les progrès de l’angélologie, cf. Tb 5.4, il reste le type du messager céleste et apparaît souvent à ce titre dans les Évangiles de l’Enfance 1.20, 24 ; 2.13, 19 ; Lc 1.11 ; 2.9 ; cf. encore 28.2 ; Jn 5.4 ; Ac 5.19 ; 8.26 ; 12.7, 23.
h Comme dans l’AT, Si 34.1, il arrive que Dieu fasse connaître son dessein par un songe 2.12, 13, 19, 22 ; 27.19 ; cf. Ac 16.9 ; 18.9 ; 23.11 ; 27.23 ; et les visions parallèles de Ac 9.10s ; 10.3s, 11s.
i « Jésus » (hébreu Yehoshú`a) veut dire « Yahvé sauve ».
j Cette formule et d’autres qui en sont voisines seront fréquentes chez Mt : 2.15, 17, 23 ; 8.17 ; 12.17 ; 13.35 ; 21.4 ; 26.54, 56 ; 27.9 ; cf. 3.3 ; 11.10 ; 13.14, etc. Mais n’est pas le seul à penser que les Écritures s’accomplissent en Jésus. Jésus lui-même déclare qu’elles parlent de lui, 11.4-6 ; Lc 4.21 ; 18.31 ; 24.4 ; Jn 5.39 ; 8.56 ; 17.12 ; etc. Déjà dans l’AT la réalisation des paroles des prophètes était l’un des critères de leur mission, Dt 18.20-22. Aux yeux de Jésus et de ses disciples, Dieu a annoncé ses desseins, soit par des paroles, soit par des faits, et la foi des chrétiens découvre que l’accomplissement littéral des textes dans la personne de Jésus Christ ou dans la vie de l’Église manifeste l’accomplissement réel des vues de Dieu, Jn 2.22 ; 20.9 ; Ac 2.23 ; 2.31, 34-35 ; 3.24 ; Rm 15.4 ; 1 Co 10.11 ; 15.3-4 ; 2 Co 1.20 ; 3.14-16.
23 Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous. »
k Le texte n’envisage pas la période ultérieure, et de soi n’affirme pas la virginité perpétuelle de Marie, mais le reste de l’Évangile ainsi que la tradition de l’Église la supposent. Sur les « frères » de Jésus, cf. 12.46.
2 l Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode,m voici que des mages venus d’Orientn arrivèrent à Jérusalem
l Après avoir présenté au chap. 1 la personne de Jésus, fils de David et fils de Dieu, caractérise au chap. 2 sa mission de salut offert aux païens, dont il attire les sages à sa lumière, vv. 1-12, et de souffrance dans son propre peuple, dont il revit les expériences douloureuses le premier exil en Égypte, 13-15, la deuxième captivité, 16-18, le retour humilié du petit « Reste », naçur , 19-23 (cf. v. 23). Ces récits de caractère haggadique enseignent à l’aide d’événements ce que Lc 2.30-34 enseigne par les paroles prophétiques de Syméon, cf. Lc 2.34.
m Vers l’an 5 ou 4 avant l’ère chrétienne, celle-ci commençant par erreur quelques années après la naissance du Christ, cf. Lc 2.2 ; 3.1. Hérode régna de 37 à 4 avant notre ère. Son royaume en vint à comprendre la Judée, l’Idumée, la Samarie, la Galilée, la Pérée, et d’autres régions du côté du Hauran.
n Un tel récit demande qu’on laisse à ce terme le vague d’une désignation très générale la région par excellence des sages astrologues que sont les « mages ». On peut penser à la Perse, à Babylone, ou à l’Arabie du Sud.
o Autre traduction (Vulg.) « à l’orient ». De même au v. 9.
p Appelés aussi « docteurs de la Loi », Lc 5, 17 ; Ac 5, 34, ou « légistes », Lc 7.30 ; 10.25, etc., les « scribes » avaient pour fonction d’interpréter les Écritures, et en particulier la Loi mosaïque, pour en tirer les règles de conduite de la vie juive cf. Esd 7.6, 11 ; Si 39.2. Ce rôle leur valait prestige et influence parmi le peuple. Ils se recrutaient surtout, mais non exclusivement, parmi les Pharisiens, 3.7. Ils étaient membres du Grand Sanhedrin, avec les grands prêtres et les anciens.
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ;
car de toi sortira un chef
qui sera pasteur de mon peuple Israël. »
7 Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux le temps de l’apparition de l’astre,
q L’évangéliste songe manifestement à un astre miraculeux, dont il est vain de chercher une explication naturelle.
r Richesses et parfums d’Arabie, Jr 6.20 ; Ez 27.22. Les Pères y ont vu symbolisées la Royauté (or), la Divinité (encens) et la Passion (myrrhe) du Christ. L’adoration des Mages accomplit les oracles messianiques sur l’hommage des nations au Dieu d’Israël, cf. Nb 24.17 ; Isa 49.23 ; 60.5s ; Ps 72.10-15.
13 Après leur départ, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; et restes-y jusqu’à ce que je te dise. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »
D’Égypte j’ai appelé mon filss
s Israël, le « fils » du texte prophétique, était donc une figure du Messie.
16 Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages,t fut pris d’une violente fureur et envoya mettre à mort, dans Bethléem et tout son territoire, tous les enfants de moins de deux ans, d’après le temps qu’il s’était fait préciser par les mages.
t Ce récit a un parallèle, qui est un précédent, dans l’enfance de Moïse racontée par les traditions rabbiniques après que la naissance de l’enfant a été annoncée, soit par des visions, soit par des magiciens, le Pharaon fait massacrer des enfants nouveau-nés.
u Au sens premier de ce texte, ce sont les hommes d’Éphraïm, Manassé et Benjamin, massacrés ou déportés par les Assyriens, que pleure Rachel leur aïeule. L’application que fait Matthieu a pu lui être suggérée par une tradition qui plaçait le tombeau de Rachel dans le territoire de Bethléem, Gn 35.19s.
18 Une voix dans Rama s’est fait entendre,
pleur et longue plainte :
c’est Rachel pleurant ses enfants ;
et ne veut pas qu’on la console,
car ils ne sont plus.
19 Quand Hérode eut cessé de vivre, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Égypte,
v Ce fils d’Hérode par Malthaké (de même que Hérode Antipas) fut ethnarque de Judée de 4 av. J.-C. à 6 ap. J.-C.
w Domaine d’Hérode Antipas, cf. Lc 3.1.
x « Nazôréen » (Nazôraios, forme adoptée par Mt, Jn et Ac) et son synonyme « Nazarénien » (Nazarenos, forme adoptée par Mc ; Lc a les deux formes) sont deux transcriptions courantes d’un adjectif araméen (nasraya), lui-même dérivé du nom de ville « Nazareth » (Nasrath). Appliqué à Jésus, dont il caractérisait l’origine, 26.69, 71 puis à ses sectateurs, Ac 24.5, ce terme s’est maintenu dans le monde sémitique pour désigner les disciples de Jésus, tandis que le nom de « chrétien », Ac 11.26, a prévalu dans le monde gréco-romain. — On ne voit pas clairement à quels oracles prophétiques fait ici allusion ; on peut songer au nazîr de Jg 13.5, 7, ou au neçer « rejeton » de Isa 11.1, ou mieux encore à naçar « garder » d’Isa 42.6 ; 49.8, d’où naçur = le Reste.
3 En ces jours-lày arrive Jean le Baptiste, prêchant dans le désert de Judéez
y Expression stéréotypée, qui n’a qu’une valeur de transition.
z Région montagneuse et désolée qui s’étend entre la chaîne centrale de la Palestine et la dépression du Jourdain et de la mer Morte.
a La metanoia, étym. changement de sentiments, désigne un renoncement au péché, un « repentir ». Ce regret, qui regarde vers le passé, s’accompagne normalement d’une « conversion » (verbe grec epistrephein), par laquelle l’homme se retourne vers Dieu et s’engage dans une vie nouvelle. Ces deux aspects complémentaires d’un même mouvement de l’âme ne se distinguent pas toujours dans le vocabulaire. Cf. Ac 2.38 ; 3.19. Repentir et conversion sont la condition nécessaire pour recevoir le salut qu’apporte le Règne de Dieu. L’appel au repentir lancé par Jean-Baptiste, cf. encore Ac 13.24 ; 19.4, sera repris par Jésus, 4.17 ; Lc 5.32 ; 13.3, 5, par ses disciples, Mc 6.12 ; Lc 24.47, et par Paul, Ac 20.21 ; 26.20.
b Pour « Royaume de Dieu », cf. 4.17 tournure propre à Mt, répondant à la préoccupation juive de remplacer le Nom redoutable par une métaphore.
Voix de celui qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers.
4 Ce Jean avait son vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour de ses reins ; sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage.
c Le rite d’immersion, symbole de purification ou de renouveau, était connu des religions anciennes et du judaïsme (baptême des prosélytes, esséniens). Tout en s’inspirant de ces précédents, le baptême de Jean s’en distingue par trois traits principaux il vise une purification non plus rituelle mais morale, 3.2, 6, 8, 11 ; Lc 3.10-14 ; il ne se répète pas et revêt de ce fait l’aspect d’une initiation ; il a une valeur eschatologique, introduisant dans le groupe de ceux qui professent une attente active du Messie prochain et constituent par avance sa communauté, 3.2, 11 ; Jn 1.19-34. Son efficacité est réelle mais non sacramentelle, dépendante qu’elle est du Jugement de Dieu encore à venir en la personne du Messie, dont le feu purifiera ou consumera selon que l’on sera bien ou mal disposé, et qui seul baptisera « dans l’Esprit Saint », 3.7, 10-12 ; Jn 1.33. Ce baptême de Jean sera encore pratiqué par les disciples du Christ, Jn 4.1-2, jusqu’au jour où il sera absorbé dans le rite nouveau institué par le Christ ressuscité, 28.19 ; Ac 1.5 ; Rm 6.4.
d Groupe religieux juif. Observateurs zélés de la Loi, les Pharisiens étaient très attachés à la tradition orale de leurs docteurs. L’interprétation différente que Jésus donne de la Loi et sa fréquentation des pécheurs ne pouvaient que susciter chez eux une opposition dont les Évangiles, surtout Mt, ont gardé maints échos ; cf. 9.11 ; 12.2, 14, 24 ; 15.1 ; 16.1, 6 ; 19.3 ; 21.45 ; 22.15, 34, 41 ; 23 :p ; Lc 5.21 ; 6.7 ; 15.2 ; 16.14s ; 18.10s ; Jn 7.32 ; 8.13 ; 9.13s ; 11.47s. La polémique lancée par contre les successeurs des Pharisiens a influencé très négativement le jugement porté sur eux. Jésus a eu cependant des relations amicales avec certains d’entre eux, Lc 7.36 ; Jn 3.1, et les disciples ont trouvé en eux des alliés contre les Sadducéens, Ac 23.6-10. On ne peut nier leur zèle, cf. Rm 10, 2, voire leur droiture, Ac 5.34s. Paul lui-même se vante de son passé pharisien, Ac 23.6 ; 26.5 ; Ph 3.5.
e Ceux-ci, par réaction contre les Pharisiens, rejetaient toute tradition autre que la Loi écrite, cf. Ac 23.8. Moins zélés et plus préoccupés de politique, ils se recrutaient surtout parmi les grandes familles sacerdotales, cf. 21.23. Le parti des grands prêtres était composé surtout des Sadducéens. Ils se sont aussi heurtés à Jésus, 16.1, 6 ; 22.23, et à ses disciples, Ac 4.1 ; 5.17.
f La colère, Nb 11.1, du Jour de Yahvé, Am 5.18, qui devait inaugurer l’ère messianique, cf. Rm 1.18.
g Le feu, moyen de purification moins matériel et plus efficace que l’eau, symbolise déjà dans l’AT, cf. Isa 1.25 ; Za 13.9 ; Ml 3.2-3 ; Si 2.5, etc., l’intervention souveraine de Dieu et de son Esprit purifiant les consciences.
h Le feu de la Géhenne, 18.9, qui consume à jamais ce qui n’a pu être purifié, Isa 66.24 ; Jdt 16.17 ; Si 7.17 ; So 1.18 ; Ps 21.10, etc.
13 Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui.
i L’église naissante fut vite convaincue que Jésus était sans péché, Jn 8.46, He 4.15. On voulait donc expliquer pourquoi Jésus s’était soumis au baptême de Jean (où Jésus reconnaît une démarche voulue de Dieu, cf. Lc 7.29-30, préparation ultime de l’ère messianique, cf. 3.6). Très concis, 3.15 dit (a) que, par son baptême, Jésus a satisfait à la justice salvifique de Dieu qui préside au plan du salut, (b) qu’il était lui-même juste en agissant ainsi, (c) qu’il lui fallait s’identifier avec les pécheurs ; cf. 2 Co 5.21, et (d) qu’il préparait ainsi le baptême futur des chrétiens, 28.19, en se donnant en modèle (à noter le pluriel « nous »).
j Une légende apocryphe s’est glissée ici dans deux mss de la Vet. Lat. « Et tandis qu’il était baptisé, une lumière intense se répandit hors de l’eau, au point que tous les assistants furent saisis de crainte. »
16 Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent :k il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.l
k Add. « pour lui », c’est-à-dire à ses yeux.
l L’Esprit oint Jésus pour sa mission messianique, Ac 10.38, qu’il va désormais diriger, 4.1 ; Lc 4.14, 18 ; 10.21 ; 12.18, 28 ; en même temps, comme l’ont compris les Pères, il sanctifie l’eau et prépare le baptême chrétien, cf. Ac 1.5.
m Cette vision interprétative désigne d’abord Jésus comme le vrai Serviteur annoncé par Isaïe. Toutefois, le terme de « Fils » substitué à celui de « Serviteur » (grâce au double sens du terme grec pais) souligne le caractère messianique et proprement filial de sa relation avec le Père, cf. 4.3.
4 Alors Jésus fut emmené au désert par l’Esprit,o pour être tenté par le diable.p
n Jésus est conduit au désert pour y être tenté durant quarante jours, comme jadis Israël durant quarante ans, Dt 8.2, 4 ; cf. Nb 14.34. Il y connaît trois tentations, soulignées par trois citations reprises de Dt 6-8, chapitres dominés (comme l’éthique de Mt) par le commandement d’aimer Dieu Dt 6.5. Les trois tentations, à première vue énigmatiques, peuvent se comprendre, à la lumière de la tradition juive interprétant Dt 6.5 comme des tentations contre l’amour de Dieu, valeur suprême. a) Ne pas aimer Dieu « de tout ton cœur », c’est-à-dire ne pas soumettre ses désirs intérieurs à Dieu, se rebeller contre la nourriture divine, la manne. b) Ne pas aimer Dieu « de toute ton âme », c’est-à-dire, avec sa vie, son corps physique, jusqu’au martyre si nécessaire. c)Ne pas aimer Dieu « de tout ton pouvoir », c’est-à-dire, avec ses richesses, ce que l’on possède, ses biens extérieurs. À la fin, Jésus apparaît comme celui qui aime Dieu parfaitement.
o L’Esprit-Saint. « Souffle » et énergie créatrice de Dieu, qui dirigeait les prophètes, Isa 11.2 ; Jg 3.10, il va diriger Jésus lui-même dans l’accomplissement de sa mission, cf. 3.16 ; Lc 4.1, comme plus tard il dirigea les débuts de l’Église, Ac 1.8.
p Ce nom, qui veut dire Accusateur, Calomniateur, a parfois traduit l’hébreu Satan (Adversaire), Jb 1.6 ; cf. Sg 2.24. Le personnage qui le porte, parce qu’il s’applique à mettre les hommes en faute, est tenu pour responsable de tout ce qui contrecarre l’œuvre de Dieu et du Christ : 13.39 ; Jn 8.44 ; 13.2 ; Ac 10.38 ; Ep 6.11 ; 1 Jn 3.8 ; etc. Sa défaite signalera la victoire ultime de Dieu, 25.41 ; He 2.14 ; Ap 12.9, 12 ; 20.2, 10.
q Le titre biblique de « Fils de Dieu » n’exprime pas nécessairement une filiation de nature, mais peut comporter simplement une filiation adoptive, résultant d’un choix divin qui établit entre Dieu et sa créature des relations de protection particulière. C’est ainsi que ce titre est attribué aux anges, Jb 1.6, au Peuple élu, Ex 4.22 ; Sg 18.13 ; aux Israélites, Dt 14.1 ; Os 2.1 ; cf. 5.9, 45, etc. ; à leurs chefs, Ps 82.6. Quand donc il est dit du Roi-Messie, 1 Ch 17.13 ; Ps 2.7 ; 89.27, il n’exige pas que celui-ci soit plus qu’humain ; et il n’est pas requis de supposer davantage dans la pensée de Satan, 4.3, 6, des démoniaques, Mc 3.11 ; 5.7 ; Lc 4.41, a fortiori du centurion, Mc 15.39, cf. Lc 23.47. Même la parole du Baptême, 3.17, et de la Transfiguration, 17.5, n’impliquerait pas de soi plus que la faveur spéciale accordée au Messie Serviteur ; et la question du grand prêtre, 26.63, ne dépassait sans doute guère cette signification messianique. Mais le titre de « Fils de Dieu » reste ailleurs ouvert à la valeur plus haute d’une filiation proprement dite, et Jésus l’a clairement suggérée en se désignant comme « le Fils », 21.37, supérieur aux anges, 24.36, ayant Dieu pour « Père » à un titre tout spécial, Jn 20.17 et cf. « mon Père », 7.21, etc., parce qu’il entretient avec lui des relations uniques de connaissance et d’amour, 11.27. Ces déclarations, appuyées par d’autres sur le rang divin du Messie, 22.42-46, et sur l’origine céleste du « Fils de l’homme », 8.20, confirmées enfin par le triomphe de la Résurrection, ont donné à l’expression « Fils de Dieu » le sens proprement divin qui se retrouvera, par exemple, chez saint Jean, Jn 1.18. Si les disciples n’en ont pas pris clairement conscience dès le vivant de Jésus (14.33 ; 16.16, en ajoutant cette expression au texte plus primitif de Mc, reflètent sans doute une foi plus évoluée), la foi qu’ils ont définitivement acquise après Pâques, avec l’aide du Saint-Esprit, ne s’en appuie pas moins réllement sur les paroles historiques du Maître, qui a exprimé autant que pouvaient le porter ses contemporains sa conscience d’être le propre Fils du Père.
Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »;
5 Alors le diable le prend avec lui dans la Ville sainte, et il le plaça sur le pinacle du Temple
Il donnera pour toi des ordres à ses anges,
et sur leurs mains ils te porteront,
de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre. »
7 Jésus lui dit : « Il est encore écrit :
Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu. »
8 De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire
C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras,
et à Lui seul tu rendras un culte. »
11 Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.
12 Ayant appris que Jean avait été livré, il se retira en Galilée
r « Nazara », forme très rare, attestée par d’excellentes autorités B Z Origène k, cf. Lc 4.16 ; la masse des témoins est revenue à la forme commune « Nazareth ».
15 Terre de Zabulon et terre de Nephtali,
Route de la mer, Pays de Transjordane,
Galilée des nations !
16 Le peuple qui demeurait dans les ténèbres
a vu une grande lumière ;
sur ceux qui demeuraient dans la région sombre de la mort,
une lumière s’est levée.
17 Dès lors Jésus se mit à prêcher et à dire : « Repentez-vous, car le Royaume des Cieuxs est tout proche. »
s La Royauté de Dieu sur le peuple élu, et par lui sur le monde, est au centre de la prédication de Jésus, comme elle l’était de l’idéal théocratique de l’AT. Elle comporte un Royaume de « saints » dont Dieu sera vraiment le Roi parce que son règne sera reconnu d’eux dans la connaissance et l’amour. Compromise par la révolte du péché, cette Royauté doit être rétablie par une intervention souveraine de Dieu et de son Messie, Dn 2.28, Dn 7.13-14. C’est cette intervention que Jésus, après Jean-Baptiste, 3.2, annonce comme imminente, 4.17, 23 ; Lc 4.43. Avant sa réalisation eschatologique définitive, où les élus vivront près du Père dans la joie du festin céleste, 8.11 ; 13.43 ; 26.29, le Royaume apparaît avec des débuts humbles, 13.31-33, mystérieux, 13.11, et contredits, 13.24-30, comme une réalité déjà commencée, 12.28 ; Lc 17.20-21, en rapport avec l’Église, 16.18. Prêché dans l’univers par la mission apostolique, 10.7 ; 24.14 ; Ac 1.3, il sera définitivement établi et remis au Père, 1 Co 15.24, par le retour glorieux du Christ, 16.27 ; 25.31, lors du Jugement dernier, 13.37-43, 47-50 ; 25.31-46. En attendant, il se présente comme une grande grâce, 20.1-16 ; 22.9-10 ; Lc 12.32, acceptée par les humbles, 5.3 ; 18.3-4 ; 19.14, 23-24, et les renoncés, 13.44-46 ; 19.12 ; Mc 9.47 ; Lc 9.62 ; 18.29s, rejetée par les superbes et les égoïstes, 21.31-32, 43 ; 22.2-8 ; 23.13. On n’y entre qu’avec la robe nuptiale, 22.11-13, de la vie nouvelle, Jn 3.3, 5 ; il y a des exclus, 8.12 ; 1 Co 6.9-10 ; Ga 5.21. Il faut veiller pour être prêt quand il viendra à l’improviste, 25.1-13.
18 Comme il cheminait sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André son frère, qui jetaient l’épervier dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs.
21 Et avançant plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets ; et il les appela.
23 Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple.t
t Les guérisons miraculeuses sont le signe privilégié de l’avènement messianique, cf. 10.1, 7s ; 11.4s.
u Ce terme désigne un vaste territoire divisé en trois grandes provinces parmi lesquelles les « Syrie-Palestine ». veut ici montrer que la parole de Jésus est largement répandue.
v Nous disons aujourd’hui des « épileptiques », cf. 17.15.
w La Décapole était un groupement de dix villes libres avec leur territoire, disséminées surtout à l’est et au nord-est du Jourdain jusqu’à inclure Damas.
5 Voyant les foules, il gravit la montagne,y et quand il fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui.
x Jésus a exposé l’esprit nouveau du Royaume de Dieu, 4.17, dans un discours inaugural, que Mc a omis, Mc 3.19, et dont et Lc (Lc 6.20-49) présentent deux rédactions différentes. Luc a supprimé, comme moins intéressant pour ses lecteurs, ce qui concernait les lois ou pratiques juives, 5.17—6.18 ; au contraire a inséré des paroles prononcées en d’autres occasions (voir leurs parallèles dans Lc), afin d’obtenir un programme plus complet. La structure de base : 1° introduction 5.1-16, 2° nouvelle interprétation de la Loi morale biblique (le Décalogue, les grands commandements d’amour de Dieu et du prochain, les devoirs de piété) 5.17—7.12, 3° conclusion 7.13-29. Cette interprétation nouvelle représente un approfondissement et une intériorisation.
y Une des collines proches de Capharnaüm.
3 « Heureuxz ceux qui ont une âme de pauvre,a car le Royaume des Cieux est à eux.
z L’AT employait parfois des formules de félicitations comme celles-ci, à propos de piété, de sagesse, de prospérité, Ps 1.1-2 ; 33.12 ; 127.5-6 ; Pr 3.3 ; Si 31.8 ; etc. Des béatitudes similaires de caractère sapientiel ont été découvertes à Qûmran. Jésus rappelle, dans l’esprit des prophètes, que les pauvres aussi ont part à ces « bénédictions » les trois premières « béatitudes », 5.3-5, Lc 6.20-21, déclarent que des hommes considérés d’ordinaire comme malheureux et maudits sont heureux, puisqu’ils sont aptes à recevoir la bénédiction du Royaume. Les béatitudes suivantes intéressent plus directement l’attitude morale de l’homme. Autres béatitudes de Jésus, 11.6 ; 13.16 ; 16.17 ; 24.46 ; Lc 11.27-28 ; etc. Voir aussi Lc 1.45 ; Ap 1.3 ; 14.13 ; etc.
a Le Christ reprend le mot « pauvre » avec la nuance morale déjà perceptible chez Sophonie, cf. So 2.3, explicitée ici par l’expression « en esprit », absente de Lc 6.20. Démunis et opprimés, les « pauvres » ou les « humbles » sont disponibles pour le Royaume des Cieux, tel est le thème des Béatitudes, cf. Lc 4.18 ; 7.22 = 11.5 ; Lc 14.13 ; Jc 2.5. La « pauvreté » va de pair avec l’« enfance spirituelle » nécessaire pour entrer dans le Royaume, 18.1s = Mc 9.33s, cf. Lc 9.46 ; 19.13s ; 11.25s (le mystère révélé aux « petits » nèpioi, cf. Lc 12.32 ; 1 Co 1.26s). Aux « pauvres », ptôchoi, correspondent encore les « humbles », tapeinoi, Lc 1.48, 52 ; 14.11 ; 18.14 ; 23.12 ; 18.4, les « derniers » opposés aux « premiers », Mc 9.35, les « petits » opposés aux « grands », Lc 9.48 ; cf. 19.30 ; 20.26 (cf. Lc 17.10). Bien que la formule de 5.3 souligne l’esprit de pauvreté, chez le riche comme chez le pauvre, ce que le Christ envisage généralement est une pauvreté effective, en particulier pour ses disciples, 6.19s, cf. Lc 12.33s ; 6.25 ; 4.18s (cf. Lc 5.1s) ; 9.9 ; 19.21 ; 19.27 (cf. Mc 10.28) ; cf. Ac 2.44s ; 4.32s. Lui-même donne l’exemple de la pauvreté, Lc 2.7 ; 8.20, et de l’humilité, 11.29 ; 20.28 ; 21.5 ; Jn 13.12s ; cf. 2 Co 8.9 ; Ph 2.7s. Il s’identifie aux petits et aux malheureux, 25.45, cf. 18.5s.
4 Heureux les doux,b
car ils posséderont la terre.
b Ou « les humbles ». Repris du Ps selon le grec. Le v. 4 pourrait n’être qu’une glose du v. 3 ; son omission ramènerait le nombre des béatitudes à sept, cf. 6.9.
5 Heureux les affligés,
car ils seront consolés.
6 Heureux les affamés et assoiffés de la justice,
car ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux,
car ils obtiendront miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs,
car ils verront Dieu.
9 Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux les persécutés pour la justice,
car le Royaume des Cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi.
c Les disciples sont les successeurs des prophètes, cf. 10.41 ; 13.17 ; 23.34.
13 « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens.
14 « Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d’un mont.
d Dans l’Antiquité, le boisseau était un petit meuble à trois ou quatre pieds. Il ne serait donc question ici que de cacher la lampe sous ce meuble, un peu comme sous le lit de Mc 4.21, non de l’éteindre en la couvrant d’un boisseau moderne.
17 « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.e
e Jésus ne vient ni détruire la Loi, Dt 4.8 (et toute l’économie ancienne) ni la consacrer comme intangible, mais lui donner par son enseignement et son comportement une forme nouvelle et définitive, où se réalise enfin en plénitude ce vers quoi la Loi acheminait. C’est vrai en particulier de la « Justice », v. 20, cf. 3.15 ; Lv 19.15 ; Rm 1.16, justice « parfaite », v. 42, dont les sentences des vv. 21-48 donnent plusieurs exemples marquants. Le précepte ancien devient intérieur et porte jusqu’au désir et au motif secrets, cf. 12.34 ; 23.25-28. Aucun détail de la Loi ne doit donc être omis à moins d’avoir été ainsi conduit à son achèvement, vv. 18-19 ; cf. 13.52. Il s’agit moins d’allègement que d’approndissement, 11.28. L’amour, où déjà se résumait la Loi ancienne, 7.12 ; 22.34-40, devient le commandement nouveau et inépuisable de Jésus, Jn 13.34, et accomplit toute la Loi, Rm 13.8-10 ; Ga 5.14 ; cf. Col 3.14.
f En introduisant par Amen, Ps 41.14 ; Rm 1.25, certaines de ses paroles, Jésus en marque l’autorité 6.2, 5, 16, etc. ; Jn 1.51, etc. Le mot hébreu qui désignait à l’origine la fermeté a évolué dans deux directions celle de vérité et celle de fidélité. Ici cela signifie simplement « en vérité ».
g Littéralement « pas un iota, pas un menu trait ».
20 « Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux.
21 « Vous avez entenduh qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne tueras point ; et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal.
h L’enseignement traditionnel était donné oralement, surtout dans les synagogues.
i Le mot Raqa, traduit de l’araméen, signifie tête vide, sans cervelle.
j Ici le Grand Sanhédrin, qui siégeait à Jérusalem, par opposition aux simples « tribunaux », vv. 21-22, répandus dans le pays.
k Au sens premier du terme grec « insensé », l’usage juif ajoutait une nuance beaucoup plus grave d’impiété religieuse.
27 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas l’adultère.
31 « Il a été dit d’autre part : Quiconque répudiera sa femme, qu’il lui remette un acte de divorce.
33 « Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne te parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments.
35 ni par la Terre, car c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, car c’est la Ville du grand Roi.
l Cette formule apparemment bien connue, cf. 2 Co 1.17 ; Jc 5.12, peut s’expliquer de diverses façons : 1° Véracité si c’est oui, dites oui ; si c’est non, dites non. 2° Sincérité que le oui (ou le non) de la bouche corresponde au oui (ou au non) du cœur. 3° Solennité la répétition du oui ou du non serait une forme solennelle d’affirmation ou de négation qui doit suffire et dispenser de recourir à un serment engageant la divinité.
38 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent.
m Jésus fait allusion à ce qu’on appelle la « loi du talion ». En proportionnant la punition au tort causé, celle-ci représentait une restriction de la vengeance (cf. Gn 4, 23-24). Avec cette injonction de Jésus, on franchit une nouvelle étape de l’évolution des mœurs, dont on retrouve d’ailleurs l’écho dans des textes rabbiniques ultérieurs. On notera que tous les exemples concernent un mal par lequel on est soi-même lésé. Jésus n’interdit, ni de s’opposer dignement aux attaques injustes, cf. Jn 18.22s, ni, encore moins, de combattre le mal dans le monde.
n À titre de gage, cf. Ex 22.25s ; Dt 24.12s. Le tour volontairement paradoxal de la pensée est manifeste ; cf. 19.24.
43 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.o
o La deuxième partie de ce commandement ne se trouve pas telle quelle dans la Loi, et ne saurait s’y trouver. Cette expression forcée d’une langue pauvre en nuances (l’original araméen) équivaut à « Tu n’as pas à aimer ton ennemi. » Comparer Lc 14.26 et son parallèle 10.37. On trouve toutefois en Si 12.4-7 et dans les écrits de Qumrân (1 QS 1.10, etc.) une détestation des pécheurs qui n’est pas loin de la haine, et à laquelle Jésus a pu songer.
p Add. « faites du bien à ceux qui vous haïssent ».
q Add. « et pour ceux qui vous maltraitent », cf. Lc 6.27s.
r Percepteurs d’impôts (et donc souvent coupables d’extorsions), que leur profession vouait au mépris public ; cf. 9.10 ; 18.17.
6 « Gardez-vous de pratiquer votre justices devant les hommes, pour vous faire remarquer d’eux ; sinon, vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux.
s Littéralement « faire votre justice » (var. « faire l’aumône »), c’est-à-dire pratiquer les bonnes œuvres qui rendent un homme juste devant Dieu. Les principales étaient, aux yeux des Juifs, l’aumône, vv. 2-4, la prière, vv. 5-6, et le jeûne, vv. 16-18.
t Cette épithète, qui vise tous les faux dévots de piété affectée et tapageuse, s’applique spécialement, dans l’esprit de Matthieu, à la secte des Pharisiens voir 15.7 ; 22.18 ; 23.13-15.
5 « Et quand vous priez,u ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense.
u Par son exemple, 14.23, comme par ses instructions, Jésus a enseigné à ses disciples le devoir et la façon de prier. La prière doit être humble devant Dieu, Lc 18.10-14, et devant les hommes, 6.5-6 ; Mc 12.40, du cœur plus que des lèvres, 6.7, confiante en la bonté du Père, 6.8 ; 7.7-11, et insistante jusqu’à l’importunité, Lc 11.5-8 ; 18.1-8. Elle est exaucée si elle est faite avec foi, 21.22, au nom de Jésus, 18.19-20 ; Jn 14.13-14 ; Jn 15.7, 16 ; 16.23-27, et demande de bonnes choses, 7.11, telles que l’Esprit Saint, Lc 11.13, le pardon, Mc 11.25, le bien des persécuteurs 5.44 ; cf. Lc 23.34, surtout l’avènement du Règne de Dieu et la préservation lors de l’épreuve eschatologique, 24.20 ; 26.41 ; Lc 21.36 ; cf. Lc 22.31-32 : c’est toute la substance de la Prière modèle enseignée par Jésus lui-même, 6.9-15.
7 « Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter.
9 « Vous donc, priez ainsi :v
Notre Père qui es dans les cieux,
que ton Nom soit sanctifié,
v Dans la rédaction de Mt, le Pater contient sept demandes. Ce chiffre est cher à deux fois sept générations dans la Généalogie, 1.17 ; sept béatitudes, 5.3 ; sept paraboles, 13.3 ; pardonner non sept fois mais soixante-dix-sept fois, 18.22 ; sept malédictions des Pharisiens, 23.13. C’est peut-être pour obtenir ce chiffre de sept que a ajouté au texte de base (Lc 11.2-4) les troisième, cf. 7.21 ; 21.31 ; 26.42, et septième demandes, cf. le « Mauvais » 13.19, 38.
10 que ton Règne vienne,
que ta Volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
11 Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.w
w Traduction traditionnelle et probable d’un mot difficile. On a pu proposer aussi « nécessaire à la subsistance » et « de demain ». De toute façon la pensée est qu’il faut demander à Dieu le soutien indispensable de la vie matérielle, mais rien que cela, non la richesse ni l’opulence. — Les Pères ont appliqué ce texte à la nourriture de la foi, le pain de la parole de Dieu et le pain eucharistique : cf. Jn 6.22.
12 Remets-nous nos dettes
comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs.
13 Et ne nous laisse pas entrer en tentation ;x
mais délivre-nous du Mauvais.y
x « ne nous laisse pas entrer » (litt. « ne nous fais pas entrer ») le sens permissif du verbe araméen, utilisé par Jésus, n’a pas été rendu par le grec ni par la Vulgate, d’où la traduction usuelle « ne nous soumets pas ». Mais dès les premiers siècles, beaucoup des mss. latins remplaçaient Ne nos inducas par Ne nos patiaris induci.
y Ou « du mal ». — Add. « Car à toi appartiennent le Royaume et la puissance et la gloire pour les siècles. Amen. » Glose liturgique inspirée de 1 Ch 29.11-12, qui fait revenir la prière à son thème central, le Royaume de Dieu, v. 10. Absente des grands mss du NT, elle se trouve déjà dans le Didachè (2e s.) et dans des mss byzantins.
14 « Oui, si vous remettez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous remettra aussi ;
16 « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense.
19 « Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent.
22 « La lampe du corps, c’est l’œil. Si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera lumineux.
z À la lumière matérielle, dont l’œil, sain ou malade, dispense ou refuse le bienfait au corps, est comparée la lumière spirituelle qui rayonne de l’âme si elle-même se trouve obscurcis, l’aveuglement sera bien pire que celui de la cécité physique.
24 « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent.
25 « Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?
7 « Ne jugez pas, afin de n’être pas jugés ;a
a Ne jugez pas les autres, pour n’être pas jugés par Dieu. De même au v. suivant ; cf. Jc 4.12.
6 « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré,b ne jetez pas vos perles devant les porcs, de crainte qu’ils ne les piétinent, puis se retournent contre vous pour vous déchirer.
b Les viandes sacrées, aliments sanctifiés pour avoir été offerts au Temple, cf. Ex 22.30 ; Lv 22.14. — De même, il ne faut pas proposer une doctrine précieuse et sainte à des gens incapables de la bien recevoir et qui pourraient en abuser. Le texte ne précise pas qui sont ces gens les Juifs hostiles ? ou les païens (cf. 15.26) ?
7 « Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira.
12 « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes.
c Cette maxime de conduite était bien connue de l’Antiquité, notamment dans le judaïsme cf. Tb 4.15 ; lettre d’Aristée, Targum de Lv 19.18, Hillel, Philon, etc., mais sous forme négative ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fasse. Jésus, et après lui les écrits chrétiens, donnent à cette maxime un tour positif, qui est bien plus exigeant.
13 « Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemine qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ;
d La doctrine des deux voies, du bien et du mal, entre lesquelles l’homme doit choisir, est un thème ancien et répandu dans le judaïsme, cf. Dt 30.15-20 ; Ps 1 ; Pr 4.18-19 ; 12.28 ; 15.24 ; Si 15.17 ; 33.14. Il s’est exprimé dans un petit traité de morale qui nous est parvenu à travers la Didachè et sa traduction latine Doctrina Apostolorum. On croit sentir son influence en 5.14-18 ; 7.12-14 ; 19.16-26 ; 22.34-40 et en Rm 12.16-21 ; 13.8-12.
e Var. « large est la porte, et spacieux le chemin ».
15 « Méfiez-vous des faux prophètes,f qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces.
f Docteurs de mensonge qui séduisent le peuple par des faux semblants de piété tout en poursuivant des fins intéressées ; cf. 24.4s, 24 ; Ez 22.28 ; Jr 23.9-14.
21 « Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur », qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux.
g Au jour du Jugement dernier.
24 « Ainsi, quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc.
25 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n’a pas croulé : c’est qu’elle avait été fondée sur le roc.
28 Et il advint, quand Jésus eut achevé ces discours, que les foules étaient frappées de son enseignement :
h Qui abritaient tous leurs enseignements derrière la « tradition » des anciens, cf. 15.2. — Add. « et les Pharisiens ».
8 Quand il fut descendu de la montagne, des foules nombreuses se mirent à le suivre.
i Par ses miracles Jésus manifeste son pouvoir sur la nature, 8.23-27 ; 14.22-23, particulièrement sur la maladie, 8.1-4, 5-13, 14-15 ; 9.1-8, 20-22, 27-31 ; 14.34-36 ; 15.30 ; 20.29-34 et p ; Mc 7.32-37 ; 8.22-26 ; Lc 14.1-6 ; 17.11-19 ; Jn 5.1-16 ; 9.1-41 ; sur la mort, 9.23-26 ; Lc 7.11-17 ; Jn 11.1-44, et sur les démons, 8.29. Différents par leur simplicité des prodiges merveilleux de l’hellénisme et du judaïsme rabbinique, les miracles de Jésus s’en distinguent surtout par leur signification spirituelle et symbolique ils annoncent les châtiments, 21.18-22, et les dons de l’ère messianique, 11.5 ; 14.13-21 ; 15.32-39 ; Lc 5.4-11 ; Jn 2.1-11 ; 21.4-14, et inaugurent le triomphe de l’Esprit sur l’empire de Satan, 8.29, et les forces du Mal, péchés, 9.2, et maladies, 8.17. Accomplis parfois par pitié, 20.34 ; Mc 1.41 ; Lc 7.13, ils sont destinés surtout à confirmer la foi, 8.10 ; Jn 2.11. Aussi Jésus ne les opère-t-il qu’à bon escient, réclamant le secret pour ceux qu’il veut bien consentir, Mc 1.34, et se réservant de fournir plus tard le miracle décisif de sa propre Résurrection, 12.39-40. Ce pouvoir de guérison, Jésus l’a communiqué à ses apôtres en les envoyant prêcher le Royaume, 10.1, 8 ; c’est pourquoi a fait précéder les consignes de la mission, 10, par une série de dix miracles, 8-9, comme signes du missionnaire, Mc 16.17s ; Ac 2.22 ; cf. Ac 1.8.
5 Comme il était entré dans Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui en le suppliant :
j Cette foi que Jésus requiert dès le début de son activité, Mc 1.15, et qu’il requerra sans cesse, est un mouvement de confiance et d’abandon par lequel l’homme renonce à compter sur ses pensées et sur ses forces, pour s’en remettre à la parole et à la puissance de Celui en qui il croit, Lc 1.20, 45 ; 21.25, 32. Jésus la demande en particulier à l’occasion de ses miracles, 8.13 ; 9.2, 22, 28-29 ; 15.28 ; Mc 5.36 ; 10.52 ; Lc 17.19, qui sont moins des actes de miséricorde que des signes de sa mission et du Royaume, 8.3, cf. Jn 2.11 ; aussi ne peut-il en accomplir s’il ne trouve pas cette foi qui doit leur donner leur vrai sens, 12.38-39 ; 13.58 ; 16.1-4. Exigeant un sacrifice de l’esprit et de tout l’être, la foi est un geste difficile d’humilité, 18.6, que beaucoup refusent de faire, particulièrement en Isräel, 8.10 ; 15.28 ; 27.42 ; Lc 18.8, ou ne font qu’à moitié, Mc 9.24 ; Lc 8.13. Les disciples eux-mêmes sont lents à croire, 8.26 ; 14.31 ; 16.8 ; 17.20, même après la Résurrection, 28.17 ; Mc 16.11-14 ; Lc 24.11, 25, 41. La foi la plus sincère de leur chef, le « Roc », 16.16-18, sera ébranlée par le scandale de la Passion, 26.69-75, mais elle en triomphera, Lc 22.32. Quand elle est forte, la foi opère des merveilles, 17.20 ; 21.21 ; Mc 16.17, obtient tout, 21.22 ; Mc 9.23, en particulier la rémission des péchés, 9.2 ; Lc 7.50, et le salut, dont elle est la condition indispensable, Lc 8.12 ; Mc 16.16, cf. Ac 3.16.
k À la suite de Isa 25.6 ; 55.1-2 ; Ps 22.27, etc., le judaïsme a souvent représenté les joies de l’ère messianique sous l’image d’un festin cf. 22.2-14 ; 26.29 ; Lc 14.15 ; Ap 3.20 ; 19.9.
l C’est-à-dire les Juifs, héritiers naturels des promesses. Ceux d’entre eux qui n’auront pas cru au Christ verront des païens prendre leurs places.
m Image biblique de la colère et du dépit des impies à l’égard des justes : cf. Ps 35.16 ; 37.12 ; 112.10 ; Jb 16.9. Elle décrit chez la damnation.
14 Étant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec la fièvre.
16 Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot, et il guérit tous les malades,
Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies.n
n Pour Isaïe, le Serviteur a « pris » sur lui-même nos douleurs par sa propre souffrance expiatrice. entend que Jésus les a « prises » en les enlevant par ses guérisons miraculeuses. Cette interprétation, apparemment forcée, est en réalité d’une profonde vérité théologique ; c’est parce que Jésus, le « Serviteur », est venu prendre sur lui l’expiation des péchés, qu’il a pu soulager les hommes des maux corporels, qui sont la suite et la peine du péché.
18 Se voyant entouré de foules nombreuses, Jésus donna l’ordre de s’en aller sur l’autre rive.o
o La rive orientale du lac de Tibériade.
p Fils de l’homme. Ce sémitisme énigmatique revêt deux sens un sens ordinaire « homme », « être humain » (Ez 2.1, Ps 8.4) ; souvent simple équivalent de « je », « moi », parfois par modestie comme c’est le cas ici ; un sens théologique par référence à Dn 7.13-14, où le titre de Fils de l’homme désigne un être céleste, transcendant, peut-être angélique, voire divin, auquel est donné le Royaume de Dieu. Cet être céleste est plus clairement dessiné dans les livres apocryphes, 1 Henok 46-9 etc, et 4 Esdras 13, où il est identifié avec le Messie. Il s’agit donc d’une expression qui se réfère paradoxalement à la fois à l’humilité et à l’exaltation divine, ce qui en fait, malgré de possibles confusions, une clé christologique. Dans le NT l’expression ne se trouve que sur les lèvres de Jésus (4 exceptions Jn 12.34, Ac 7.56, Ap 1.13 ; 14.14), le plus souvent comme une référence à sa propre personne. Dans les Synoptiques cette formule se réfère (a) à la vie présente, terrestre de Jésus (par ex. ici) ; (b) aux prédictions de sa souffrance, mort et résurrection (par ex., Mc 8.31, 9.31, 10.33-34) ; (c) à sa venue comme Fils de l’homme dans un avenir glorieux (par ex. Mc 8.38, 13.26, 14.62 et par.).
21 Un autre des disciples lui dit : « Seigneur, permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père. »
23 Puis il monta dans la barque, suivi de ses disciples.
28 Quand il fut arrivé sur l’autre rive, au pays des Gadaréniens,q deux démoniaques,r sortant des tombeaux, vinrent à sa rencontre, des êtres si sauvages que nul ne se sentait de force à passer par ce chemin.
q Ainsi nommés d’après la ville de Gadara, sise au sud-est du lac. La var. « Géraséniens » (Mc, Lc et Vulg. de Mt) dérive du nom d’une autre ville, Gérasa ou peut-être Chorsia ; la var. « Gergéséniens » provient d’une conjecture d’Origène.
r Deux démoniaques, au lieu d’un chez Mc et Lc ; de même deux aveugles à Jéricho, 20.30, et deux aveugles à Bethsaïde, 9.27, miracle qui est un démarquage du précédent. Ce dédoublement des personnages peut être un procédé de style de Mt.
s En attendant le jour du Jugement, les démons jouissent d’une certaine liberté d’exercer leurs sévices sur la terre. Ap 9.5, ce qu’ils font de préférence en possédant les hommes, 12.43-45. Cette possession s’accompagne souvent d’une maladie, celle-ci étant, à titre de suite du péché, 9.2, une autre manifestation de l’emprise de Satan, Lc 13.16. Aussi les exorcismes de l’Évangile, qui apparaissent parfois comme ici à l’état pur, cf. 15.21-28 ; Mc 1.23-28 ; Lc 8.2, se font-ils souvent par mode de guérison, 9.32-34 ; 12.22-24 ; 17.14-18 ; Lc 13.10-17. Par son pouvoir sur les démons, Jésus décrit l’empire de Satan, 12.28 ; Lc 10.17-19 ; cf. Lc 4.6 ; Jn 12.31, et inaugure le règne messianique dont l’Esprit Saint est la promesse caractéristique, Isa 11.2 ; Jl 3.1s. Si les hommes refusent de le comprendre, 12.24-32, les démons, eux, le savent bien, ici et Mc 1.24 ; 3.11 ; Lc 4.41 ; Ac 16.17 ; 19.15. Ce pouvoir d’exorcisme, Jésus le communique à ses disciples en même temps que le pouvoir des guérisons miraculeuses, 10.1, 8, qui lui est connexe, 8.3 ; 4.24 ; 8.16 ; Lc 13.32.
t Pour un auditoire judéochrétien, un tel récit avait un aspect humoristique et un aspect pragmatique utilitaire, comme l’élimination de rats ou de vermine.
9 S’étant embarqué, il traversa et vint dans sa ville.u
u Capharnaüm, cf. 4.13.
v Jésus envisage la guérison de l’âme avant celle du corps et n’opère celle-ci qu’en vue de celle-là. Mais déjà cette parole enfermait une promesse de guérison, les infirmités étant considérées comme la conséquence d’un péché commis par le patient ou par ses parents, cf. 8.29 ; Jn 5.14 ; 9.2.
w Remettre les péchés de l’âme est en soi plus difficile que de guérir le corps ; mais c’est plus facile à dire, parce que cela ne peut se vérifier extérieurement.
x Noter le pluriel songe sans doute aux ministres de l’Église, qui ont reçu ce pouvoir du Christ, 18.18.
9 Étant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu,y et il lui dit : « Suis-moi ! » Et, se levant, il le suivit.
y Le même qui est appelé Lévi par Mc et Lc.
10 Comme il était à table dans la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheursz vinrent se mettre à table avec Jésus et ses disciples.
z Gens que leurs mœurs personnelles ou leur profession malfamée, cf. 5.46, rendaient « impurs » et à ne pas fréquenter. Ils étaient particulièrement suspects de ne pas observer les nombreuses lois concernant l’alimentation, d’où des problèmes de commensalité, Mc 7.3-4, 14-23 ; Ac 10.15 ; 15.20 ; Ga 2.12 ; cf. 1 Co 8-9 ; Rm 14.
a À la pratique rigoriste et extérieure de la Loi, Dieu préfère les sentiments intérieurs d’un cœur sincère et compatissant. C’est là un thème fréquent des prophètes, Am 5.21.
14 Alors les disciples de Jeanb s’approchent de lui en disant : « Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous, et tes disciples ne jeûnent-ils pas ? »
b Jean-Baptiste. Ses disciples, comme les Pharisiens, pratiquaient des jeûnes surérogatoires pour hâter par leur piété la venue du Royaume. Cf. Lc 18.12.
c L’époux est Jésus, dont les compagnons, c’est-à-dire les « garçons d’honneur », ne peuvent jeûner parce qu’avec lui les temps messianiques sont déjà commencés.
d Claire annonce de la mort de Jésus.
17 On ne met pas non plus du vin nouveau dans des outres vieilles ; autrement, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre se conservent. »e
e Matthieu retouche légèrement Mc 2.21-22, afin de souligner la continuité entre l’ancienne économie du salut et la nouvelle, entre ce qui, pour lui, est bon mais incomplet et ce qui est complet. Le « morceau » (v. 16), en grec plérôma qui signifie aussi « plénitude » cf. 5.17s, est un jeu de mot volontaire.
18 Tandis qu’il leur parlait, voici qu’un cheff s’approche, et il se prosternait devant lui en disant : « Ma fille est morte à l’instant ; mais viens lui imposer ta main et elle vivra. »
f Chef de synagogue, et qui s’appelait Jaïre d’après Mc et Lc.
20 Or voici qu’une femme, hémorroïsse depuis douze années, s’approcha par derrière et toucha la frange de son manteau.
23 Arrivé à la maison du chef et voyant les joueurs de flûte et la foule en tumulte,g Jésus dit :
g Manifestations bruyantes du deuil oriental.
27 Comme Jésus s’en allait de là, deux aveugles le suivirent, qui criaient et disaient : « Aie pitié de nous, Fils de David ! »h
h Titre messianique, 2 S 7.1 ; cf. Lc 1.32 ; Ac 2.30 ; Rm 1.3, communément reçu dans le judaïsme, Mc 12.35 ; Jn 7.42, et dont a particulièrement souligné l’application à Jésus, 1.1 ; 12.23 ; 15.22 ; 20.30 ; 21.9, 15. Jésus ne l’a pourtant accepté qu’avec réserve, parce qu’engageant une conception trop purement humaine du Messie, 22.41-46 ; cf. Mc 1.34, et lui a préféré le titre mystérieux de Fils de l’homme, 8.20. Pourquoi s’adresser au « fils de David » pour demander une guérison ? David n’était pas guérisseur. Mais Salomon, fils et successeur de David, était vu comme guérisseur par des juifs au temps de l’évangile (voir le Testament de Salomon).
32 Comme ils sortaient, voilà qu’on lui présenta un démoniaque muet.
i V. omis par des témoins du texte « occidental ».
35 Jésus parcourait toutes les villes et les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur.
36 À la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger.j
j Image biblique Nb 27.17 ; 1 R 22.17 ; Jdt 11.19 ; Ez 34.5 ; 2 Ch 18.16.
10 Ayant appelé à lui ses douze disciples,k Jésus leur donna pouvoir sur les esprits impurs, de façon à les expulser et à guérir toute maladie et toute langueur.
k suppose connu le choix des Douze, que Mc et Lc mentionnent explicitement en le distinguant de la mission.
2 Les noms des douze apôtresl sont les suivants : le premier, Simon appelé Pierre, et André son frère ; puis Jacques, le fils de Zébédée, et Jean son frère ;
l Le catalogue des douze apôtres, cf. Mc 3.14 et Lc 6.13, nous est parvenu sous quatre formes, selon Mt, Mc Lc, et Ac. Il se divise en trois groupes de quatre noms, dont le premier est le même dans toutes les formes Pierre, Philippe et Jacques d’Alphée. Mais l’ordre peut changer à l’intérieur de chaque groupe. Dans le premier groupe, celui des disciples les plus proches de Jésus, et Lc rapprochent les frères Pierre et André, Jacques et Jean ; mais chez Mc Ac, André est reporté au quatrième rang pour céder la place aux deux fils de Zébédée, devenus avec Pierre les trois intimes du Seigneur, cf. Mc 5.37. Plus tard encore, dans Ac, Jacques de Zébédée passera après son frère plus jeune, Jean, devenu plus important, cf. Ac 1.13 ; 12.2, et déjà Lc 8.51 ; 9.28. Dans le deuxième groupe, qui semble avoir eu des affinités spéciales avec les non-Juifs, Matthieu passe au dernier rang dans les listes de et de Ac ; et dans seul il est appelé « le publicain ». Quant au troisième groupe, le plus judaïsant, si Thaddée (var. Lebbée) de Mc est le même que Judas (fils) de Jacques de Lc Ac, il descend chez ces derniers du deuxième au troisième rang. Simon le Zélote de Lc Ac n’est que la traduction grecque de l’araméen Simon Qan’ana de et Mc. Judas Iscariote, le traître, figure toujours en dernier lieu. Son nom est souvent interprété comme « homme de Qerioth », cf. Jos 15.25, mais il pourrait aussi venir de l’araméen sheqarya « le menteur, l’hypocrite ».
3 Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, le fils d’Alphée, et Thaddée ;
« Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ;
m Hébraïsme biblique le peuple d’Israël. — Comme héritiers de l’élection et des promesses, les Juifs doivent recevoir les premiers l’offre du salut messianique mais cf. Ac 8.5 ; 13.5.
11 « En quelque ville ou village que vous entriez, faites-vous indiquer quelqu’un d’honorable et demeurez-y jusqu’à ce que vous partiez.
n Le salut oriental consiste à souhaiter la paix. Ce souhait est conçu, v. 13, comme quelque chose de très concret, qui ne peut rester vain et revient, s’il ne peut s’accomplir, à celui qui l’a émis.
o Locution d’origine judaïque. Est regardée comme impure la poussière de tout pays qui n’est pas la Terre sainte, ici de tout pays qui n’accueille pas la Parole.
17 « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrinsq et vous flagelleront dans leurs synagogues ;
p Les enseignements des vv. 17-39 dépassent manifestement l’horizon de cette première mission des Douze et ont dû être prononcés plus tard (voir leur place en Mc et Lc). les a groupés ici pour composer un bréviaire complet du missionnaire.
q Les petits sanhédrins de province, et le Grand Sanhédrin de Jérusalem ; cf. 5.21-22.
21 « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mourir.
23 « Si l’on vous pourchasse dans telle ville, fuyez dans telle autre, et si l’on vous pourchasse dans celle-là, fuyez dans une troisième ;r en vérité je vous le dis, vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme.s
r Om. « et si... une troisième ».
s L’avènement ici annoncé concerne, non le monde en général mais Israël en particulier, avec la ruine de Jérusalem et de son Temple ; cf. au contraire 24.1.
24 « Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son patron.
26 « N’allez donc pas les craindre ! Rien, en effet, n’est voilé qui ne sera révélé, rien de caché qui ne sera connu.
t Jésus n’a pu délivrer son message que de façon voilée, parce que ses auditeurs ne pouvaient le comprendre, Mc 1.34, et que lui-même n’avait pas encore accompli son œuvre en mourant et ressuscitant. Plus tard ses disciples pourront et devront tout proclamer sans aucune crainte. Le sens des mêmes paroles dans Lc est tout différent que les disciples n’imitent pas l’hypocrisie des Pharisiens ; tout ce qu’ils prétendraient cacher finirait bien par être connu ; qu’ils parlent donc ouvertement.
28 « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps.
29 Ne vend-on pas deux passereaux pour un as ? Et pas un d’entre eux ne tombera au sol à l’insu de votre Père !
32 « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ;u
u Lors du Jugement dernier, quand le Fils remettra les élus à son Père, cf. 25.34.
34 « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
v Jésus est un « signe de contradiction », Lc 2.34, qui, sans vouloir les discordes, les provoque nécessairement par les exigences du choix qu’il requiert.
37 « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.
w Dans cette parole, de forme plus archaïque qu’en Mc et Lc, « trouver » est à entendre avec la nuance de « gagner, obtenir, se procurer », cf. Gn 26.12 ; Os 12.9 ; Pr 3.13 ; 21.21. Voir 16.25.
40 « Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
x Dans ces trois versets on trouve vraisemblablement la structure de l’Église matthéenne. Au sommet l’autorité apostolique (v. 40), utilisant une formule juridique juive pour la transmission de pouvoirs mais ici mise en rapport avec Dieu. Puis, v. 41, les enseignants (voir 13.52 ; 23.34 pour plus de précisions) et les témoins qui ont résisté héroïquement pendant les persécutions (cf. 13.17 ; 23.29) ; enfin (v. 42) les petits (voir 18.10, 14).
41 « Qui accueille un prophète au nom d’un prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste au nom d’un juste recevra une récompense de juste.
42 « Quiconque donnera à boire à l’un de ces petits rien qu’un verre d’eau fraîche, au nom d’un disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense. »
11 Et il advint, quand Jésus eut achevé de donner ces consignes à ses douze disciples, qu’il partit de là pour enseigner et prêcher dans leurs villes.y
y Les villes des Juifs.
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya de ses disciplesz pour lui dire :
z Var. « deux de ses disciples », cf. Lc 7.18.
a Sans douter absolument de Jésus, Jean-Baptiste s’étonne de le voir réaliser un type du Messie si différent de celui qu’il attendait, cf. 3.10-12.
b Littéralement « les pauvres sont évangélisés », cf. 4.23 ; Lc 1.19. Par cette allusion aux oracles d’Isaïe, Jésus montre à Jean que ses œuvres inaugurent bien l’ère messianique, mais par mode de bienfaits et de salut, non de violence et de châtiment. Cf. Lc 4.17-21.
7 Tandis que ceux-là s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules au sujet de Jean : « Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ?
8 Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu de façon délicate ? Mais ceux qui portent des habits délicats se trouvent dans les demeures des rois.
Voici que moi j’envoie mon messager en avant de toi
pour préparer ta route devant toi.
11 « En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.c
c Par ce seul fait qu’il appartient au Royaume, tandis que Jean, en tant que Précurseur est resté à la porte. Cette parole oppose deux époques de l’œuvre divine, deux « économies », sans déprécier en rien la personne de Jean les temps du Royaume transcendent totalement ceux qui les ont précédés et préparés.
d Expression diversement interprétée. Il peut s’agir :1° de la sainte violence de ceux qui s’emparent du royaume au prix des plus durs renoncements ; 2° de la mauvaise violence de ceux qui veulent établir le Royaume par les armes (les Zélotes) ; 3° de la tyrannie des Puissances démoniaques, ou de leurs suppôts terrestres, qui prétendent garder l’empire de ce monde et entraver l’essor du Royaume de Dieu. Enfin certains traduisent « le Royaume des Cieux se fraie sa voie avec violence », c’est-à-dire s’établit avec puissance en dépit de tous les obstacles.
13 Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu’à Jean.
e Jean est venu achever, dans la perspective de Matthieu, l’économie de l’ancienne Alliance en prenant la succession du dernier des prophètes, Malachie, dont il accomplit la dernière prédiction, Ml 3.23.
16 « Mais à qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins qui, assis sur les places, en interpellent d’autres,
« Nous vous avons joué de la flûte,
et vous n’avez pas dansé !
Nous avons entonné un chant funèbre,
et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine ! »
18 Jean vient en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit : « Il est possédé ! »
19 Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! » Et justice a été rendue à la Sagesse par ses œuvres. »f
f Var. « par ses enfants », cf. Lc 7.35. — À la façon d’enfants boudeurs qui repoussent tous les jeux qu’on leur offre (ici jeux de mariage et d’enterrement), les Juifs rejettent toutes les avances de Dieu, aussi bien la pénitence de Jean que la condescendance de Jésus. L’une et l’autre se légitiment pourtant par les situations différentes de Jean-Baptiste et de Jésus par rapport à l’ère messianique cf. 9.14-15 ; 11.11-13. — En dépit de la mauvaise volonté des hommes, le sage dessein de Dieu se réalise et se justifie lui-même par la conduite qu’il inspire à Jean-Baptiste et à Jésus. Les « œuvres » de ce dernier, en particulier, c’est-à-dire ses miracles, v. 2, sont le témoignage qui convainc ou condamne, vv. 6 et 20-24. Jésus est encore rapproché de la Sagesse en 11.28-30 ; 12.42 ; 23.34 ; Jn 6.35 ; 1 Co 1.24. — Une autre exégèse ne voit ici qu’un proverbe dont l’application aux incrédules annonce que leur fausse sagesse, cf. v. 25, récoltera ses justes fruits, à savoir les châtiments divins, vv. 20-24.
20 Alors il se mit à invectiver contre les villes qui avaient vu ses plus nombreux miracles mais n’avaient pas fait pénitence.
21 « Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon,g il y a longtemps que, sous le sac et dans la cendre, elles se seraient repenties.
g Villes dont les menaces des prophètes avaient fait des types d’impiété : Am 1.9-10 ; Isa 23 ; Ez 26-28 ; Za 9.2-4.
25 En ce temps-là Jésus prit la parole et dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché celah aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.
h Ce passage, vv. 25-27, étant sans connexion étroite avec le contexte où l’a inséré (cf. sa place différente en Lc), « cela » ne se rapporte pas à ce qui précède, mais doit s’entendre absolument des « mystères du Royaume », 13.11, découverts aux « tout-petits », les disciples, cf. 10.42, mais cachés aux « sages », les Pharisiens et leurs docteurs.
i La profession de relations intimes avec Dieu, vv. 26-27, et l’appel à se faire disciple, vv. 28-30, évoquent maints passages des livres sapientiaux, Pr 8.22-36 ; Si 24.3-9 et 19-20 ; Sg 8.3-4 ; 9.9-18, etc. Jésus s’attribue ainsi le rôle de la Sagesse, cf. 11.19, mais d’une façon éminente, non plus comme une personnification mais comme une personne, « le Fils » par excellence du « Père », cf. 4.3. Ce passage de ton johannique, cf. Jn 1.18 ; 3.11, 35 ; 6.46 ; 10.15, etc., exprime, dans le fond le plus primitif de la tradition synoptique comme chez Jn, la conscience claire que Jésus avait de sa filiation divine. La structure de ce passage aurait pu être influencée par Si 51 sur ce thème des relations privilégiées avec Dieu, voir aussi Ex. 33.12-23.
28 « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,j et moi je vous soulagerai.
j Allusion à la Loi, dont le « fardeau » est parfois alourdi par certaines observances surajoutées (notamment par les pharisiens). Le « joug de la Loi » est une métaphore fréquente chez les rabbins, voir déjà So 3.9 (LXX) ; Lm 3.27 ; Jr 2.20 ; 5.5 ; cf. Isa 14.25. Si 6.24-30 ; 51.26-27 l’exploite déjà dans un contexte de sagesse, avec l’idée de labeur facile et reposant.
k Épithètes classiques des « Pauvres » de l’AT, cf. So 2.3 ; Dn 3.87. Jésus revendique leur attitude religieuse et s’en autorise pour se faire leur maître de sagesse, comme c’était annoncé du « Serviteur », Isa 61.1-2 et Lc 4.18 ; voir encore 12.18-21 ; 21.5. De fait c’est pour eux qu’il a prononcé les Béatitudes, 5.3, et mainte autre instruction de sa Bonne Nouvelle.
30 Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. »
12 En ce temps-là Jésus vint à passer, un jour de sabbat, à travers les moissons. Ses disciples eurent faim et se mirent à arracher des épis et à les manger.
l On ne reproche pas aux disciples de cueillir en passant des épis dans le champ d’autrui (Dt 23.26 le permettait), mais de le faire le jour du sabbat. Les casuistes voyaient là un « travail », interdit par la Loi, Ex 34.21.
m Le sabbat ne supprimait pas, mais aggravait plutôt les activités des ministres du culte.
n En cette occasion et lors de guérisons qu’il opère le jour du sabbat, 12.9 14 ; Lc 13.10 17 ; 14.1-6 ; Jn 5.1-18 et 7.19 24 ; 9, Jésus affirme que même une institution divine comme celle du repos sabbatique n’a pas une valeur absolue, qu’elle doit céder à la nécessité ou à la charité, et que lui-même a le pouvoir d’interpréter avec autorité la Loi mosaïque, cf. 5.17 ; 15.1-7 ; 19.1-9. Il l’a en tant que « Fils de l’homme », chef du Royaume messianique, 8.20, et chargé dès ici-bas, 9.6, d’en établir l’économie nouvelle, 9.17, supérieure à l’ancienne car « il y a ici plus grand que le Temple ». — Les rabbins admettaient des dispenses de la loi du sabbat, mais leurs scrupules les restreignaient le plus possible.
9 Parti de là, il vint dans leur synagogue.
15 L’ayant su, Jésus se retira de là. Beaucoup le suivirent et il les guérit tous
16 et il leur enjoignit de ne pas le faire connaître,
18 Voici mon Serviteur que j’ai choisi,
mon Bien-Aimé qui a toute ma faveur.
Je placerai sur lui mon Esprit
et il annoncera le Droito aux nations.
o Le « Droit » divin, qui règle les rapport de Dieu avec les hommes et s’exprime essentiellement par la Révélation et la vraie Religion qui en découle.
19 Il ne fera point de querelles ni de cris
et nul n’entendra sa voix sur les grands chemins.
20 Le roseau froissé, il ne le brisera pas,
et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas,
jusqu’à ce qu’il ait mené le Droit au triomphe :
21 en son nom les nations mettront leur espérance.
22 Alors on lui présenta un démoniaque aveugle et muet ; et il le guérit, si bien que le muet pouvait parler et voir.
p Divinité cananéenne dont le nom signifie « Baal le Prince » (et non « Baal du fumier » comme on l’a souvent dit), ce qui explique que l’orthodoxie monothéiste en ait fait le « Prince des démons ». La forme « Béelzéboub » (syr. et Vulg.) est un jeu de mots méprisant (cf. déjà 2 R 1.2s) qui transforme ce titre en « Baal des mouches ».
25 Connaissant leurs sentiments, il leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; et nulle ville, nulle maison, divisée contre elle-même, ne saurait se maintenir.
q Littéralement « vos fils », tournure sémitique.
29 « Ou encore, comment quelqu’un peut-il pénétrer dans la maison d’un homme fort et s’emparer de ses affaires, s’il n’a d’abord ligoté cet homme fort ? Et alors il pillera sa maison.
30 « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe.
r L’homme est excusable de se méprendre sur la dignité divine de Jésus, voilée par ses humbles apparences de « Fils de l’homme », 8.20 ; il ne l’est pas de fermer ses yeux et son cœur aux œuvres éclatantes de l’Esprit. En les niant, il rejette l’avance suprême que lui fait Dieu, et se met hors du salut, cf. He 6.4-6 ; 10.26-31.
33 « Prenez un arbre bon : son fruit sera bon ; prenez un arbre gâté : son fruit sera gâté. Car c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre.
s Il ne s’agit pas simplement de parole « oiseuse », mais de parole mauvaise, en somme de calomnie.
38 Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et lui dirent : « Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. »t
t Un prodige qui exprime et justifie l’autorité que revendique Jésus, cf. Isa 2.11s ; Lc 1.18 ; Jn 2.11. Aucun autre signe ne sera donné que celui de sa résurrection, qui sera le signe décisif et dont ici l’annonce est voilée.
u Image tirée de la Bible, cf. Os 1.2.
v En 16.4 Matthieu ne précise pas, comme ici au v. 40, le sens du « signe de Jonas », et Lc 11.29s l’entend de la prédication de Jésus, qui est un signe pour ses contemporains comme Jonas le fut pour les Ninivites. Cette deuxième interprétation est d’alleurs sous-jacente ici au v. 41. Or elle est moins vraisemblable. Non seulement la prédication déjà actuelle de Jésus ne peut être annoncée comme future, mais encore, et surtout, dans la tradition juive Jonas était célèbre pour sa délivrance miraculeuse, bien plus que pour sa prédication aux païens, qui déplaisait plutôt. Même si son explicitation du v. 40 est tardive, l’interprétation de doit donc mieux refléter que celle de Lc la pensée de Jésus il annonce de façon voilée son triomphe final. Marc n’a pas d’allusion à Jonas, cf. Mc 8.12.
w Cette expression toute faite, tirée telle quelle de Jon 2.1 ne s’applique que de façon approximative à l’intervalle entre la mort et la résurrection du Christ.
43 Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il erre par des lieux arides en quête de repos,x et il n’en trouve pas.
x Les anciens considéraient les lieux déserts comme peuplés de démons, cf. Lv 16.8 ; 17.7 ; Isa 13.21 ; 34.14 ; Ba 4.35 ; Ap 18.2 ; 8.28. Toutefois ceux-ci préfèrent encore habiter au milieu des hommes, 8.29.
46 Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frèresy se tenaient dehors, cherchant à lui parler.
y Il y a plusieurs mentions des « frères » (et des « sœurs ») de Jésus : voir 13.55 ; Jn 7.3 ; Ac 1.14 ; 1 Co 9.5 ; Ga 1.19. Tout en ayant le sens premier de « frère de sang » le mot grec utilisé (adelphos), comme le mot correspondant en hébreu et en araméen, peut désigner des relations de parenté plus larges (cf. Gn 13.8 ; 29.15 ; Lv 10.4), et notamment un cousin germain (1 Ch 23.22). Le grec possède un autre terme pour « cousin » (anèpsios, voir Col 4.10, seul emploi de ce terme dans le NT). Mais le livre de Tobie témoigne de ce que les deux mots peuvent être utilisés indifféremment pour parler de la même personne voir Tb 7.4 « notre frère Tobit » (adelphos ou anèpsios selon les manuscrits). Depuis les Pères de l’Église, l’interprétation prédominante a vu dans ces « frères » de Jésus des « cousins », en accord avec la croyance en la virginité perpétuelle de Marie. En outre, cela est cohérent avec Jn 19.26-27 qui laisse supposer qu’à la mort de Jésus, Marie était seule.
z Le v. 47 est omis par de bons témoins, le scribe ayant probablement sauté de la fin du v. 46 à la fin, presque identique, du v. 47. (= « homeotéleuton »).
a Les liens de la parenté charnelle passent après ceux de la parenté spirituelle, cf. 8.21s ; 10.37 ; 19.29.
13 En ce jour-là,b Jésus sortit de la maison et s’assit au bord de la mer.
b Cette expression stéréotypée est une simple transition, sans valeur chronologique.
Il disait : « Voici que le semeur est sorti pour semer.
c Aux deux paraboles qu’il a en commun avec Mc, en ajoute cinq autres, ce qui fait sept, cf. 6.9.
5 D’autres sont tombés sur les endroits rocheux où ils n’avaient pas beaucoup de terre, et aussitôt ils ont levé, parce qu’ils n’avaient pas de profondeur de terre ;
d Add. « pour entendre ». De même en 11.15 ; 13.43.
10 Les disciples s’approchant lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » —
12 Car celui qui a, on lui donnera et il aura du surplus, mais celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera enlevé.e
e Pour les âmes bien disposées, on ajoutera à l’acquis de l’ancienne Alliance le perfectionnement de la nouvelle, cf. 5.17, 20 ; aux âmes mal disposées, on ôtera même ce qu’elles ont.
f Endurcissement volontaire et coupable qui entraîne et explique le retrait de la grâce. Tous les récits qui précèdent ont préparé le discours parabolique en illustrant cet endurcissement, 11.16-19, 20-24 ; 12.7, 14, 24-32, 34, 39, 45. À ces esprits obscurcis, que la pleine lumière sur le caractère humble et caché du vrai messianisme ne ferait qu’aveugler davantage, Mc 1.34, Jésus ne pourra donner qu’une lumière tamisée par les symboles demi-lumière qui sera encore une grâce, un appel à demander mieux et à recevoir plus.
Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas ;
vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
15 C’est que l’esprit de ce peuple s’est épaissi :
ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux,
de peur que leurs yeux ne voient,
que leurs oreilles n’entendent,
que leur esprit ne comprenne,
qu’ils ne se convertissent,
et que je ne les guérisse.
16 « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient ; heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent.
g Ceux de l’ancienne Alliance, 23.29 ; cf. 10.41. Saint Paul a insisté sur les longs silences dont a été entouré le « Mystère » Rm 16.25 ; Ep 3.4-5 ; Col 1.26. Cf. aussi 1 P 1.11-12.
18 « Écoutez donc, vous, la parabole du semeur.
h Cette tournure étrange vient d’une certaine confusion dans l’interprétation de la parabole, qui identifie les hommes, tantôt avec les divers terrains qui reçoivent plus ou moins bien la Parole, tantôt avec la semence elle-même, de plus ou moins bonne qualité, qui produit soit trente, soit soixante, soit cent.
24 Il leur proposa une autre parabole : « Il en va du Royaume des Cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
31 Il leur proposa une autre parabole : « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son champ.
33 Il leur dit une autre parabole : « Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait levé. »i
i Comme le grain de sénevé et le levain, le Royaume a des débuts modestes, mais un grand et soudain développement.
34 Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole ;
J’ouvrirai la bouche pour dire des paraboles,
je clamerai des choses cachées depuis la fondation du monde.j
j Plusieurs témoins omettent « du monde ».
36 Alors, laissant les foules, il vint à la maison ; et ses disciples s’approchant lui dirent : « Explique-nous la parabole de l’ivraie dans le champ. »
k Littéralement « les fils du Royaume » et « les fils du Mauvais », sémitismes.
41 le Fils de l’homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d’iniquité,
l Au Royaume du Fils (règne messianique) du v. 41 succède le Royaume du Père auquel le Fils remet les élus qu’il a sauvés. Cf. 25.34 ; 1 Co 15.24.
44 « Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver : il le recache, s’en va ravi de joie vendre tout ce qu’il possède, et achète ce champ.
m Qui trouve le Royaume des Cieux doit tout quitter pour y entrer, cf. 19.21 ; Lc 9.57-62.
45 « Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines :
47 « Le Royaume des Cieux est encore semblable à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de choses.
51 « Avez-vous compris tout cela ? » — « Oui », lui disent-ils.
n Le docteur juif devenu disciple du Christ possède et administre toute la richesse de l’ancienne Alliance augmentée par les perfectionnements de la nouvelle, v. 12. Cet éloge du « scribe chrétien » résume tout l’idéal de l’évangéliste Matthieu et paraît bien être sa signature discrète. Le verset invite les disciples à être eux aussi créateurs de nouvelles paraboles.
53 Et il advint, quand Jésus eut achevé ces paraboles, qu’il partit de là ;
o Nazareth, la ville de son enfance, cf. 2.23.
14 En ce temps-là, la renommée de Jésus parvint aux oreilles d’Hérode le tétrarque,
3 C’est qu’en effet Hérode avait fait arrêter, enchaîner et emprisonner Jean, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe son frère.p
p Om. (Vulg.) « Philippe »; ce nom faisait difficulté. Ce personnage n’est pas le tétrarque d’Iturée et de Trachonitide, Lc 3.1 ; cf. 16.13, mais un autre fils d’Hérode le Grand par Marianne II, donc demi-frère d’Antipas, et que Josèphe appelle lui-même Hérode. Sa situation de simple particulier n’avait pu satisfaire l’ambition de sa femme Hérodiade, elle-même petite-fille d’Hérode le Grand par son père Aristobule et donc nièce d’Antipas, qui préféra à cet oncle trop modeste l’oncle tétrarque de Galilée. — Le crime d’Antipas consistait moins à avoir épousé sa nièce qu’à l’avoir prise à son frère encore vivant, non d’ailleurs sans répudier lui-même sa première femme.
q Elle s’appelait Salomé, d’après Josèphe.
13 L’ayant appris, Jésus se retira en barque dans un lieu désert, à l’écart ;s ce qu’apprenant, les foules partirent à sa suite, venant à piedt des villes.
r Alors que Lc 9.10-17 et Jn 6.1-13 ne racontent qu’une seule multiplication des pains, 14.13-21 ; 15.32-39 et Mc 6.30-44 ; 8.1-10 en rapportent deux. Sans doute s’agit-il d’un doublet, assurément très ancien, cf. 16.9s, qui présente le même événement selon deux traditions différentes. La première, plus archaïque, d’origine palestinienne, semble placer l’événement sur la rive occidentale du lac (voir la note suivante) et parle de douze couffins, chiffre des tribus d’Israël et des apôtres, Mc 3.14. La deuxième, qui viendrai de milieux chrétiens d’origine païenne, situe l’événement sur la rive orientale, païenne, du lac, cf. Mc 7.31, et parle de sept corbeilles, chiffre des nations de Canaan, Ac 13.19, et des diacres hellénistes, Ac 6.5 ; 21.8. Les deux traditions dépeignent l’événement à la lumière de précédents vétéro-testamentaires, en particulier la multiplication d’huile et de pain par Élisée, 2 R 4.1-7, 42-44, et l’épisode de la manne et des cailles, Ex 16 ; Nb 11. Reprenant avec une puissance encore supérieure ces gratifications de nourritures célestes, le geste de Jésus a été compris dès la plus ancienne tradition comme une préparation de la nourriture eschatologique par excellence, l’Eucharistie. C’est ce que soulignent la présentation littéraire des Synoptiques, comp. 14.19 ; 15.36 ; 26.26, et le discours sur le pain de vie de Jn 6.
s Rien n’oblige à penser à la rive orientale de lac. Jésus a pu traverser du nord au sud et du sud au nord en longeant la côte occidentale, et atteindre ainsi « l’autre rive », v. 22, de l’anse que trace cette côte.
t En suivant sur le rivage la barque qui navigue au large.
15 Le soir venu, les disciples s’approchèrent et lui dirent : « L’endroit est désert et l’heure est déjà passée ; renvoie donc les foules afin qu’elles aillent dans les villages s’acheter de la nourriture. »
22 Et aussitôt il obligea les disciples à monter dans la barque et à le devancer sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.
u Le récit, où l’on peut noter les réminiscences du Ps 107 (voir v. 23-32), nous présente Jésus exerçant un contrôle divin sur les eaux symboles du chaos et des puissances du mal. Jésus a le pouvoir de sauver des disciples. La forme narrative a pu être influencée par les Testaments des 12 Patriarches, Naphtali 6.
v Les évangélistes, surtout Luc, notent souvent que Jésus prie, dans la solitude ou la nuit, 14.23 ; Mc 1.35 ; Lc 5.16, au moment des repas, 14.19 ; 15.36 ; 26.26-27, et lors d’événements importants au Baptême, Lc 3.21, avant le choix des Douze, Lc 6.12, l’enseignement du Pater, Lc 11.1 ; cf. 6.5, et la confession de Césarée, Lc 9.18, a la Transfiguration, Lc 9.28-29, à Gethsémani, 26.36-44, sur la croix, 27.46 ; Lc 23.46. Il prie pour ses bourreaux, Lc 23.34, pour Pierre, Lc 22.32, pour ses disciples et ceux qui les suivront, Jn 17.9-24. Il prie aussi pour lui-même, 26.39 ; cf. Jn 17.1-5 ; He 5.7. Ces prières manifestent un commerce permanent avec le Père, 11.25-27, qui ne le laisse jamais seul, Jn 8.29 et l’exauce toujours, Jn 11.22, 42 ; cf. 26.53. Par cet exemple comme par son enseignement, Jésus a inculqué à ses disciples la nécessité et la façon de prier, 6.5. À présent dans la gloire, il continue d’intercéder pour les siens, Rm 8.34 ; He 7.25 ; 1 Jn 2.1, comme il l’a promis, Jn 14.16.
24 La barque, elle, se trouvait déjà éloignée de la terre de plusieurs stades,w harcelée par les vagues, car le vent était contraire.
w Cf. Jn 6.19 ; var. « au milieu de la mer », cf. Mc 6.47.
x De trois à six heures du matin.
y Trois épisodes concernant Pierre, celui-ci, 16.16-20 ; 17.24-27, jalonnent intentionnellement la partie historique de Mt, l’évangile de l’Église.
34 Ayant achevé la traversée, ils touchèrent terre à Gennésaret.
15 Alors des Pharisiens et des scribes de Jérusalem s’approchent de Jésus et lui disent :
z Tradition orale qui, sous prétexte de faire observer la Loi écrite, renchérissait sur elle. Les rabbins la faisaient remonter, par les « anciens », à Moïse.
a Littéralement « manger du pain ».
b « Honore », mais par des bons offices et des services réels.
c Vulg. a compris « Tout don que je fais (à Dieu) t’est utile. »
d Parce que les biens ainsi voués (korbân) ont revêtu un caractère « sacré » qui interdit désormais aux parents d’y prétendre en rien. Ce vœu, qui restait d’ailleurs fictif et n’entraînait aucune donation véritable, était un moyen odieux de s’affranchir d’un devoir sacré. Les rabbins, tout en reconnaissant son caractère immoral, tenaient un tel vœu pour valable.
8 Ce peuple m’honore des lèvres,
mais leur cœur est loin de moi.
9 Vain est le culte qu’ils me rendent :
les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes humains. »
10 Et ayant appelé la foule près de lui, il leur dit : « Écoutez et comprenez !
e À propos de l’impureté des mains, objectée par les Pharisiens, v. 2, Jésus envisage la question plus générale de l’impureté attribuée par la Loi à certains aliments, Lv 11, et il enseigne à faire passer l’impureté légale après l’impureté morale, la seule qui importe vraiment, cf. Ac 10.9-16, 28 ; Rm 14.14s. Cf. Ep 4.29 ; Jc 3.6.
12 Alors s’approchant, les disciples lui disent : « Sais-tu que les Pharisiens se sont choqués de t’entendre parler ainsi ? »
15 Pierre, prenant la parole, lui dit : « Explique-nous la parabole. »
21 En sortant de là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
f La grâce finalement accordée par Jésus à cette païenne le sera probablement en terre d’Israël.
g Les disciples demandent sans doute au Maître de lui donner congé en l’exauçant ; même terme grec en 18.27 ; 27.15.
h Jésus doit s’employer au salut des Juifs, « enfants » de Dieu et des promesses, avant de s’occuper des païens, qui n’étaient, aux yeux des Juifs, que des « chiens ». Le caractère traditionnel de cette image et la forme diminutive employée atténuent dans la bouche de Jésus ce que l’épithète aurait de méprisant.
29 Étant parti de là, Jésus vint au bord de la mer de Galilée. Il gravit la montagne, et là il s’assit.
i Om. « ces estropiés qui redevenaient valides ».
32 Jésus, cependant, appela à lui ses disciples et leur dit : « J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas de quoi manger. Les renvoyer à jeun, je ne le veux pas : ils pourraient défaillir en route. »
33 Les disciples lui disent : « Où prendrons-nous, dans un désert, assez de pains pour rassasier une telle foule ? »
16 Les Pharisiens et les Sadducéens s’approchèrent alors et lui demandèrent, pour le mettre à l’épreuve, de leur faire voir un signe venant du ciel.
j Des temps messianiques. Ces signes sont les miracles qu’opère Jésus : cf. 11.3-5 ; 12.28.
k Om. « Au crépuscule... pas capables ».
5 Comme ils passaient sur l’autre rive, les disciples avaient oublié de prendre des pains.
l Comme le levain fait fermenter la masse, 13.33, mais aussi peut la corrompre, cf. 1 Co 5.6 ; Ga 5.9, la doctrine faussée des chefs juifs menace de pervertir tout le peuple qu’ils dirigent, cf. 15.14.
13 Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question : « Au dire des gens, qu’est le Fils de l’homme ? »
m On trouve dans le Pentateuque des parallèles à l’institution d’un « haut fonctionnaire ».
n Ce titre de « prophète » que Jésus n’a revendiqué que de façon indirecte et voilée, 13.57 ; Lc 13.33, mais que les foules lui ont clairement donné, 16.14 ; 21.11, 46 ; Mc 6.15 ; Lc 7.16, 39 ; 24.19 ; Jn 4.19 ; 9.17, avait une valeur messianique. Car l’esprit de prophétie, éteint depuis Malachie, devait, selon l’attente du judaïsme, revenir comme signe de l’ère messianique, soit dans la personne d’Élie, 17.10-11, soit sous forme d’une effusion générale de l’Esprit, Ac 2.17-18, 33. En fait, il s’est présenté, du temps de Jésus, bien des (faux) prophètes, 24.11, 24, etc. Jean-Baptiste, lui, fut vraiment un prophète, 11.9 ; 14.5 ; 21.26 ; Lc 1.76, mais à titre de Précurseur venu avec l’esprit d’Élie, 11.10, 14 ; 17.12 ; et il a nié (Jn 1.21) être « le Prophète » qu’avait annoncé Moïse, Dt 18.15. C’est en Jésus seul que la foi chrétienne a reconnu ce Prophète, Ac 3.22-26 ; Jn 6.14 ; 7.40. Toutefois, le charisme de prophétie s’étant répandu dans l’Église primitive à la suite de la Pentecôte, Ac 11.27, ce titre de Jésus s’est effacé bientôt devant d’autres titres plus spécifiques de la christologie.
o À la confession de la messianité de Jésus, rapportée par Mc et Lc, ajoute celle de la filiation divine. Cf. déjà 14.33 comparé à Mc 6.51s. Cf. 4.3.
17 En réponse, Jésus lui dit : « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang,p mais de mon Père qui est dans les cieux.
p Cette expression désigne l’homme, en soulignant le côté matériel et borné de sa nature, par opposition au monde des esprits, Si 14.18 ; Rm 7.5 ; 1 Co 15.50 ; Ga 1.16 ; Ep 6.12 ; He 2.14 ; cf. Jn 1.13.
q Ce changement de nom a pu se produire plus tôt, cf. Jn 1.42 ; Mc 3.16 ; Lc 6.14 ; Gn 17.5. Le mot grec Petros ne servait pas comme nom personnel avant que Jésus eût appelé ainsi le chef des apôtres pour symboliser son rôle dans la fondation de l’Église. Mais son correspondant araméen Kepha (« rocher ») est attesté au moins une fois dans un document d’Éléphantine, 416 av. J.-C.
r Le terme sémitique que traduit ekklèsia signifie « assemblée » et se rencontre souvent dans l’AT pour désigner la communauté du peuple élu, notamment dans le désert, cf. Dt 4.10, etc. ; Ac 7.38. Des cercles juifs se considérant comme le Reste d’Israël (Isa 4.3) des derniers temps, tels les Esséniens de Qumrân, ont ainsi nommé leur groupement. En reprenant ce terme, Matthieu désigne la communauté messianique ; en l’employant parallèlement à celui de « Royaume des Cieux », 4.17, il marque que cette communauté eschatologique commencera déjà sur la terre par une société organisée dont Jésus institue le chef. Cf. Ac 5.11 ; 1 Co 1.2.
s Sur l’Hadès (en hébreu le Sheol), désignation du séjour des morts, cf. Nb 16.33. Ici, ses « Portes » personnifiées évoquent les puissances du Mal qui, après avoir entraîné les hommes dans la mort du péché, les enchaînent définitivement dans la mort éternelle. À la suite de son Maître, mort, « descendu aux Enfers », 1 P 3.19, et ressuscité, Ac 2.27, 31, l’Église aura pour mission d’arracher les élus à l’empire de la mort, temporelle et surtout éternelle, pour les faire entrer dans le Royaume des Cieux, cf. Col 1.3 ; 1 Co 15.26 ; Ap 6.8 ; 20.13.
t Tout comme la Cité de la Mort, la Cité de Dieu a des portes, qui ne laissent entrer que ceux qui en sont dignes ; comparer 23.13. Pierre en reçoit les clefs. Il lui appartiendra donc d’ouvrir ou de fermer l’accès du Royaume des Cieux, par l’intermédiaire de l’Église. — « Lier » et « délier » sont deux termes techniques du langage rabbinique qui s’appliquent premièrement au domaine disciplinaire de l’excommunication dont on « condamne » (lier) ou « absout » (délier) quelqu’un, et ultérieurement aux décisions doctrinales ou juridiques, avec le sens de « défendre » (lier) ou « permettre » (délier). Pierre, en tant que majordome (dont les clefs sont l’insigne, cf. Isa 22.22) de la Maison de Dieu, exercera le pouvoir disciplinaire d’y admettre ou d’en exclure qui il jugera bon, et il administrera la communauté par toutes les décisions opportunes en matière de doctrine et de morale. Sentences et décisions seront ratifiées par Dieu du haut du ciel. — L’exégèse catholique tient que ces promesses éternelles valent, non seulement pour la personne de Pierre, mais aussi pour ses successeurs ; bien que cette conséquence ne soit pas explicitement indiquée dans le texte, elle est cependant légitime en raison de l’intention manifeste qu’a Jésus de pourvoir à l’avenir de son Église par une institution que la mort de Pierre ne saurait rendre caduque. — Deux autres textes, Lc 22.31s et Jn 21.15s, souligneront que la primauté de Pierre doit s’exercer en particulier dans l’ordre de la foi et qu’elle le rend chef, non seulement de l’Église future, mais déjà des autres apôtres.
u Vulg. « Jésus Christ ».
21 À dater de ce jour,v Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter.
v Après le moment crucial où les disciples font la première profession de foi explicite en la messianité de Jésus, l’Évangile introduit la première annonce de sa Passion au rôle glorieux du Messie il joint le rôle douloureux du Serviteur souffrant. Cette séquence de traditions, qu’on retrouve avec la Transfiguration, suivie d’une consigne de silence et d’une annonce analogues, 17.1-12, prépare la foi des disciples à la crise prochaine de la mort et de la Résurrection de Jésus.
w Pierre, en prétendant se mettre en travers de la voie que doit suivre le Messie, lui fait « obstacle » (sens premier du grec skan dalon) et devient le suppôt, inconscient certes, de Satan lui même, cf. 4.1-10.
24 Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive.
x Ce logion à forme paradoxale et ceux qui le suivent jouent sur deux étapes de la vie humaine présente et future. Le grec psychè, équivalent ici de l’hébreu nephesh, combine les trois sens de vie, âme, personne. Voir Gn 2.7 ; Dt 6.5.
26 Que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ? Ou que pourra donner l’homme en échange de sa propre vie ?
27 « C’est qu’en effet le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon sa conduite.y
y « sa conduite »; var. « ses œuvres ».
17 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les emmène, à l’écart, sur une haute montagne.a
z Selon la présentation de Mt, différente de celles de Mc 9.2 et de Lc 9.28, Jésus transfiguré apparaît surtout comme le nouveau Moïse, cf. 4.1, rencontrant Dieu sur un nouveau Sinaï dans la nuée, v. 5 ; Ex 24.15-18, le visage lumineux, v. 2 ; Ex 34.29-35 ; cf. 2 Co 3.7—4.6, assisté des deux personnages de l’AT qui ont bénéficié de révélations sur le Sanaï, Ex 19 ; 33-34 ; 1 R 19.9-13, et qui personnifient la Loi et les Prophètes que Jésus vient accomplir, 5.17. La voix céleste ordonne de l’écouter comme le nouveau Moïse, Dt 18.15 ; cf. Ac 3.20-26, et les disciples se prosternent en révérence du Maître, cf. 28.17. Quand l’apparition se termine, il reste seul, « lui », v. 8, car il suffit comme docteur de la Loi parfaite et définitive. Sa gloire n’est d’ailleurs que transitoire, car il est aussi le « Serviteur », v. 5 Isa 42.1 ; cf. 3.16s, qui doit souffrir et mourir, 16.21 ; 17.22-23, tout comme son Précurseur, vv. 9-13, avant d’entrer définitivement dans la gloire par la Résurrection.
a Le Tabor, d’après l’opinion traditionnelle. Certains pensent au grand Hermon, ou au Carmel, mais c’est surtout une montagne symbolique, un nouveau Sinaï, où s’opère une nouvelle révélation eschatologique.
b Var « comme la neige », cf. 28.3.
c Autre traduction « il nous est bon d’être ici ».
d Vulg. « faisons », cf. Mc et Lc.
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez à personne de cette vision, avant que le Fils de l’homme ne ressuscite d’entre les morts. »
e Ayant vu le Messie déjà venu, 16.16, et dans sa gloire, 17.1-7, les disciples s’étonnent qu’Élie n’ait pas joué le rôle de Précurseur que lui assignait Malachie. Il l’a joué, répond Jésus, mais en la personne de Jean-Baptiste, que l’on n’a pas reconnu. Voir Lc 1.17.
14 Comme ils rejoignaient la foule, un homme s’approcha de lui et, s’agenouillant, lui dit :
19 Alors les disciples, s’approchant de Jésus, dans le privé, lui demandèrent : « Pourquoi nous autres, n’avons-nous pu l’expulser ? » —
f Var. « pas de foi ».
g Add. v. 21 « Quant à cette espèce (de démons), on ne la fait sortir que par la prière et par le jeûne », cf. Mc 9.29.
22 Comme ils se trouvaient réunis en Galilée, Jésus leur dit : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes,
24 Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachmeh s’approchèrent de Pierre et lui dirent : « Est-ce que votre maître ne paie pas le didrachme ? » —
h Taxe annuelle et personnelle pour les besoins du Temple.
i C’est-à-dire « de leurs sujets », cf. 13.38. Mais Jésus joue sur la métaphore sémitique de « fils » pour se désigner, lui le Fils, cf. 3.17 ; 17.5 et 10.32s ; 11.25-27, etc., et avec lui les disciples qui sont ses frères, 12.50, et les fils du même Père, 5.45, etc. Cf. 4.3.
26 Et comme il répondait : « Des étrangers », Jésus lui dit : « Par conséquent, les fils sont exempts.
18 À ce moment les disciples s’approchèrent de Jésus et dirent : « Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? »
5 « Quiconque accueille un petit enfant tel que luij à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille.
j C’est-à-dire un homme redevenu enfant par la simplicité, cf. v. 4.
8 « Si ta main ou ton pied sont pour toi une occasion de péché,k coupe-les et jette-les loin de toi : mieux vaut pour toi entrer dans la Viel manchot ou estropié que d’être jeté avec tes deux mains ou tes deux pieds dans le feu éternel.
k Littéralement « un scandale », selon l’acception première du terme grec (« occasion de chute », cf. 16.23) que n’évoque plus directement le terme français. — C’est par association verbale fondée sur ce mot que les vv. 8-9 (déjà utilisés en 5.29-30) sont venus s’insérer ici, non sans rompre le contexte.
l La vie éternelle.
m Hébr. Gê-Hinnom, nom d’une vallée de Jérusalem souillée jadis par des sacrifices d’enfants, Lv 18.21, désigna plus tard le lieu maudit, réservé au châtiment des méchants, notre « enfer ».
10 « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits : car, je vous le dis, leurs anges aux cieux voient constamment la facen de mon Père qui est aux cieux
n Expression biblique qui désigne la présence des courtisans devant leur souverain, cf. 2 S 14.24 ; 2 R 25.19 ; Tb 12.15. Ici donc, l’accent est moins sur la contemplation des anges, cf. Ps 11.7, que sur l’assiduité et la familiarité de leur commerce avec Dieu.
o Add. v. 11 « Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu », cf. Lc 19.10.
12 « À votre avis, si un homme possède cent brebis et qu’une d’elles vienne à s’égarer, ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix neuf autres sur les montagnes pour s’en aller à la recherche de l’égarée ?
15 « Si ton frère vient à pécher,p va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.
p La précision « contre toi », ajoutée par de nombreux témoins, semble à rejeter. Il s’agit d’une faute grave et publique qui n’est pas nécessairement contre celui qui la corrige. Le cas du v. 21 est différent.
q L’ekklèsia, c’est-à-dire l’assemblée des frères. Cf 16.18.
r Gens « impurs » avec lesquels les Juifs pieux ne pouvaient frayer, cf. 5.46 ; 9.10. Voir l’excommunication de 1 Co 5.11.
18 « En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié.s
s Extension aux ministres de l’Église (auxquels s’adresse d’abord tout ce discours) d’un des pouvoirs conférés à Pierre.
19 « De même, je vous le dis en vérité, si deux d’entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux.
21 Alors Pierre, s’avançant, lui dit : « Seigneur, combien de fois mon frère pourra-t-il pécher contre moi et devrai-je lui pardonner ? Irai-je jusqu’à sept fois ? »
t À l’exemple de Dieu et de Jésus, Lc 23.34, et comme le faisaient déjà entre eux les Israélites, Lv 19.18-19 ; cf. Ex 21.25, les chrétiens doivent se pardonner mutuellement, 5.39 ; 6.12 (cf. 7.2) ; 2 Co 2.7 ; Ep 4.32 ; Col 3.13, mais « le prochain » s’étend à tout homme, y compris ceux à qui il faut rendre le bien pour le mal, 5.44-45 ; Rm 12.17-21 ; 1 Th 5.15 ; 1 P 3.9 ; cf. Ex 21.25 ; Ps 5.11. Ainsi l’amour couvre une multitude de péchés, Pr 10.12 cité par Jc 5.20 ; 1 P 4.8.
u D’autres entendent « soixante-dix fois sept fois », cf. 6.9.
23 « À ce propos, il en va du Royaume des Cieux comme d’un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
v Près de soixante millions de francs-or somme choisie à dessein comme exorbitante.
27 Apitoyé, le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette.
28 En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons, qui lui devait cent deniers ;w il le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant : « Rends tout ce que tu dois. »
w Moins de cent francs-or.
19 Et il advint, quand Jésus eut achevé ces discours, qu’il quitta la Galilée et vint dans le territoire de la Judée au-delà du Jourdain.
x Affirmation catégorique de l’indissolubilité du lien conjugal.
y Étant donné la forme absolue des parallèles Mc 10.11s ; Lc 16.18 et 1 Co 7.10s, il est peu vraisemblable que tous trois aient supprimé une clause restrictive de Jésus, et plus problable qu’un des derniers rédacteurs du premier évangile l’ait ajoutée pour répondre à une certaine problématique rabbinique (discussion entre Hillel et Shammaï sur les motifs légitimant le divorce), évoquée d’ailleurs par son contexte, v. 3, qui pouvait préoccuper le milieu judéo-chrétien pour lequel il écrivait. On aurait donc ici une décision ecclésiastique de portée locale et temporaire, comme fut celle du Décret de Jérusalem concernant la région d’Antioche, Ac 15.23-29. Le sens de porneia oriente la recherche dans la même direction. Certains veulent y voir la fornication dans le mariage, c’est-à-dire l’adultère, et trouvent ici la permission de divorcer en pareil cas ; ainsi les Églises orthodoxes et protestantes. Mais en ce sens on aurait attendu un autre terme, moicheia. Au contraire porneia, dans le contexte, paraît avoir le sens technique de la zenût ou « prostitution » des écrits rabbiniques, dite de toute union rendue incestueuse par un degré de parenté interdit selon la Loi, Lv 18. Dc telles unions, contractées légalement entre païens ou tolérées par les Juifs eux-mêmes chez les prosélytes, ont dû faire difficulté quand ces gens se convertissaient, dans des milieux judéo-chrétiens légalistes comme celui de d’où la consigne de rompre de telles unions irrégulières qui n’étaient en somme que de faux mariages. — Une autre solution envisage que la licence accordée par la clause restrictive ne soit pas celle du divorce, mais de la « séparation » sans remariage. Une telle institution était inconnue du judaïsme, mais les exigences de Jésus ont entraîné plus d’une solution nouvelle, et celle-ci est déjà clairement supposée par Paul en 1 Co 7.11.
10 Les disciples lui disent : « Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier. »
z Jésus invite à la continence perpétuelle ceux qui veulent se consacrer exclusivement au Royaume des Cieux.
13 Alors des petits enfants lui furent présentés, pour qu’il leur imposât les mains en priant ; mais les disciples les rabrouèrent.
16 Et voici qu’un homme s’approcha et lui dit : « Maître,a que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? »
a Var. « Bon Maître », cf. Mc et Lc.
b C’est-à-dire Dieu, comme le précisent Mc et Lc, et ici Vulg. — Autre leçon, empruntée à Mc et Lc « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul ».
c Add. « dès ma jeunesse », cf. Mc et Lc.
d Jésus n’institue pas ici une catégorie de « parfaits », supérieurs aux chrétiens ordinaires. La « perfection » envisagée est celle de l’économie nouvelle, qui surpasse l’ancienne en l’accomplissant, cf. 5.17. Tous y sont également appelés, cf. 5.48. Mais, pour établir le Royaume, Jésus a besoin de collaborateurs spécialement disponibles ; c’est à eux qu’il demande de renoncer radicalement aux soucis de la famille, 8.21-22, et des richesses, 8.19-20.
23 Jésus dit alors à ses disciples : « En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux.
27 Alors, prenant la parole, Pierre lui dit : « Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ? »
e Il s’agit du renouveau messianique qui se manifestera à la fin du monde, mais qui sera déjà commencé, sur un mode spirituel, par la Résurrection du Christ et son règne dans l’Église. Cf. Ac 3.21.
f Au sens biblique pour « gouverner ». Les « douze tribus » désignent l’Israël nouveau, l’Église.
g Add. « femme ».
20 « Car il en va du Royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
h En embauchant jusqu’au soir des ouvriers sans travail et en leur donnant à tous plein salaire, le maître de la vigne fait preuve d’une bonté qui va plus loin que la justice, sans d’ailleurs léser celle-ci. Tel est Dieu, qui introduit dans son Royaume des tard-venus comme les pécheurs et les païens. Les appelés de la première heure (les Juifs bénéficaires de l’Alliance depuis Abraham) ne doivent pas s’en scandaliser.
i Add. « Car beaucoup sont appelés, mais peu élus », sans doute par emprunt à 22.14.
17 Devant monter à Jérusalem, Jésus prit avec lui les Douze en particulier et leur dit pendant la route :
20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de lui, avec ses fils, et se prosterna pour lui demander quelque chose.
j Les apôtres attendent pour le Royaume du Christ une manifestation immédiate et glorieuse qui sera en fait reportée à son second avènement, cf. 4.17 ; Ac 1.6.
k Métaphore biblique, cf. Isa 51.17, qui désigne ici la Passion prochaine.
l Jacques, fils de Zébédée, fut mis à mort par Hérode Agrippa, vers 44, Ac 12.2. S’il n’a pas lui-même subi le martyre, Jean son frère n’en fut pas moins étroitement associé aux souffrances du Maître.
m La mission du Christ sur terre n’est pas de distribuer aux hommes des récompenses, mais de souffrir pour les sauver, cf. Jn 3.17 ; 12.47.
24 Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères.
25 Les ayant appelés près de lui, Jésus dit : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir.
n Les péchés des hommes entraînent une dette à l’égard de la Justice divine, la peine de mort exigée par la Loi, 1 Co 15.56 ; 2 Co 3.7, 9 ; Ga 3.13 ; Rm 8.3-4 (et les notes). Pour les affranchir de cet esclavage du péché et de la mort, Rm 3.24, Jésus paiera la rançon et acquittera la dette en versant le prix de son sang, 1 Co 6.20 ; 7.23 ; Ga 3.13 ; 4.5 (et les notes), c’est-à-dire en mourant à la place des coupables, ainsi qu’il était annoncé du « Serviteur de Yahvé », Isa 53. Le terme sémitique que traduit « une multitude », Isa 53.11s, oppose le grand nombre des rachetés à l’unique Rédempteur, sans impliquer que ce nombre soit limité, Rm 5.6-21. Cf. 26.28.
o Des témoins ajoutent ici un passage qui provient sans doute de quelque évangile apocryphe « Mais vous, vous cherchez de petits à devenir grands, et de grands vous vous rendez petits. Lorsque vous venez à un banquet auquel on vous a invités, ne prenez pas les places d’honneur, de peur que survienne un plus digne que toi et que le maître du banquet vienne te dire « Recule vers le bas », et tu seras couvert de confusion. Mais si tu prends la place inférieure, et que survienne un moins digne que toi, le maître du banquet te dira « Avance vers le haut », et cela te sera avantageux ». Cf. Lc 14.8-10.
29 Comme ils sortaient de Jéricho, une foule nombreuse le suivit.
21 Quand ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent en vue de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples
5 Dites à la fille de Sion :
Voici que ton Roi vient à toi ;
modeste, il monte une ânesse,
et un ânon, petit d’une bête de somme.p
p Dans la pensée du prophète, cet attirail modeste du Roi messianique devait manifester le caractère humble et pacifique de son règne. Matthieu applique cette prophétie à Jésus, Messie humble.
6 Les disciples allèrent donc et, faisant comme leur avait ordonné Jésus,
« Hosannaq au fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna au plus haut des cieux ! »
q Terme hébraïque (au sens premier « Sauve donc ») devenu une acclamation, cf. Ps 118.26.
10 Quand il entra dans Jérusalem, toute la ville fut agitée. « Qui est-ce ? » disait-on,
12 Puis Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs qui s’y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs, ainsi que les sièges des marchands de colombes.r
r Ils fournissaient aux pèlerins la monnaie et les victimes requises pour les offrandes. Mais cet usage légitime donnait lieu à des abus.
De la bouche des tout-petits et des nourrissons,
tu t’es ménagé une louange ? »
17 Et les laissant, il sortit de la ville pour aller à Béthanie, où il passa la nuit.
18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim.
s « Ce n’était pas la saison des figues », dit Mc. comme ont fait les prophètes, cf. Jr 18.1, pour mettre Israël désobéissant en garde ; cf. Jr 8.13. Jésus a voulu faire un geste symbolique.
23 Il était entré dans le Temple et il enseignait, quand les grands prêtres et les anciens du peuple s’approchèrent et lui dirent : « Par quelle autorité fais-tu cela ?t Et qui t’a donné cette autorité ? »
t Les actes insolites que Jésus vient de permettre dans le Temple même triomphe messianique, expulsion des trafiquants, guérisons miraculeuses.
26 Et si nous disons : « Des hommes », nous avons à craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. »
28 « Mais dites-moi votre avis. Un homme avait deux enfants. S’adressant au premier, il dit : « Mon enfant, va-t’en aujourd’hui travailler à la vigne. » —
u Expression biblique Jean pratiquait et prêchait cette conformité à la volonté de Dieu qui rend l’homme « juste ».
33 « Écoutez une autre parabole. Un homme était propriétaire, et il planta une vigne ; il l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons et partit en voyage.
v On dirait mieux une « allégorie », car chaque trait du récit a sa signification le propriétaire est Dieu ; la vigne, le peuple élu, Israël, cf. Isa 5.1 ; les serviteurs, les prophètes ; le fils, Jésus, tué hors des murs de Jérusalem ; les vignerons homicides, les Juifs infidèles ; l’autre peuple à qui sera confiée la vigne, les païens et les juifs croyants.
La pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs
c’est elle qui est devenue pierre de faîte ;
c’est là l’œuvre du Seigneur
et elle est admirable à nos yeux ?w
w Ce verset est bien dans la perspective de Mt, pour qui c’est l’Église, génération nouvelle de croyants, qui prend la relève d’Israël (cf. Jr 7.27-28).
43 Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits. »
x Ce verset est absent des mss occidentaux, peut-être parce que leurs scribes y voyaient une reprise de Lc 20.18. Le verset est à retenir parce qu’il rend plus explicite l’allusion à Dn 2.34s, 44s.
45 Les grands prêtres et les Pharisiens, en entendant ses paraboles, comprirent bien qu’il les visait.
46 Mais, tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète.
22 Et Jésus se remit à leur parler en paraboles :
y Parabole parsemée de traits allégoriques comme la précédente, et qui comporte la même leçon le roi est Dieu, le festin de noces est la félicité messianique, le fils du roi étant le Messie ; les envoyés sont les prophètes et les apôtres ; les invités qui les négligent ou les outragent sont les Juifs ; ceux qu’on appelle de la rue sont les pécheurs et les païens ; l’incendie de la ville, c’est la ruine de Jérusalem. — À partir du v. 11, la scène change et il s’agit alors du Jugement dernier. Il semble que a combiné deux paraboles, l’une analogue à celle de Lc 14.16-24, l’autre dont on trouve vv. 11s la conclusion l’homme qui répond à l’invitation doit porter la tenue de noces ; les œuvres de justice doivent accompagner la foi, cf. 3.8 ; 5.20 ; 7.21s ; 13.47s ; 21.28s.
11 « Le roi entra alors pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noces.
z Cette sentence semble se rapporter à la première partie de la parabole plutôt qu’à la seconde. Ce n’est pas des élus en général qu’il s’agit, mais des Juifs, les premiers invités. La parabole ne dit pas, mais n’exclut pas non plus, que quelque « peu » d’entre eux ont répondu et sont élus, cf. 24.22.
15 Alors les Pharisiens allèrent se concerter en vue de le surprendre en parole ;
16 et ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des Hérodiens,a pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu en vérité sans te préoccuper de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au rang des personnes.
a Partisans de la dynastie des Hérodes, Mc 3.6, tout désignés pour aller déférer à l’autorité romaine le mot hostile à César qu’on espérait faire dire à Jésus.
b Puisqu’ils acceptent pratiquement l’autorité et les bienfaits du pouvoir romain, dont cette monnaie est le symbole, ils peuvent et même doivent lui rendre l’hommage de leur obéissance et de leurs biens, sans préjudice de ce qu’ils doivent par ailleurs à l’autorité supérieure de Dieu.
23 Ce jour-là, des Sadducéens, gens qui disent qu’il n’y a pas de résurrection,c s’approchèrent de lui et l’interrogèrent en disant :
c Cette secte, 3.7, s’en tenait strictement à la tradition écrite, surtout du Pentateuque, et assurait n’y pas trouver la doctrine de la résurrection de la chair, cf. 2 M 7.9. Les Pharisiens s’opposaient à eux sur ce point. Cf. Ac 4.1 ; 23.8.
32 Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Ce n’est pas de morts mais de vivants qu’il est le Dieu ! »d
d Quand Dieu accorde sa protection à un individu ou à un peuple au point de devenir « son Dieu », ce ne peut être d’une manière imparfaite et éphémère qui le laisse retourner au néant. Cette exigence d’éternité de la part de l’amour divin ne fut pas clairement perçue aux débuts de la révélation biblique, d’où cette croyance à un « shéol » sans résurrection (Isa 38.10-20 ; Ps 6.6 ; 88.11-13), à laquelle le traditionalisme conservateur des Sadducéens, Ac 28.8, prétendait rester fidèle. Mais le progrès de la Révélation a peu a peu compris et satisfait cette exigence, Ps 16.10-11 ; 49.16 ; 73.24, en annonçant le retour à la vie. Sg 3.1-9, de tout homme, sauvé jusque dans son corps. Dn 12.2-3 ; 2 M 7.9s ; 12.43-46 ; 14.46. C’est cette révélation ultime que Jésus sanctionne par son interprétation de Ex 3.6.
34 Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent en groupe,
e Add. « un légiste », sans doute emprunté à Lc 10.25.
f Ces deux préceptes de l’amour, de Dieu et du prochain, se trouvent également associés dans la Didachè 1.2, qui pourrait reprendre ici un traité juif des Deux Voies, cf. 7.13.
41 Comme les Pharisiens se trouvaient réunis, Jésus leur posa cette question :
42 « Quelle est votre opinion au sujet du Christ ? De qui est-il fils ? » Ils lui disent : « De David. » —
44 Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
Siège à ma droite,
jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis
dessous tes pieds ?
45 Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils ? »
g La juste réponse eût été que, tout en descendant de David par ses origines humaines, cf. 1.1-17, le Messie avait aussi un caractère divin qui le rendait supérieur à David et que celui-ci avait prophétisé.
23 Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples en disant :
h Le discours eschatologique de combine l’annonce de la ruine de Jérusalem avec celle de la fin de l’âge. Pour cela le discours de Mc, qui ne concernait que le premier événement, est complété d’une triple façon : 1° addition des vv. 26-28, 37-41, pris d’un discours sur le Jour du Fils de l’homme, que Luc utilise de son côté, Lc 17.22-37 ; 2° retouches qui introduisent les thèmes de la « Parousie », vv. 3, 27, 37, 39 (jamais ailleurs dans les Évangiles, cf. 24.3 ; 1 Co 15.23), de la « Fin de l’âge », v. 3 ; cf. 13.39, 40, 49, et du « signe du Fils de l’homme » qui touche toutes les races de la terre, v. 30 ; 3° addition, en fin du discours, de plusieurs paraboles sur la vigilance, 24.42—25.30, qui préparent le retour de Jésus et le grand Jugement eschatologique, 25.31-46. La ruine de Jérusalem marque la fin d’une ère et en inaugure une nouvelle de l’histoire ?
2 « Sur la chaire de Moïse se sont assis les scribes et les Pharisiens :
i En tant qu’ils transmettent la doctrine traditionnelle reçue de Moïse. Ceci n’engage pas leurs interprétations personnelles, dont Jésus a montré par ailleurs ce qu’il faut penser, cf. 15.1-20 ; 16.6 ; 19.3-9.
j Phylactères petites boîtes renfermant les paroles essentielles de la Loi, que les Juifs attachaient à leur bras ou à leur front, en obéissance aux injonctions de cette même Loi, voir Ex 13.9, 16 ; Dt 6.8 ; 11.18. Franges houppes attachées aux coins du manteau, cf. Nb 15.38 ; 9.20.
k Mot hébreu signifiant « mon grand », « mon Seigneur », modelé sur l’araméen « ribboni, rabbouni », titre respectueux comme « monseigneur », puis, après 70, titre habituel des docteurs juifs, comme ici. Pour l’usage ancien, voir Mc 9.5 p.
8 « Pour vous,l ne vous faites pas appeler « Rabbi » : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères.
l Les vv. 8-12, adressés aux seuls disciples, n’appartiennent sans doute pas primitivement au même discours.
m En araméen Abba, autre titre honorifique.
n Jésus fait peut-être allusion au chef religieux de la communauté de Qumrân, le « Directeur juste », appelé communément « Maître de justice ».
13 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrero ceux qui le voudraient. !
o Les exigences de la casuistique rabbinique rendaient difficile l’observation de la Loi.
p Add. v. 14 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui dévorez les biens des veuves, tout en affectant de faire de longues prières vous subirez de ce fait une condamnation plus sévère », interpolation empruntée à Mc 12.40 ; Lc 20.47, et porte à huit le chiffre intentionnel de sept malédictions, cf. 6.9.
15 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte,q et, quand vous l’avez gagné, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous !
q Païen converti au judaïsme. Le prosélytisme juif dans le monde gréco-romain était très actif. Cf. Ac 2.11.
16 « Malheur à vous, guides aveugles, qui dites :r « Si l’on jure par le sanctuaire, cela ne compte pas ; mais si l’on jure par l’or du sanctuaire, on est tenu. »
r Il s’agit ici des vœux. Pour en dégager ceux qui les avaient imprudemment contractés, les rabbins recouraient à de subtiles arguties.
23 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin,s après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela.
s Le précepte mosaïque de la dîme à prélever sur les produits de la terre était appliqué par les rabbins avec exagération aux plantes les plus insignifiantes.
25 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l’extérieur de la coupe et de l’écuelle, quand l’intérieur en est rempli par rapinet et intempérance !
t Var. « à l’intérieur vous êtes remplis ». — « intempérance »; var. « iniquité », « impureté », « cupidité ».
27 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture ;
29 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez les tombeaux des justes,
u Allusion à la mort prochaine de Jésus lui-même, cf. 21.38s.
33 « Serpents, engeance de vipères ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation de la géhenne ?
v Termes d’origine biblique, mais appliqués ici aux missionnaires chrétiens, cf. 10.41 ; 13.52.
w Il s’agit vraisemblablement du Zacharie de 2 Ch 24.20-22. Son meurtre est le dernier raconté dans la Bible (2 Ch étant le dernier livre du Canon juif), tandis que celui d’Abel, Gn 4.8, est le premier. « Fils de Barachie » vient peut-être de la confusion avec un autre Zacharie, cf. Isa 8.2 (LXX) ; Za 1.1. Ou bien ces mots sont une glose de copiste.
37 « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètesx et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de foisy ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous n’avez pas voulu !
x Voir 1 R 19.10, 14 ; Jr 26.20-23 ; 2 Ch 24.20-22 ; 1 Th 2.15 ; Ac 7.52 ; He 11.37, et les légendes juives apocryphes.
y Allusion à des visites réitérées à Jérusalem, dont les Synoptiques ne disent rien, mais que rapporte Jn.
38 Voici que votre maison va vous être laissée déserte.z
z Om. « déserte ». — Le texte fait ici allusion à la destruction du Temple en 70.
a Ces paroles, que Lc 13.35 semble rapporter à l’entrée du jour des Rameaux, se réfèrent sans doute, dans le contexte actuel de Mt, à un retour ultérieur du Christ, celui de la fin des temps. Les Juifs salueront ce retour, parce qu’ils se seront convertis, cf. Rm 11.25s.
24 Comme Jésus sortait du Temple et s’en allait, ses disciples s’approchèrent pour lui faire voir les constructions du Temple.
b Le mot grec (Parousie), qui signifie « Présence », désignait dans le monde gréco-romain la visite officielle et solennelle d’un prince en quelque lieu. Les chrétiens l’ont adopté comme terme technique pour signifier la venue glorieuse du Christ, cf. 1 Co 15.23.
c Âge(s) du monde, en grec, aiôn, éon, époque, ère. L’idée sous-jacente est que, selon la pensée apocalyptique, l’histoire du salut était coupée par une série de périodes ou d’éons, par ex., de la création (Adam) à Abraham, d’Abraham à Moïse, de Moïse à David, de David à l’exil, de l’exil au Messie, cf. 1.1-14. La série des âges du monde n’était pas rigidement fixée. L’innovation des chrétiens était d’envisager deux venues du Messie, une en humilité, l’autre en gloire, avec le Royaume de Dieu dans sa plénitude. La première venue est déjà accomplie et inaugure la période de l’Église. La deuxième est réservée pour l’avenir, la parousie proprement dite. L’idée d’un deuxième retour du Christ est présente dans le NT, par ex., Jn 14.3, mais le langage explicite, ne se trouve pas avant saint Justin Martyr (deutera parousia).
d Avant 70, des aventuriers se firent passer pour le Messie.
4 Et Jésus leur répondit : « Prenez garde qu’on ne vous abuse.
e Add. « pestes », cf. Lc 21.11.
f Cf. Isa 8.21 ; 13.13 ; 19.2 ; Jr 21.9 ; 34.17 ; Ez 5.12 ; Am 4.6-11 ; 8.8 ; 2 Ch 15.6.
g Cf. Isa 13.8 ; 26.17 ; 66.7 ; Jr 6.24 ; 13.21 ; Os 13.13 ; Mi 4.9-10. L’image fut appliquée par le judaïsme à la période de grande angoisse qui devait précéder la venue du règne messianique.
9 « Alors on vous livrera aux tourments et on vous tuera ; vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom.
h Les vv. 9-13 reprennent les thèmes de 10.17-22 (qui offre un parallèle littéral de Mc 13.9-13, Lc 21.12-19) mais en introduisant quelques éléments particuliers qui semblent faire écho à la persécution des chrétiens à Rome sous Néron après l’incendie de 64 (« haïs de tous les peuples à cause de mon Nom ») et aux « trahisons et haines intestines » parmi les victimes elle-mêmes (« l’amour se refroidira chez le grand nombre ») ; cf. Tacite, Ann. XV 44.
14 « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier,i en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin.j
i Le « monde habité » (oikoumenè), c’est-à-dire le monde gréco-romain. Il faut que tous les Juifs de l’Empire aient entendu la Bonne Nouvelle, cf. Ac 1.8 ; Rm 10.18. L’Évangile atteignit effectivement toutes les parties vitales de l’Empire romain dès avant la chute du Temple, cf. 1 Th 1.8 ; Rm 1.5, 8 ; Col 1.6, 23.
j C’est-à-dire, la fin de l’âge présent et l’arrivée du royaume de Dieu dans sa plénitude, dont un avant-signe est la chute de Jérusalem.
15 « Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieuk (que le lecteur comprenne !),
k Daniel désignait par là, semble-t-il, un autel païen qu’Antiochus Épiphane dressa dans le Temple de Jérusalem (en 168 ; cf. 1 M 1.54). L’application évangélique se réalisa quand la Ville Sainte et son Temple furent investis, puis occupés, par les armées païennes de Rome, cf. Lc 21.20.
l Cf. Ex 10.14 ; 11.6 ; Jr 30.7 ; Ba 2.2 ; Jl 2.2 ; Dn 12.1 ; 1 M 9.27 ; Ap 16.18.
m Ceux qui, parmi les Juifs, sont appelés à entrer dans le Royaume de Dieu le « petit Reste », cf. Isa 4.2 ; Rm 11.5-7.
23 « Alors si quelqu’un vous dit : « Voici : le Christ est ici ! » ou bien : « Il est là ! », n’en croyez rien.
26 « Si donc on vous dit : « Le voici au désert », n’y allez pas ; « Le voici dans les retraites », n’en croyez rien.
n La venue du Messie sera évidente comme l’éclair. Pour une description, voir Ap 19.11-21. — L’éclair est un accompagnement classique des jugements divins, cf. Isa 29.6 ; 30.30 ; Za 9.14 ; Ps 97.4 ; etc.
o Peut-être un proverbe exprimant la même idée de manifestation patente un cadavre, même caché dans le désert, est aussitôt signalé par le tournoiement des vautours.
29 « Aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.p
p Cf. Jr 4.23-26 ; Ez 32.7s ; Am 8.9 ; Mi 1.3-4 ; Jl 2.10 ; 3.4 ; 4.15 et surtout Isa 13.9-10 ; 34.4, dont notre texte reprend les expressions. Les « puissances des cieux » sont les astres et les forces célestes en général.
q Les Pères ont vu dans ce signe la Croix du Christ. Il pourrait s’agir du Christ lui-même.
r Daniel annonçait ainsi l’établissement du règne messianique par un Fils d’homme venant sur les nuées. — La nuée est le décor ordinaire des théophanies, dans l’AT, Ex 13.22 ; 19.16 ; 34.5 ; Lv 16.2 ; 1 R 8.10-11 ; Ps 18.12 ; 97.2 ; 104.3 ; Isa 19.1 ; Jr 4.13 ; Ez 1.4 ; 10.3s ; 2 M 2.8, comme dans le NT, 17.5 ; Ac 1.9, 11 ; 1 Th 4.17 ; Ap 1.7 ; 14.14.
s Add. « et une voix ».
t Formule combinée à l’aide de Za 2.10 et Dt 30.4, textes où il s’agit de réunir les dispersés d’Israël, cf. Ez 37.9 et Ne 1.9. Voir aussi Isa 27.13. Les « élus » sont donc ici, comme aux vv. 22 et 24, ceux des Juifs que Yahvé sauvera du désastre de leur peuple pour les admettre dans son Royaume, avec les païens, v. 30.
32 « Du figuier apprenez cette parabole. Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous comprenez que l’été est proche.
u Le Fils de l’homme, venant instaurer son règne.
v Cette affirmation concerne la ruine de Jérusalem et la fin du monde.
w Om. (Vulg.) « ni le Fils », sans doute par scrupule théologique. En tant qu’homme, le Christ a reçu du Père la connaissance de tout ce qui intéressait sa mission, mais il a pu ignorer certains points du plan divin, ainsi qu’il l’affirme ici formellement.
37 « Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme.
42 « Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jourx va venir votre Maître.
x Vulg. « à quelle heure ». — Veiller, ce qui est proprement s’abstenir de sommeil, est l’attitude que Jésus recommande à ceux qui attendent sa venue, 25.13 ; Mc 13.33-37 ; Lc 12.35-40 ; 21.34-36. La vigilance, en cet état d’alerte, suppose une espérance ferme et exige une présence d’esprit sans relâche qui prend le nom de « sobriété », 1 Th 5.6-8 ; 1 P 5.8 ; cf. 1 P 1.13 ; 4.7.
43 Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur devait venir, il aurait veillé et n’aurait pas permis qu’on perçât le mur de sa demeure.
45 « Quel est donc le serviteur fidèle et avisé que le maître a établi sur les gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu ?
y Au discours qui annonce la ruine de Jérusalem et l’avènement ultime du Christ à la fin du monde, joint trois paraboles qui concernent les fins dernières des individus. — La première met en scène un serviteur du Christ chargé d’une fonction dans l’Église, comme furent les apôtres, et jugé sur la façon dont il a rempli sa mission.
51 il le retrancheraz et lui assignera sa part parmi les hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents.
z Mot obscur à prendre sans doute au sens métaphorique « il s’en séparera » par une sorte d’excommunication, cf. 18.17.
25 « Alors il en sera du Royaume des Cieux comme de dix vierges qui s’en allèrent, munies de leurs lampes, à la rencontre de l’époux.b
a Les vierges représentent les âmes chrétiennes dans l’attente de leur époux, le Christ. Même s’il tarde, la lampe de leur vigilance doit rester prête.
b Add. « et de l’épouse ».
14 « C’est comme un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur remit sa fortune.
c Les chrétiens sont les serviteurs auxquels leur maître, Jésus, laisse le soin de faire fructifier ses dons pour le développement de son règne, et qui devront lui rendre compte de leur gestion. — La parabole des mines, Lc 19.12-27, présente des analogies de forme, mais comporte une leçon assez différente.
d Cette joie est celle du banquet céleste, 8.11, — « sur beaucoup je t’établirai » désigne la participation active au règne du Christ.
31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire.
e Cette puissante scène dramatique inclut des éléments paraboliques (le berger, les brebis et les boucs), mais on ne peut pas minimiser l’importance de ce texte en faisant une simple parabole ; pas plus qu’on ne peut le prendre pour une description « cinématographique » du jugement. L’accent du texte porte sur l’amour du prochain, valeur morale suprême (cf. < r="MAT25.22,34-40">22, 34-40). L’expression « les plus petits des frères » v. 40 désigne tous ceux qui sont dans le besoin, car le mot « frère » ne semble pas avoir ici le sens restrictif selon lequel il ne désignerait que les missionnaires chrétiens cf. Hénok 61.8 ; 62.25 ; 69.27. Contrairement à l’habitude de l’auteur, c’est le Fils qui est présenté comme juge et non Dieu le Père.
f Tous les hommes de tous les temps. La résurrection des morts n’est pas mentionnée, mais doit être supposée, cf. 10.15 ; 11.22-24 ; 12.41s.
g Les hommes sont jugés sur les œuvres de miséricorde (décrites de façon biblique, cf. Isa 58.7 ; Jb 22.6s ; Si 7.32s, etc.), non sur leurs actions exceptionnelles, cf. 7.22s.
26 Et il advint, quand Jésus eut achevé tous ces discours, qu’il dit à ses disciples :
3 Alors les grands prêtres et les anciens du peuple s’assemblèrent dans le palais du Grand Prêtre, qui s’appelait Caïphe,
6 Comme Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux,
h La femme est Marie, comme le précise Jn. L’épisode analogue raconté en Lc 7.36-50 est un peu différent.
i Les juifs divisaient les « bonnes œuvres » en « aumônes » et « actions charitables »; ces dernières étaient jugées supérieures et comprenaient, entre autres choses, l’ensevelissement des morts. La femme a donc fait une « œuvre » plus excellente que l’aumône, en pourvoyant à la sépulture du Christ.
14 Alors l’un des Douze, appelé Judas Iscariote, se rendit auprès des grands prêtres
j Trente sicles (et non trente deniers, comme on dit souvent). C’était le prix fixé par la Loi pour la vie d’un esclave, Ex 21.32.
17 Le premier jour des Azymes,k les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Où veux-tu que nous te préparions de quoi manger la Pâque ? »
k Le « premier jour » de la semaine, où l’on mangeait des pains sans levain (azymes), cf. Ex 12.1 ; 23.14, était normalement celui qui suivait le repas pascal ; en nommant ainsi le jour précédent, les Synoptiques font preuve d’un usage plus large. Par ailleurs, il semble bien, d’après Jn 18.28 et d’autres détails de la Passion, que le repas pascal fut célébré cette année-là au soir du vendredi (ou « Parascève », 27.62 ; cf. Jn 19.14, 31, 42). La Cène de Jésus que les Synoptiques placent un jour plus tôt, au soir du jeudi, doit dès lors s’expliquer, soit par l’anticipation du rite dans une partie du peuple juif, soit plutôt par une anticipation voulue par Jésus lui-même ne pouvant célébrer la Pâque le lendemain, sinon en sa propre personne sur la Croix, Jn 19.36 ; 1 Co 5.7, Jésus aura institué son rite nouveau au cours d’un repas qui aura reçu par contrecoup les traits de la Pâque ancienne. L’opinion récente qui place la Cène au soir du mardi, selon le calendrier essénien, ne semble pas devoir être retenue. — Le 14 Nisan (jour du repas pascal) étant tombé un vendredi en 30 et en 33 ap. J.-C., les exégètes choisissent l’une ou l’autre de ces deux années pour celle de la mort du Christ, selon qu’ils placent son baptême en 28 ou en 29 et qu’ils assignent à son ministère une durée plus ou moins longue.
20 Le soir venu, il était à table avec les Douze.
l Il s’agit du premier service, qui précédait le repas pascal proprement dit.
26 Or, tandis qu’ils mangeaient,m Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »
m On est arrivé au centre du repas pascal. C’est sur des gestes précis et solennels du rituel juif (bénédictions à Yahvé prononcées sur le pain et le vin) que Jésus greffe les rites sacramentels du culte nouveau qu’il instaure.
n « Rendre grâces » traduit ici le verbe grec eucharistô, dont le substantif eucharistia, « action de grâces », a été adopté par le langage chrétien pour désigner la Sainte Cène.
o Add. (Vulg.) « nouvelle », cf. Lc 22.20 ; 1 Co 11.25 ; Jr 31.31-34.
p Comme jadis, au Sinaï, le sang des victimes scella l’alliance de Yahvé avec son peuple, Ex 24.4-8 ; cf. Gn 15.1, de même sur la Croix le sang de la victime parfaite, Jésus, va sceller entre Dieu et les hommes l’alliance « nouvelle », cf. Lc 22.20, qu’ont annoncée les prophètes, Jr 31.31. Jésus s’attribue la mission de rédemption universelle assignée par Isaïe au « Serviteur de Yahvé », Isa 42.6 ; 49.6 ; 53.12, cf. Isa 42.1. Cf. He 8.8 ; 9.15 ; 12.24. L’idée de nouvelle alliance intervient aussi chez Paul, outre 1 Co 11.25, en divers contextes qui en révèlent la grande importance, 2 Co 3.4-6 ; Ga 3.15-20 ; 4.24.
q Allusion au banquet eschatologique, cf. 8.11 ; 22.1s. C’en est fini des repas terrestres de Jésus avec ses disciples.
30 Après le chant des psaumes,r ils partirent pour le mont des Oliviers.
r Les psaumes du Hallel, Ps 113-118, dont la récitation clôturait le repas pascal.
s Scandale religieux de voir succomber sans résistance celui qu’ils tiennent pour le Messie, 16.16, et dont ils attendent le triomphe prochain, 20.21s. Les disciples y perdront pour un moment leur courage et même leur foi, cf. Lc 22.31-32 ; Jn 16.1.
36 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani,t et il dit aux disciples : « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. »
t Le nom signifie « pressoir à huile ». Lieu situé dans la vallée du Cédron, au pied du mont des Oliviers.
u Expression dont la forme littéraire évoque Ps 42.6 ; Ps 42.6-12, 43.5 et Jon 4.9.
v Jésus ressent dans toute sa force l’effroi que la mort inspire à l’homme ; il éprouve et exprime le désir naturel d’y échapper, tout en le réprimant par l’acceptation de la volonté du Père. Cf. 4.1.
44 Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles.
w Blâme revêtu d’une douce ironie L’heure est passée, où vous auriez dû veiller avec moi. Le moment de l’épreuve est arrivé et Jésus y entrera seul les disciples peuvent dormir, s’ils le veulent...
47 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.
x Littéralement « Ami, ce pour quoi tu es ici ». Plutôt qu’une question (« Pourquoi es-tu ici ? ») ou un reproche (« Que fais-tu là ! »), on peut reconnaître ici une expression stéréotypée, qui veut dire « (fais) ce pour quoi tu es ici », « sois à ton affaire ». Jésus coupe court à des compliments hypocrites c’est l’heure de passer aux actes, cf. Jn 13.27.
y Var. (Vulg.) « j’étais assis parmi vous dans le Temple », cf. Mc 14.49.
57 Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le Grand Prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens.
59 Or, les grands prêtres et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir ;
z En fait Matthieu a annoncé la destruction du Temple et du culte juif qu’il symbolise, 24, et la substitution d’un Temple nouveau d’abord son propre corps, ressuscité après trois jours, 16.21 ; 17.23 ; 20.19 ; Jn 2.19-22, et ultérieurement l’Église, 16.18.
a Vulg. ne voit ici qu’une seule question « Tu ne réponds rien à ce que ces gens attestent contre toi ? »
64 « Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs je vous le déclare dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »b
b « La Puissance » est un équivalent de « Yahvé ». Jésus, renonçant en cet instant suprême à sa consigne du « secret messianique », cf. Mc 1.34, reconnaît catégoriquement qu’il est le Messie, ainsi qu’il l’avait déjà fait confesser à ses intimes, 16.16 ; mais il se dévoile davantage en se donnant, non comme le Messie humain traditionnel, mais comme le « Seigneur » du Ps 110, cf. 22.41s, et le personnage mystérieux, d’origine céleste, entrevu par Daniel, cf. 8.20. On ne le verra plus désormais que dans sa gloire, d’abord par le triomphe de la Résurrection, ensuite par celui du Royaume. Cf. 23.39 ; 24.30.
c Le « blasphème » de Jésus consistait, non à se donner comme le Messie, mais à revendiquer la dignité du rang divin.
67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres lui donnèrent des coups
d La rédaction de est maladroite car, n’étant pas voilé comme en Lc 22.63, Jésus peut désigner sans difficulté qui l’a frappé. L’important est qu’il est moqué comme « prophète », à cause de sa parole sur le Temple, et peut-être plus précisément comme « Messie-Prophète » (cette interpellation de Jésus par le vocatif « Christ » est unique dans les évangiles), c’est-à-dire comme prétendu Grand Prêtre eschatologique qui veut établir un nouveau Temple.
69 Cependant Pierre était assis dehors, dans la cour. Une servante s’approcha de lui en disant : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. »
e Var. (Vulg.) « Nazarénien ».
f Le dialecte galiléen.
27 Le matin étant arrivé, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent un conseil contre Jésus, en sorte de le faire mourir.
g Var. « Ponce Pilate ». — Cf. Lc 3.1. Rome s’étant réservé, en Judée comme dans toutes les provinces de l’Empire, le droit de mettre à mort, les juifs devaient recourir à ce gouverneur pour obtenir confirmation et exécution de leur propre sentence.
3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il avait été condamné, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens :
h Var. « sang juste », cf. 23.35.
i En araméen Haqeldama (cf. Ac 1.19 et ici Vulg.). Une tradition très ancienne et probablement authentique place ce lieu dans la vallée de Hinnom.
j Om. « Jérémie ». Il s’agit en fait d’une citation libre de Za 11.12-13, combinée avec l’idée de l’achat d’un champ suggérée par Jr 32.6-15. Ceci, joint au fait que Jérémie parle des potiers, 18.2s, qui se trouvaient dans la région de Haqeldama, 19.1s, explique que tout le texte ait pu lui être attribué par approximation.
k Yahvé se plaignait de n’avoir reçu des Israélites, en la personne de son prophète Zacharie, qu’un salaire dérisoire ; la vente de Jésus pour le même prix de misère paraît à réaliser cet oracle prophétique.
11 Jésus fut amené en présence du gouverneur et le gouverneur l’interrogea en disant : « Tu es le Roi des Juifs ? » Jésus répliqua : « Tu le dis. »l
l Par ces mots Jésus reconnaît comme exact, du moins en un certain sens, ce qu’il n’aurait cependant pas dit lui-même. Voir déjà 26.25, 64 ; et cf. Jn 18.33-37.
15 À chaque Fête, le gouverneur avait coutume de relâcher à la foule un prisonnier, celui qu’elle voulait.
m Vulg. « Il avait ».
n Ici et au v. 17, var. « Jésus Barabbas », ce qui donne à la question de Pilate un tour frappant, mais cette précision semble venir d’une tradition apocryphe.
19 Or, tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle point de l’affaire de ce juste ; car aujourd’hui j’ai été très affectée dans un songe à cause de lui. »
20 Cependant, les grands prêtres et les anciens persuadèrent aux foules de réclamer Barabbas et de perdre Jésus.
o Geste expressif, et que les Juifs durent bien comprendre, cf. Dt 21.6s ; Ps 26.6 ; 73.13.
p Var. « du sang de ce juste ».
q Expression biblique traditionnelle, 2 S 1.16 ; 3.29 ; AC 5.28 ; 18.6, par laquelle le peuple accepte la responsabilité de la condamnation qu’il réclame.
r Prélude normal à la crucifixion chez les Romains.
27 Alors les soldats du gouverneur prirent avec eux Jésus dans le Prétoires et ameutèrent sur lui toute la cohorte.
s Le Prétoire, c’est-à-dire la résidence du Préteur, doit être l’ancien palais du roi Hérode le Grand, où s’installait régulièrement le procurateur quand il montait de Césarée à Jérusalem. Ce palais, sis à l’ouest de la ville, à l’emplacement de l’actuelle citadelle, était distinct de la résidence familiale des Asmonéens, qui était proche du Temple et où Hérode Antipas reçut Jésus envoyé chez lui par Pilate. Lc 23.7-12. Certains cherchent le Prétoire dans la forteresse Antonia, au nord du Temple. Mais cette localisation ne s’accorde ni avec les habitudes des procurateurs, telles que nous les font connaître les anciens textes, ni avec l’usage du mot « prétoire », qui ne peut se déplacer ainsi, ni avec les mouvements de Pilate et de la foule juive dans les récits évangéliques de la Passion, surtout celui de saint Jean.
t Manteau de soldat romain (sagum). Sa couleur rouge va évoquer par dérision la pourpre royale.
u Les Juifs s’étaient moqués de Jésus comme « Prophète », 26.68, les Romains se moquent de lui comme « Roi » ces deux scènes reflètent bien les deux aspects, religieux et politique, du procès de Jésus.
32 En sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, et le requirent pour porter sa croix.
v Transcription du mot araméen Goulgoltha, « lieu du Crâne », en latin Calvaria (d’où « Calvaire »).
w Breuvage enivrant que des femmes juives compatissantes, cf. Lc 23.27s, avaient coutume d’offrir aux suppliciés pour atténuer leurs souffrances. En fait ce vin était plutôt mêlé de « myrrhe », cf. Mc 15.23, le « fiel » étant dû chez à une réminiscence du Ps 69.22 (de même que la corr. de « vin » en « vinaigre » de la recension antiochienne). Jésus refuse ce stupéfiant.
x Add. « pour que s’accomplît l’oracle du prophète « Ils se sont partagé mes vêtements, et ma robe, ils l’ont tirée au sort » (Ps 22.19), glose empruntée à Jn 19.24.
37 Ils placèrent aussi au-dessus de sa tête le motif de sa condamnation ainsi libellé : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
39 Les passants l’injuriaient en hochant la tête
45 À partir de la sixième heure, l’obscurité se fit sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.y
y De midi à trois heures après midi.
z Cri de réelle détresse mais non de désespoir cette plainte empruntée à l’Écriture est une prière à Dieu et elle est suivie dans le Ps par l’assurance joyeuse du triomphe final.
a Méchant jeu de mots, fondé sur l’attente d’Élie comme précurseur du Messie, cf. 17.10-13, ou sur la croyance juive qu’il venait au secours des justes dans le besoin.
b Boisson acidulée dont usaient les soldats romains. Le geste fut sans doute compatissant, cf. Jn 19.28s ; les Synoptiques l’ont tenu pour malveillant, Lc 23.36, et l’ont décrit en des termes qui évoquent Ps 69.22.
51 Et voilà que le voile du Sanctuairec se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent,d
c Soit la tenture qui fermait le Saint, soit plutôt celle qui séparaît le Saint et le Saint des Saints, cf. Ex 26.31s. À la suite de He 9.12 ; 10.20, la tradition chrétienne a vu dans cette déchirure du voile la suppression de l’ancien culte mosaïque et l’accès ouvert par le Christ au sanctuaire eschatologique.
d Ces manifestations extraordinaires, comme déjà les ténèbres du v. 45, étaient annoncées par les prophètes comme des signes caractéristiques du « Jour de Yahvé », cf. Am 8.9.
e Cette résurrection de justes de l’AT est un signe de l’ère eschatologique (Isa 26.19 ; Ez 37 ; Dn 12.2). Libérés de l’Hadès par la mort du Christ, cf. 16.18, ils attendent sa résurrection pour entrer avec lui dans la Ville sainte, c’est-à-dire Jérusalem. On a ici une des premières expressions de la foi à la délivrance des morts par la descente du Christ aux enfers, cf. 1 P 3.19.
55 Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient,
57 Le soir venu, il vint un homme riche d’Arimathie, du nom de Joseph, qui s’était fait, lui aussi, disciple de Jésus.
f Linceul « propre » et tombeau « neuf » soulignent la piété de l’ensevelissement ; le deuxième trait explique aussi qu’il ait été possible, car le cadavre d’un supplicié ne pouvait être déposé dans un tombeau déjà occupé, où il aurait souillé des ossements de justes.
62 Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation,g les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate
g En grec « Parascève ». Ce terme s’appliquait au vendredi, jour où se faisaient les préparatifs du sabbat. Cf. Jn 19.14. Sur le problème de la chronologie, voir 26.17.
h Ou bien « Utilisez vos gardes », cf. Lc 22.4 ; ou bien « Je mets une garde à votre disposition », cf. Jn 18.3.
28 Après le jour du sabbat,i comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l’autre Mariej vinrent visiterk le sépulcre.
i Et non « Au soir du Sabbat » (Vulg.). — Le sabbat étant le jour du repos, le « premier jour de la semaine » juive correspond à notre « dimanche », Ap 1.10, c’est-à-dire « jour du Seigneur », ainsi nommé en mémoire de la Résurrection. Cf. Ac 20.7 ; 1 Co 16.2.
j C’est-à-dire « Marie de Jacques », Mc 16.1 ; Lc 24.10 ; cf. 27.56, 61.
k Le tombeau étant scellé et gardé, les femmes ne songent pas à oindre le corps de Jésus, comme chez Mc et Lc, mais veulent seulement « visiter » le tombeau.
l « il »; var. « le Seigneur ».
m Var. « Sortant vite du tombeau », cf. Mc 16.8.
9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre : « Je vous salue », dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui.
n S’ils sont d’accord pour rapporter l’apparition initiale de l’Ange (ou des Anges) aux femmes, 28.5-7 ; Mc 16.5-7 ; Lc 24.4-7 ; Jn 20.13, les quatre évangiles divergent en ce qui concerne les apparitions de Jésus lui-même. Mc mis à part, dont la conclusion abrupte pose un problème spécial, cf. Mc 16.8, et dont la finale longue récapitule les données des autres évangiles, on observe chez tous une distinction littérairement et doctrinalement marquée entre : 1° des apparitions privées servant à prouver la Résurrection à Marie-Magdeleine, seule, Jn 20.14-17 ; cf. Mc 16.9, ou accompagnée, 28.9-10 ; aux disciples d’Emmaüs, Lc 24.13-32 ; cf. Mc 16.12, à Simon, Lc 24.34, à Thomas, Jn 20.26-29 ; 2° une apparition collective avec mission apostolique, 28.16-20 ; Lc 24.36-49 ; Jn 20.19-23 ; cf. Mc 16.14-18. On remarque d’autre part deux traditions dans la localisation en Galilée seulement, Mc 16.7 ; 28.10, 16-20 ; en Judée seulement, Lc et Jn 20 ; Jn 21 ajoute, par mode d’appendice, une apparition en Galilée qui, tout en portant un caractère privé (surtout à Pierre et Jean), s’accompagne d’une mission (à Pierre). Le kérygme ancien que Paul récite en 1 Co 15.3-7 énumère cinq apparitions (auxquelles s’ajoute l’apparition à Paul lui-même), qui ne se laissent pas facilement harmoniser avec les récits évangéliques ; il mentionne en particulier une apparition à Jacques qui est également racontée par l’Évangile aux Hébreux. On sent là des traditions différentes, dues à des groupes divers qu’il est difficile de préciser. Mais leurs divergences mêmes attestent mieux qu’une uniformité artificiellement construite le caractère ancien et historique de ces multiples manifestations du Christ ressuscité.
11 Tandis qu’elles s’en allaient, voici que quelques hommes de la garde vinrent en ville rapporter aux grands prêtres tout ce qui s’était passé.
14 Que si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, nous nous chargeons de l’amadouer et de vous épargner tout ennui. »
16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous.
o Autre traduction, moins autorisée par la grammaire « eux qui avaient douté ». — Sur ces doutes que doit mentionner ici, faute d’avoir raconté une autre apparition aux disciples, cf. Mc 16.11, 14 ; Lc 24.11, 41 ; Jn 20.24-29.
p En ces dernières instructions de Jésus, avec la promesse qui les suit, se trouve condensée la mission de l’Église apostolique. Le Christ glorifié exerce aussi bien sur la terre qu’au ciel, 6.10 ; cf. Jn 17.2 ; Ph 2.10 ; Ap 12.10, le pouvoir sans limites, 7.29 ; 9.6 ; 21.23 ; etc., qu’il a reçu de son Père, cf. Jn 3.35. Ses disciples exerceront « donc » ce pouvoir en son nom par le baptême et la formation des chrétiens. Leur mission est universelle après avoir été annoncé d’abord au peuple d’Israël, 10.5s ; 15.24, comme le comportait le plan divin, le salut doit être désormais offert à toutes les nations, 8.11 ; 21.41 ; 22.8-10 ; 24.14, 30s ; 25.32 ; 26.13 ; cf. Ac 1.8 ; 13.5 ; Rm 1.16. Dans cette œuvre de conversion universelle, si longue et laborieuse qu’elle puisse être, le Ressuscité sera vivant et agissant avec les siens.
q Il est possible que cette formule se ressente, dans sa précision, de l’usage liturgique établi plus tard dans la communauté primitive. On sait que les Actes parlent de baptiser « au nom de Jésus », cf. Ac 1.5, 2.38. Plus tard on aura explicité le rattachement du baptisé aux trois personnes de la Trinité. Quoi qu’il en soit de ces variations possibles, la réalité profonde reste la même. Le baptême rattache à la personne de Jésus Sauveur ; or toute son œuvre de salut procède de l’amour du Père et s’achève dans l’effusion de l’Esprit.
r « la fin de l’âge » la formule revient cinq fois chez Matthieu (13.39, 40, 49 ; 24.3 et ici, voir aussi He 9.26 ; 12.32) ; elle ne signifie pas la fin du monde, de la terre, voir 2 P 3.10, mais plutôt la fin de l’époque actuelle de l’histoire du salut, l’âge de l’Église ; on peut comprendre cette expression comme une allusion discrète à un schéma apocalyptique de l’histoire du salut, qui comprend sept âges du monde, chacun comptant mille ans (chiffre symbolique représentant un temps long). Ce schéma, qui combine les sept jours de la création (Gn 1) avec l’idée qu’un jour, devant le Seigneur, est comme mille ans (2 P 3.8 ; Ps 90.4), va d’Adam à Noé, de Noé à Abraham, d’Abraham à David, de David à l’Exil, de l’Exil au Christ et du Christ à son retour glorieux. On trouve un extrait de ce schéma dans la généalogie de Jésus, 1.17. Voir 24.3, note.